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SAPEURS POMPIERS

La requisition judiciaire et les infirmers de sapeurs pompiers

Publié le 27/03/2009

Lors de son activité opérationnelle, l’infirmier de sapeur pompier (ISP) peut se trouver confronté à une réquisition judiciaire émanant de l’autorité de police ou de gendarmerie présent sur la même intervention.

Cette situation se rencontre plus particulièrement lors d’accident de la voie publique avec victime décédée ou grièvement blessée, ou à domicile. La réquisition porte généralement dans l’exécution d’un prélèvement sanguin soit du vivant de la victime soit post-mortem.

Actuellement rare, il y a fort à parier que les réquisitions aux ISP vont se faire de plus en plus fréquemment du fait de la présence régulière des ISP sur les lieux de sinistres.

Alors, quelle attitude adopter face à ce type de réquisition ?

Devant cet aspect médico-légal, il semble important d’apporter aux ISP quelques informations complémentaires :

I) Définition de la réquisition judiciaire :

La réquisition, au sens large, est une injonction faite à un individu par une autorité judiciaire ou administrative en vue de réaliser un acte quelconque.

Le propos de cet article s’intéressera uniquement à la réquisition judiciaire.

La réquisition doit-être perçue comme une nécessité d’utiliser des compétences spécifiques dans le cadre d’une affaire judiciaire (meurtre, AVP avec mort violente, coups et blessures…..) ;  autant de terrains où les sapeurs pompiers sont intervenants.

Cependant, la réquisition ne peut-être utilisée que dans trois cas bien définis par le Code de Procédure Pénale (CPP) :

  • L’enquête préliminaire
  • L’enquête de flagrant délit ou de flagrance
  • La commission rogatoire

Dans cet article nous n’envisagerons pas la commission rogatoire, spécificité pénale, intervenant dans le cadre d’enquêtes en cours d’instruction.

II) Les cadres judiciaires :

En la matière, il est important de savoir que seuls les Officiers de Police Judiciaire sont autorisés par le Code de Procédure Pénale (CPP) à recourir à la réquisition (articles 16 à 19 du CPP).

Le Procureur de la République et le Juge d’instruction disposent, quant à eux des mêmes prérogatives.

a) L’enquête Préliminaire : (Articles 75 à 78 du CPP)

Il s’agit d’une enquête réalisée à distance des faits, dont les instructions de procédures sont données aux officiers de police judiciaire en charge de l’affaire, par le Procureur de la République (article 75-1 du CPP). Dans ce cas, l’autorisation de réquisition n’est accordée aux enquêteurs que par le Procureur de la République (article 77-1 du CPP.

Article 77.1 du CPPS'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées.  Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 60 sont applicables.

La réquisition est alors écrite et doit comporter obligatoirement les mentions suivantes :

  • Identité du requérant
  • Identité du requis
  • Article du CPP permettant la réquisition
  • La mission
  • La nécessité de prêter serment
  • La date
  • La signature et la qualité du requérant

La réquisition est toujours nominative et ne peut-être déléguée.

Dans ce cadre particulier, les personnes requises le sont souvent pour leurs qualités expertales en rapport avec les faits. Il n’est pas rare que celles-ci soient réquisitionnées par téléphone afin de répondre au plus vite à la requête, les documents officiels leurs sont alors remis ultérieurement.

b) L’enquête de flagrance :( Articles 53 à 67 du CPP)

L’enquête de flagrance (ou flagrant délit) est diligentée directement par les Officiers de Police Judiciaire pour ce qui concerne les infractions qui se voient, s’entendent et se perçoivent. Elle est contemporaine de l’action et à une durée limitée (8 jours à compter du 1er acte de l’enquête avec une prolongation possible de 8 jours). A l’origine de l’article 53 du CPP il n’existait que quatre cas de flagrance :

Crimes ou délits qui se commettent actuellement

Crimes ou délits qui viennent de se commettre

Désignation de la personne soupçonnée par la clameur publique dans  un temps voisin de l’infraction

Découverte dans un temps voisin de l’infraction d’une personne en possession d’objet ou laissant penser qu’elle a participé au délit.

L’article 74 du CPP vient compléter les cas de flagrance en assimilant la découverte « d’un cadavre  qui correspond à l’hypothèse de mort violente ou de cause inconnue ou suspecte » (Tentative d’autolyse, AVP sans tiers identifié….).

C’est la loi du 9 mars 2004 modifiant le CPP dans son article 74 alinéa 5 qui étend la flagrance à la découverte « de personne grièvement blessée lorsque la cause des blessures est inconnue ou suspecte ».

Cet article explique la présence régulière d’une autorité de judiciaire (police ou gendarmerie) sur les lieux d’accidents de toutes natures (accidents domestiques, de travail, de la route….)

Article 74 En cas de découverte d'un cadavre, qu'il s'agisse ou non d'une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l'officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations.
Le procureur de la République se rend sur place s'il le juge nécessaire et se fait assister de personnes capables d'apprécier la nature des circonstances du décès. Il peut, toutefois, déléguer aux mêmes fins, un officier de police judiciaire de son choix.
Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l'article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience.
Le procureur de la République peut aussi requérir information pour recherche des causes de la mort.
Les dispositions des trois premiers alinéas sont également applicables en cas de découverte d'une personne grièvement blessée lorsque la cause de ses blessures est inconnue ou suspecte.

En matière de flagrant délit, les Officiers de Police Judiciaire disposent de pouvoirs plus élargis qu’en matière d’enquête préliminaire.
La réquisition n’a pas besoin d’être écrite mais doit figurer sur le procès verbal dressé par l’Officier de Police Judiciaire requérant (article 60 CPP).

Les OPJ sont autorisés à utiliser la réquisition sur les lieux des faits.

Article 60 : S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées.  Sauf si elles sont inscrites sur une des listes prévues à l'article 157, les personnes ainsi appelées prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés. Elles en dressent inventaire et en font mention dans un rapport établi conformément aux dispositions des articles 163 et 166. Elles peuvent communiquer oralement leurs conclusions aux enquêteurs en cas d'urgence. Sur instructions du procureur de la République, l'officier de police judiciaire donne connaissance des résultats des examens techniques et scientifiques aux personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, ainsi qu'aux victimes.

III) L’application médico-légale :

Sans préambule, en matière médico-légale, la réquisition judiciaire est toujours adressée à un médecin.

Seul le décret 61.633 du 20 juin 1961 autorise la réquisition aux internes des hôpitaux.

De plus le médecin ne  peut y déroger en application de l’article L.4163-7 du Code de la Santé Publique.

Article L.4167-7 Est puni de 3750 euros d'amende le fait :
1º D'exercer la médecine, l'art dentaire ou la profession de sage-femme sans avoir fait enregistrer ou réenregistrer son diplôme en violation des dispositions de l'article L. 4113-1 ;
2º Pour un médecin, de ne pas déférer aux réquisitions de l'autorité publique.

Le médecin peut récuser une réquisition judiciaire dans la seule hypothèse ou il s’agit du médecin traitant de la victime.

Hormis ce cas, il a obligation de déférer à la réquisition.

a) La Réquisition faite à un(e) Infirmier(e) de Sapeurs Pompiers

Dans le cas particulier des Infirmiers, qu’ils soient de sapeurs pompiers ou non, la réquisition judiciaire à des fins médico-légales ne peut-être retenue.

Rappelons que l’infirmier travaille sous prescriptions médicales et/ou protocoles. Ils ont une profession réglementée dans leurs actes et sont tenus de respecter et de faire respecter les articles R.4311-1 à R.4311-15 du Code de la Santé publique et plus particulièrement en ce qui concerne les prélèvements sanguins, l’article R.4311-7 alinéa 35.

Article R.4311-7: L'infirmier ou l'infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin :
35º Prélèvements de sang par ponction veineuse ou capillaire ou par cathéter veineux

Par ailleurs, un arrêt de la Cour de  Cassation du 24 juin 1992 précisait déjà cette position :

La loi punit le refus de concours de toute personne requise à laquelle l’autorité, dans l’exercice de ses fonctions et dans les limites de sa compétence, s’adresse dans un intérêt urgent d’ordre public et qui, sans motif légitime établissant son impossibilité d’agir, refuse ou néglige de prêter secours ou de faire les travaux ou le service que l’autorité requérante estime nécessaire.

IV) Conclusion :

En ce qui concerne, la profession d’infirmier, l’autorité qui réquisitionne, sans connaître la réglementation de la profession, ne dispose pas du pouvoir réglementaire lui permettant d’ajouter de nouvelles dispositions en matière de compétence infirmière au CSP.

De ce fait, seul un médecin peut-être requis par l’autorité judiciaire et prescrire à l’infirmier le prélèvement à réaliser.

Le Code de Procédure Pénale ne se substitue pas au Code de la Santé Publique.

Bibliographie

  • Jean LARGIER.- La Procédure Pénale -  Collection Que sais-je. Edition mise à jour 2005.
  • Corinne Renault-Bralinsky. – L’essentiel de la Procédure Pénale – Collection les Carrés.- Gualino Editeur 2006.
  • Code de Procédure Pénale.- Dalloz 2006-.
  • Marc GENOVESE.- Droit appliqué aux services d’incendie et de secours- Collection Sapeurs-Pompiers. Edition du Papyrus 2007.

Pierre LEMAIRE
Infirmier Chef de Sapeurs Pompiers
IADE/ Consultant en Droit de la Santé
Rédacteur Infirmiers.com
Pierre.lemaire@infirmiers.com


Source : infirmiers.com