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PUERICULTRICE

Du dépistage à une prise en charge personnalisée, parcours de l’autisme infantile

Publié le 11/02/2022

Ses mécanismes sont complexes ; son dépistage et sa prise en charge aussi. Or diagnostiquer l’autisme de manière précoce chez les enfants représente un enjeu majeur, car en découle la mise en place d’un accompagnement adapté qui favorise leur développement et permet d’en réduire les impacts. Illustration sur le terrain, de l’errance diagnostique à la prise en charge pluridisciplinaire.

Plus le dépistage et la prise en charge de l'autisme sont précoces, plus l'enfant peut évoluer favorablement.

Longtemps considérés comme des troubles psychiatriques, les troubles du spectre de l’autisme (TSA) relèvent en réalité des troubles du neurodéveloppement (TND). Aujourd’hui encore, leur dépistage se heurte à de nombreuses complications, entre manifestations et degrés divers, divisions sur les méthodes de prise en charge et filière de soin surchargée qui peine souvent à répondre aux besoins des familles. Pourtant, un accompagnement précoce favorise grandement le développement des enfants pour leur permettre d’accroître leur qualité de vie sur le plan social et affectif. Entre retard et errance diagnostiques et parcours de soin évolutif, état des lieux de l’autisme infantile.

Un trouble aux manifestations multiples...

L’une des difficultés du dépistage de l’autisme tient à la multiplicité des troubles par lesquels il se manifeste et qui peuvent être confondus avec l’expression d’autres TND (hyperactivité, trouble du développement intellectuel…). Et c’est sans compter les différentes formes existantes, entre l’autisme de Kanner, souvent associé à un retard mental, et le syndrome d’Asperger. Le diagnostic repose sur la convergence de suffisamment de symptômes (les troubles des interactions sociales et de la communication, intérêts restreints et répétitifs et gestes stéréotypés, et troubles neurosensoriels) sur une période suffisamment longue, explique le Dr Éric Lemonnier, pédopsychiatre et spécialiste de l’autisme. Les TSA s’expliqueraient en partie selon lui par l’impossibilité de hiérarchiser les informations contextuelles, communes à toutes les formes d’autisme. Mais ces symptômes ne sont pas spécifiques de l’autisme quand les enfants sont petits, prévient-il. Établir un diagnostic fiable prend donc du temps et requiert un suivi régulier de l’enfant. 

Souvent, les diagnostics ne sont pas posés avant l’âge de 5 ou 6 ans, ce qui est malheureusement un peu tard

Toutefois, le pédopsychiatre plaide pour une prise en charge précoce des enfants présentant certains signaux qui doivent alerter : retard de langage, absence d’échange de regard, utilisation d’objets de manière répétitive… Quitte parfois à diagnostiquer des TSA là où il n’y en a pas. Quand on débute le dépistage à 3 ans après avoir identifié des troubles de l’autisme, on se rend compte que dans 30 % des cas, l’enfant n’en est pas atteint, poursuit-il. Mais on a toutefois intérêt à le prendre en charge, même s’il s’avère finalement qu’il n’est pas autiste. Un constat que partage Yann Rolland, infirmier avec un DU Autisme et Troubles du Neurodéveloppement de l'enfance à l'âge adulte (Université de Tours) et qui travaille au sein du SESSAD (Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile) Les Vénètes, à Vannes, où il est le référent de 6 enfants.  Si l’on pouvait au moins mettre des suspicions de TSA rapidement chez les jeunes enfants, cela leur permettrait d’avoir des prises en charge spécifiques, facilitant l’acquisition des compétences - relationnelles, communicationnelles - qui leur font défaut. Souvent, les diagnostics ne sont pas posés avant l’âge de 5 ou 6 ans, ce qui est malheureusement un peu tard. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne pourra rien faire, mais si on pouvait commencer vers 2 ou 3 ans pour certains enfants, leur progression serait bien plus efficace. Ce qui faciliterait notamment leur scolarisation , enjeu majeur selon Éric Lemonnier, pour leur éviter des hébergements en structures médico-sociales une fois adultes et une perte d’autonomie.

L’autisme en chiffres
•    700 000 personnes seraient atteintes de TSA en France, soit 1 % de la population
•    Dont 120 000 enfants
•    Et quatre autistes sur cinq sont adultes
•    En prenant en compte les familles et les aidants, ce sont en tout 3 millions de personnes qui seraient touchées par les TSA
•    Les TSA n’ont été catégorisés comme troubles du neurodéveloppement qu’en 2013


Source : INSERM

… qui condamne souvent à l’errance diagnostique

Mais encore faut-il être bien orienté. Or souvent, le dépistage de l’autisme se caractérise par une véritable errance diagnostique. Amandine, maman d’un adolescent de 16 ans présentant un syndrome d’Asperger, en a fait l’expérience, entre séances chez les thérapeutes, recours aux pédopsychiatres et à un médecin spécialiste en hyperactivité. Avant qu’une éducatrice spécialisée dans la méthode ABA (pour Applied Behaviour Analysis, ou analyse comportementale appliquée) ne dresse enfin le bilan de son fils. Professionnels peu ou mal formés à l’autisme, peur du mauvais diagnostic, difficultés d’orientation…, les familles se heurtent en effet souvent à de multiples obstacles, qui peuvent avoir des conséquences sur le suivi de l’enfant : Pour peu que les professionnels ne soient pas formés à l’autisme, ils vont lui trouver une psychose ou le prendre en charge sans poser de diagnostic. Et on se retrouve alors avec des prises en charge inadaptées, comme des thérapies freudiennes. Le deuxième plan Autisme espère toutefois remédier à ces difficultés, notamment en permettant aux professionnels de santé dits de niveau 2 (PMI, CAMSP, CMPP et CMP), de poser des diagnostics et en créant des missions d’appui pour leur venir en aide. Mais cela ne date que de l’année dernière, nuance Yann Rolland. Ce qui veut dire que les équipes de niveau 2 sont encore en cours de formation.

On ne peut jamais présager des compétences de développement des enfants

Une prise en charge évolutive

Si certains parents réagissent mal aux résultats du diagnostic, d’autres, comme Amandine, vivent l’annonce avec soulagement, d’autant plus qu’elle permet de débloquer les aides nécessaires à l’accompagnement de l’enfant.  Mais c’est alors une autre problématique qui surgit : le nombre de places disponibles au sein des services spécialisés. Une fois le dossier monté auprès des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), qui orientent les enfants vers les structures adaptées, deux ans et demi d’attente sont en moyenne nécessaires avant qu’ils n’y soient pris en charge. Entre-temps, explique Yann Rolland, ils sont suivis en hôpital de jour ou par des libéraux. La liste d’attente au SESSAD représente entre 20 et 30 enfants, relève-t-il. On rencontre en amont les parents pour savoir où ils en sont dans leur accompagnement et on les oriente le plus possible vers les libéraux afin qu’ils deviennent déjà coordinateurs du projet thérapeutique de leur enfant.

En structure, la prise en charge s’appuie sur la définition d’un projet individualisé, qui tient compte des spécificités de chaque enfant. Au SESSAD des Vénètes, elle débute par un bilan éducatif complet, qui implique l’ensemble des professionnels de l’établissement, dont l’orthophoniste et la psychomotricienne et qui repose sur une série d’entretiens permettant d’identifier les capacités et les difficultés de l’enfant. Ce n’est qu’ensuite que se construit le projet : nature des interventions sur les lieux de vie de l’enfant, accompagnements individuels et/ou collectifs, consultations par les professionnels de santé. Chez les petits, nous travaillons essentiellement sur les habilités relationnelles et la communication de base, témoigne l’infirmier. On utilise des jeux de société ou collaboratifs ; on passe par des pictogrammes et par le PECS* pour échanger avec l’enfant. Le tout étant d’adapter régulièrement le projet en fonction des progrès en fixant des objectifs concrets et réalisables (faire une demande simple, savoir donner un objet…).

Un choc émotionnel particulièrement fort peut remettre en question des années d’apprentissage

La prise en charge des TSA s’inscrit dans le temps et doit prendre en compte les évolutions qui s’opèrent chez les enfants. On ne peut jamais présager des compétences de développement des enfants que l’on reçoit, insiste Yann Rolland. Quand je fais le bilan avec les parents de certains enfants de 7-8 ans dont je suis le référent, on réalise qu’on a fait d’énormes progrès alors qu’on pensait ne pas y arriver au début. Amandine, dont le fils a favorablement progressé depuis le début de sa prise en charge, confirme tout en admettant qu’il a envie d’évoluer, d’avoir les mêmes amitiés que les autres, de s’intégrer. Alors que ce sont des choses qu’on ne retrouve pas toujours dans l’autisme. Éric Lemonnier met néanmoins en garde : les TSA ne se soignent pas et le risque de régression existe : Un choc émotionnel particulièrement fort peut remettre en question des années d’apprentissage.

L’implication de tous

Autre impératif : la prise en charge des TSA doit impliquer l’ensemble des acteurs qui évoluent autour de l’enfant, à commencer par les parents. Ce qui suppose des modalités d’accompagnement qui soient accessibles aux familles. Les parents ont une place importante. On observe assez volontiers que les enfants progressent mieux lorsque l’un des parents peut s’arrêter de travailler pour s’en occuper, note Éric Lemonnier. Il est donc absolument fondamental que les outils que l’on met en place puissent être utilisés partout, à la maison et à l’école. L’implication des parents est d’autant plus importante que ces enfants ont besoin de règles clairement établies et identiques partout afin de pouvoir progresser, ajoute Yann Rolland. Une condition qui requiert également une véritable coordination entre les différents professionnels amenés à intervenir, la prise en charge de l’autisme étant nécessairement pluridisciplinaire : psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes… Mais aussi avec les professionnels de l’Education nationale lorsque l’enfant est scolarisé, qui ont souvent besoin d’être sensibilisés aux TSA pour l’accueillir dans de bonnes conditions en fonction de ses spécificités. Car les enfants autistes sont assez surprenants. C’est simplement qu’ils ne rentrent pas dans les cases, conclut Amandine.

*Le PECS (Picture Exchange Communication System), ou Système de Communication par Echange d’Image, est un système de communication alternatif, développé aux Etats-Unis, avec pour objectif de développer un mode de communication fonctionnelle et autonome.

Pour aller plus loin : Autisme Info Service

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com