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PÉDIATRIE

Assises de la pédiatrie : quelles évolutions pour les infirmiers ?

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Publié le 20/06/2024

Intégration de la pratique avancée dans la formation des infirmiers puériculteurs, virage préventif, focus sur les dépistages pour les infirmiers de l’Éducation nationale… Que dit la feuille de route issue des Assises de la pédiatrie pour la profession infirmière?

enfant et adulte apprentissage

Les annonces sont « fortes », elles étaient surtout attendues. À l’issue des Assises de la pédiatrie, la présentation du gouvernement de sa stratégie pour transformer ce secteur en crise a satisfait nombre de professionnels, dont les infirmiers puériculteurs (IPDE). Et pour cause, ces derniers ont obtenu d’y voir inscrite une évolution qu’ils appelaient de leurs vœux : une révision de leur formation, qui passerait d’un an à deux ans et intègrerait de la pratique avancée. C’est surtout l’aboutissement d’un an de travail pour ces professionnels, qui ont contribué dans les groupes de travail à amener un certain nombre des propositions actées dans cette feuille de route. « On a tellement travaillé dessus que lorsque la communication du gouvernement est sortie, il n’y a eu aucun effet de surprise. C’est la suite logique de ce sur quoi on travaille depuis plusieurs années », réagit Claire Royer de la Bastie, présidente du Conseil national professionnel (CNP) IPDE.

Le passage de la formation sur l’enfant de un à deux ans

Depuis 1983, le référentiel de formation des IPDE n’a pas évolué, rappelait en effet Peggy Alonso, lors de son élection à la tête de l’Association nationale des IPDE (ANPDE), et ne correspond plus aux besoins des enfants et de la société. « Ce qu’on voulait, c’était deux ans de formation sur l’enfant. Actuellement, l’IPDE est formée un an sur l’enfant alors que c’est la période de la vie où on change le plus, avec une évolution entre 0 et 18 ans », explique Véronique Boulaire, présidente du jeune Syndicat national des IPDE (SNPDE) et cadre de santé. L’annonce d’un passage à deux ans et l’intégration de la pratique avancée permettrait ainsi aux IPDE d’intervenir en premier recours. « La pratique avancée, c’est de la délégation d’actes médicaux », poursuit-elle. Il s’agirait donc d’instaurer un autre modèle, différent de celui des infirmiers en pratique avancée (IPA), qui n’empêcherait pas par la suite les IPDE de se spécialiser dans une des mentions existantes pour les IPA. « Il y a eu un grand débat sur la formulation », complète Claire Royer de la Bastie, qui insiste sur le fait qu’il s’agit bien de conserver la spécialité IPDE, mais qui évoluerait vers la pratique avancée, et non pas de créer une nouvelle mention IPA « Santé de l’enfant ».

L’intégration de la pratique avancée constituerait une « juste reconnaissance du travail sur le terrain »

L’intégration de cette pratique avancée constituerait surtout « une juste reconnaissance du travail qui est déjà entamé sur le terrain » par les IPDE : coordination du parcours de soin, suivi de l’enfant, examens…liste-t-elle, évoquant également des « protocoles de coopération qui ne relèvent certes pas de la pratique avancée » mais qui sont amenés à l’intégrer. Mais qui, à l’heure actuelle, dépend encore beaucoup des équipes. Reste qu’il faudra repenser non seulement la maquette de formation, en prenant en considération le nouveau référentiel de la formation socle du métier d’infirmier, mais aussi les modes de financement. Car passer d’un an à deux ans de formation coûtera nécessairement « plus cher », souligne Véronique Boulaire. « Mais on ne sait pas à quel point, alors que c’est déjà un investissement énorme pour celles qui se lancent dans la spécialité. »

Un renforcement attendu du rôle de l’IPDE en prévention

Autre satisfecit pour ces professionnels de la santé de l’enfant : l’annonce d’un vrai virage préventif, dans lequel ils estiment avoir un rôle important à jouer. « En France, historiquement, on est centré sur le soin, nous sommes un pays qui soigne bien », observe la présidente du SNPE. « On a besoin d’un axe de prévention, car plus on va prévenir, moins on aura de malades. » De fait, la prévention est au cœur des missions de l’IPDE, même si elle demeurait jusqu’à présent peu reconnue. Elle s’applique d’une part lors de la réalisation de gestes techniques – « il faut savoir comment faire un prélèvement sanguin et l’anticiper afin qu’il n’ait pas d’impact sur le développement de l’enfant » - mais surtout dans l’accompagnement à la parentalité et l’éducation à la santé. « Renforcer les actions de prévention à destination des parents », l’un des axes définis par la feuille de route du gouvernement, « relève typiquement du rôle de l’IPDE, de même que renforcer les compétences et les comportements vertueux à travers l’éducation », souligne de son côté Claire Royer de la Bastie.

Il n’y a pas de chiffres sur les effectifs supplémentaires d’IPDE qui pourraient être formés et recrutés. On n’a par ailleurs pas du tout eu d’annonces sur les moyens financiers dédiés.

Incertitude autour des moyens

Reste la question des moyens, humains et financiers, pour mettre en œuvre cette stratégie. Et là, c’est plutôt le grand flou, observent les deux IPDE. « À ma connaissance, il n’y a pas de chiffres sur les effectifs supplémentaires d’IPDE qui pourraient être formés et recrutés » dans les prochaines années, confirme la présidente du CNP IPDE, et ce alors même que la feuille de route table sur un renforcement de la Protection maternelle et infantile (PMI), notamment. « On n’a par ailleurs pas du tout eu d’annonces sur les moyens financiers dédiés. C’est aussi le nerf de la guerre », ajoute Véronique Boulaire.

La question financière se pose d’autant plus pour les IPDE en libéral qui, à ce jour, ne disposent toujours pas d’une nomenclature dédiée. Or la stratégie évoque la nécessité de mener une réflexion sur « les conditions d’exercice des futures puéricultrices en pratique avancée en « santé des enfants » dans des structures de premier recours, en ville, y compris dans un cadre d’exercice libéral ». « Il y a là un énorme sujet », concède Claire Royer de la Bastie, où se conjuguent l’absence de tarifs spécifiques et des considérations de zonage qui compliquent l’installation des IPDE en libéral. « Nous exerçons auprès d’une population âgée de 0 à 18 ans et nous sommes pourtant sur le même zonage que les infirmiers libéraux, ce qui rend difficile l’installation des IPDE en zones surdotées. Alors même qu’elles ne prennent pas en charge la même population. » Le gouvernement se montrerait par ailleurs « frileux » sur le développement de cet exercice libéral, par crainte de voir fuir les IPDE de l’hôpital.

Le texte a été très mal reçu par les infirmiers de l’Éducation nationale.

Une orientation estimée dangereuse pour la santé scolaire

Si les IPDE témoignent d’une certaine satisfaction quant à la lecture de cette feuille de route, du côté des infirmiers de l’Éducation nationale, l’heure est plutôt à la grogne. « Le texte a été très mal reçu par la profession », confirme Saphia Guereschi, la secrétaire générale du SNICS-FSU. En cause : un recentrage de leurs missions sur la prévention secondaire et les examens de dépistage, au détriment de l’accompagnement à la réussite scolaire, qui est au cœur du métier. Les infirmiers scolaires « ne sont pas là pour repérer les pathologies », mais pour « soigner les petits et grands maux et orienter selon les besoins » et aider l’école à s’adapter aux contraintes de chaque enfant, « parce que cela permet une égalité d’accès à la classe et donc de réussite scolaire », poursuit-elle. Or les nouvelles orientations occultent tout ce pan de l’exercice.

Des dépistages jugés inefficaces

Elles sont d’autant plus dommageables que ces examens de dépistage sont inefficaces. Car très souvent, les parents n’attendent pas les dépistages réalisés par la médecine scolaire pour amorcer la prise en charge et le suivi de leurs enfants. « Les seules populations qui se saisissent de ces dépistages sont déjà sensibilisées » et font déjà appel à des professionnels extérieurs. Saphia Guesreschi estime ainsi à moins de 6% le recours aux soins suite à ces dépistages. De quoi en réalité renforcer les inégalités en santé, et ce d’autant plus que ces examens ne permettent pas de dépister les situations de harcèlement ou d’inceste. « C’est simple : lors des bilans, les enfants n’ont qu’une seule préoccupation, c’est de répondre aux attentes du professionnel en face d’eux. Et donc ils se brossent tous les dents 3 fois par jour et ils sont heureux, tout va bien. C’est terrible d’inefficacité », tacle-t-elle.

 

Elle voit plutôt dans ces orientations un moyen de pallier le manque d’infirmiers scolaires tout en répondant aux objectifs de santé publique fixés par la loi. Ils sont ainsi 7 700 en exercice ; il en faudrait le triple, selon le SNICS-FSU, pour disposer d’un accueil systématique à temps complet par établissement (jusqu’au lycée). Et la déception est d’autant plus grande qu’il s’agit de la seule orientation donnée à la profession. Alors qu’il y a « 18 millions de consultations infirmières de l’Éducation nationale, dont on ne fait rien », s’agace-t-elle. « C’est anormal, c’est incompréhensible. »

Des inquiétudes quant à la mise en œuvre de la stratégie

Reste qu’il ne s’agit que d’une feuille de route. Et que tout demeure encore à construire. « Nous sommes contents de ces annonces, qu’on attendait depuis longtemps. Mais nous espérons que ce ne sont pas que des annonces et qu’elles vont se réaliser sur le terrain d’ici septembre 2027 », date fixée pour le déploiement de la nouvelle formation, note Claire Royer de la Bastie. Des groupes de travail doivent ainsi plancher sur les évolutions voulues, qui donneront ensuite lieu à des négociations. Ou du moins est-ce ainsi que devrait idéalement se dérouler le processus. Car depuis, la dissolution de l’Assemblée est venue mettre un frein à l’ensemble des travaux législatifs. La suite à donner à ces Assises dépendra entièrement de la future composition de l’hémicycle et du prochain gouvernement.


Source : infirmiers.com