Six ans après la création du statut d’infirmier en pratique avancée (IPA), la formation qui mène à ce nouveau mode d’exercice a-t-elle enfin atteint sa vitesse de croisière ? En 2022, force était de constater que le succès n’était pas au rendez-vous, avec des effectifs en formation qui s’essoufflaient déjà. Tatiana Henriot, alors présidente de l’Union nationale des IPA (UNIPA), avançait une explication multifactorielle : difficulté pour certains professionnels à financer leur formation, confidentialité de la profession, peu abordée lors du cursus initial en institut de formation en soins infirmiers (IFSI) et, surtout, inadéquation totale des textes législatifs et des rémunérations par rapport à la réalité du terrain.
1 751 étudiants en formation en 2023-2024
Depuis, la tendance semble s’être inversée. Selon le dernier recensement annuel des étudiants IPA (EIPA) de l’UNIPA*, les effectifs en université augmentent en 2023-2024 : de 648 en 2022, le nombre d’inscrits en Master 1 est ainsi passé à 782 en 2023 puis à 936 en 2024. En intégrant les étudiants de Master 2, l’UNIPA dénombre au total 1 736 EIPA, contre 1 425 en 2022 et 1 467 en 2023. L’augmentation de l’offre universitaire explique en partie cette hausse. 33 universités sont en effet désormais habilitées à dispenser la formation, dont 32 qui sont entièrement opérationnelles. « L’offre sur la métropole commence à être très importante », détaille Lise Mantisi, secrétaire générale de l’UNIPA. Elle souligne entre autres l’accréditation d’une première université aux Antilles en juin 2023 dont la première promotion devrait sortir en 2024. « Ça répondra à des attentes et à des besoins présents sur ces territoires » d’Outre-mer, estime-t-elle.
Sur le terrain, la profession commence à s’installer, elle est de plus en plus connue, aussi bien dans le libéral qu’à l’hôpital.
Un autre facteur pourrait aussi expliquer cette tendance. Si la profession pouvait être encore considérée comme confidentielle en 2022, tel n’est désormais plus le cas. « Sur le terrain, elle commence à s’installer, elle est de plus en plus connue, aussi bien dans le libéral qu’à l’hôpital », poursuit l’IPA. Parallèlement, le vote de la loi Rist en février 2023 a également pu jouer le rôle de coup de projecteur et conférer plus d’attractivité à la profession. En ouvrant l’accès direct aux IPA et en leur accordant la primo-prescription, elle entend élargir leur champ d’action pour le rendre plus en accord avec l’esprit de l’exercice en pratique avancée et ses responsabilités étendues. « La parution de la loi a donné des perspectives aux IPA », confirme-t-elle. « Il y a une vraie volonté du législateur de faire évoluer les choses, et ça a donné un élan à la profession. »
Une répartition qui reste très inégale entre les mentions
La répartition au sein des mentions reste toutefois très inégale. « Les mentions les plus attractives sont majoritairement à visées populationnelles (PCS, Psychiatrie-Santé Mentale, Urgences) elles représentent plus de 85% des effectifs IEPA », constate l’UNIPA. Même si sa part tend à diminuer, la mention "Pathologies chroniques stabilisées" (PCS) demeure ainsi la plus demandée, pesant pour 53,1% dans l’ensemble de la formation. Parallèlement, la mention "Néphrologie- dialyse et transplantation rénale" (NDT) est parvenue à stabiliser ses effectifs autour des 4-5% lors des trois dernières années. « Les mentions NDT et oncologie-hématologie (OH) sont des mentions particulières, qui supposent plutôt un exercice en hospitalier ou dans les centres de lutte contre le cancer », explique Lise Mantisi. Et dans la mention OH, « la question, c’est : est-ce que les centres ont la capacité d’envoyer leurs personnels infirmiers se former ? Parce que s’ils n’ont personne pour remplacer le professionnel parti en formation… »
La toute jeune mention "Urgences", créée par décret en octobre 2021, attire en revanche de plus en plus de candidats. Quand ils n’étaient que 5 en avril 2022, les EIPA qui ont choisi ce parcours représentent désormais 9,2% des effectifs totaux. Là encore, l’élargissement de l’offre de formation sur le territoire, combinée aux besoins importants qui caractérisent les services d’urgences, expliquerait son essor dans la répartition des mentions.
Des chiffres encore loin des objectifs affichés par le gouvernement
Pour autant, le nombre de diplômés est loin, bien loin, des objectifs annoncés par le gouvernement. Celui-ci tablait ainsi sur 5 000 professionnels en 2024 ; à l’heure actuelle, ils ne sont que 2 329, auxquels vont venir s’ajouter les 1 736 étudiants actuellement en formation. « Même si on les prend en compte, on n’atteint que les 3 000 diplômés », réagit Lise Mantisi. « Admettons que l’augmentation se maintienne et que les formations accueillent 1 000 étudiants l’année prochaine, on n’atteindra les 5 000 diplômés qu’en 2026. »
En plus des problèmes d’attractivité, tant en libéral, avec un modèle économique qui n’a longtemps pas été adapté à l’exercice, qu’à l’hôpital, avec des grilles de rémunération qui ne reflètent pas leur niveau de responsabilité et d’autonomie, ces nouveaux infirmiers se heurtent également sur le terrain à des difficultés d’intégration. Côté étudiants, l’UNIPA a démontré en 2023 que les stages, loin de constituer des opportunités pour leur implantation, représentent en réalité un frein. La moitié des étudiants n’avait ainsi pas trouvé de stage en 2023. L’enquête de l’UNIPA pointait un manque d’accompagnement au sein des structures mais aussi un rôle et des missions des IPA au sein des équipes qui n’étaient pas clarifiés. Pour autant, nuance Lise Mantisi, la situation s’améliore globalement, car de plus en plus d’IPA sont en exercice. Et donc en capacité d’accompagner les étudiants en stage. « Mais il y a encore du travail à faire sur ce sujet », car les IPA sont encore loin de couvrir tout le territoire. « Comme il est demandé aux étudiants d’être co-encadrés par un tuteur médical et paramédical avec, si possible, un IPA, c’est compliqué. »
Quant au libéral, l’avenant 9, signé en juillet 2022 et entré en vigueur en novembre de la même année, a permis une évolution du modèle de rémunération, même si des limitations demeurent. « Il est certes perfectible, mais il a tout de même donné un élan à cet exercice », juge ainsi Lise Mantisi. Mais pour assurer durablement l’attractivité de la formation, un certain nombre de freins doivent encore être levés. À commencer par l’aspect réglementaire, la profession étant en attente de la sortie du décret encadrant la primo-prescription.
*Pour collecter les données, l’UNIPA a sollicité toutes les universités proposant la formation. Elle leur a demandé les entrées en Master 1 et Master 2 en 2023 et 2024, ainsi que le nombre de diplômés en 2023.
LUTTE CONTRE LE CANCER
Unicancer : on compte aujourd'hui au moins un IPA par centre de lutte contre le cancer
IADE
IADE : une formation sur 24 mois
SAPEURS POMPIERS
Les infirmiers de sapeurs-pompiers et le jugement clinique
SAPEURS POMPIERS
Moments forts du congrès 2012 des infirmiers de sapeurs-pompiers