Deux rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et des revendications régulières sur leur avancement statutaire plus tard, les infirmiers anesthésistes (IADE) en sont toujours au même point. La reconnaissance de leur spécialité en pratique avancée n’est visiblement pas à l’ordre du jour. Voire pourrait même être remise totalement en question. « Malgré les espoirs nourris par des discussions antérieures, les perspectives concrètes de reconnaissance semblent s'éloigner de plus en plus », constate en effet le Syndicat national des infirmiers anesthésistes (SNIA), à la suite de la dernière rencontre entre le Conseil national des professionnels infirmiers anesthésistes (CNPIA) et les représentants de la nouvelle ministre de la Santé, Geneviève Darieussecq, jeudi 31 octobre. Alors qu'Olivier Véran et, plus tard, Frédéric Valletoux, avaient entrouvert la porte à une évolution statutaire des IADE,accompagnée d'une évolution de leurs missions, le nouveau ministère semble avoir rétropédalé.
Quelles modalités pour cette reconnaissance statutaire ?
Les discussions autour de la refonte infirmière, qui permettent de repenser le métier socle et, partant, les spécialités, laissaient en effet augurer d’une « avancée concrète ». Des espoirs qui ont depuis été à nouveau douchés par « un discours rigide, où l’autonomie clinique des IADE est de nouveau perçue comme insuffisante pour justifier leur inclusion dans le cadre de la pratique avancée. » Paradoxalement, a été également avancé l’argument d’une possible perte de spécificité de la spécialité IADE en cas de reconnaissance en pratique avancée. « Cette assimilation risquerait », d’après les conseillers de la ministre, « d’imposer une formation trop généraliste, dont les exigences seraient bien en deçà du niveau requis pour les infirmier(e)s-anesthésistes, compromettant ainsi leur haut niveau d’expertise et d’excellence », rapporte le SNIA. Le ministère s'appuie notamment sur le fait que la formation en pratique avancée est universitaire pour évoquer son hétérogénéité, qui ne répondrait donc pas aux critères de la formation IADE.
Pourtant, ce n’est pas une transformation de leur profession que les IADE, très attachés au maintien de leur formation, réclament, mais plutôt une reconnaissance statutaire qui passerait essentiellement par du réglementaire. « Tout en soutenant l'avenir de la pratique avancée IPA, nous demandons une redéfinition du concept « à la française » pour qu’il soit aligné sur les normes internationales », insiste ainsi le SNIA. Un tel cadre permettrait d’instaurer une réelle distinction entre les IPA et les IADE, et leur laisserait toute latitude pour conserver leurs compétences et leur niveau d’exigence spécifique. L’objectif, rappelait Christophe Paysant lors de sa réélection à la tête du SNIA, est de reconnaître le fait que les IADE partagent « des compétences techniques et non techniques avec la profession médicale ». « On sait qu'il y a des manques, parce que les médecins anesthésistes ne peuvent pas être partout », complète-t-il, notant qu'il existe « plein de possibilités » pour faire évoluer les missions des IADE et leur faire gagner en autonomie, dans une logique de parcours de soin. « Lors des consultations d'anesthésie, les médecins ne s'occupent que de la partie médicale, mais pas de ce qui relève de la préparation du patient, qui pourrait être dévolue aux IADE », donne-t-il en exemple.
Des spécialités négligées
La stagnation du dossier et les réponses apportées par le ministère ont donc de quoi pousser le SNIA à un certain défaitisme. La nouvelle loi infirmier-infirmière, annoncée par Michel Barnier, le premier Ministre, lors de son discours de politique générale, ne résoudra rien, s’agace-t-il. Au contraire, en négligeant les intérêts et besoins des spécialités, elle nuirait plus encore à leur attractivité, creusant de fait la pénurie de professionnels. Un problème que les infirmiers de bloc opératoire (IBODE) affrontent déjà à leur échelle avec l’extension du dispositif des mesures transitoires. « On a vu ce que ça donnait avec les IBODE », réagit d'ailleurs Christophe Paysant. Pour l'instant, la spécialité IADE ne souffre pas des mêmes problèmes d'attractivité et de personnel que rencontrent les infirmiers de bloc, argue le ministère. « Mais à force de regarder ailleurs pendant des années, ça va nous arriver. Et on finira par mettre n'importe qui » pour combler les manques, « et il se produira des catastrophes», alerte-t-il. Les IADE ne sont en effet pas immunisés contre la dégradation des conditions de travail et de l'état de santé qui touche l'ensemble de la profession infirmière : une enquête du SNIA s'inquiétait en août dernier de la détérioration de leur qualité de vie au travail.
La valse des ministres de la Santé et le changement constant d'interlocuteurs ont également nui au dossier. « Aujourd'hui, il n'y a aucun projet pour les IADE », s'agace Christophe Paysant, qui déplore par ailleurs que la grande loi « infirmier-infirmière » n'est pas une grande loi de fond qui concernerait l'ensemble de la profession, mais une simple évolution du métier socle consistant à le faire passer d'un décret d'actes à un décret de compétences. Une opportunité manquée, soupire-t-il.
« Malgré leur déception, les représentants des infirmier(e)s-anesthésistes restent engagés dans le dialogue », fait toutefois savoir le SNIA, qui prévient que, en l’absence de proposition concrète de la part des autorités de tutelle, la profession ne s’empêchera pas d’activer « tous les leviers à sa disposition pour se faire entendre et défendre sa juste reconnaissance. » Une prochaine réunion entre le CNPIA et le ministère est prévue dans le courant du mois de décembre.
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