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SAPEURS POMPIERS

Billet d'humeur - Infirmiers sapeurs-pompiers : à quand la fin des hostilités ?

Publié le 22/08/2011

En plein cœur de l'été, les infirmiers sapeurs-pompiers font l'objet d'une charge sévère de la part du syndicat Samu de France et de l'Association des médecins urgentistes de France. Explications de texte et explications tout court...


Le bulletin météo de cet été n’a pas réellement permis de prendre de « vraies » vacances, de se reposer, trier, réorganiser en prévision de la rentrée. Alors que les hôpitaux du sud de la France sont débordés, certains services semble quand à eux plus délaissés par les vacanciers. Il semble donc que certains médecins aient donc profité de leurs longues journées de « desoeuvrement » pour attaquer de manière « puérile » les infirmiers, en l’occurrence les infirmiers sapeurs-pompiers. Ces derniers ont subi les 8 et 9 août derniers, les charges conjointes du syndicat Samu de France et de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF).

Ces deux organisations se sont en effet adressées aux tutelles des infirmiers sapeurs-pompiers pour s’inquiéter de leur état de santé physique et psychologique. Merci à eux, Il est bon de temps en temps à être chouchoutés ! Ce n'est pas la première fois que la mésentente s'affiche. Selon leurs dires, il semblerait que les infirmiers sapeurs-pompiers restent la cause principale de tous les maux concernant la médecine d’urgence en France et la politique de rationalisation de la santé menée par le ministère et les Agences régionales de santé (ARS). Nous ne pouvons certes pas reprocher à certains de nos amis médecins de vouloir taper du poing sur la table pour défendre leurs intérêts propres, mais quant à taper sur les collègues... Il est vrai que face à des médecins « compétents, formés », des infirmiers ne peuvent pas faire le poids. C’est parfait, car on ne cherche pas à être « équivalent » à un métier qui n’est pas le nôtre, mais juste à travailler « ensemble » comme nos élus, nos pairs, d'autres médecins, nos patients, nous le demandent.

Deux charges conjointes des médecins urgentistes

Il serait facile de se demander comment les pays ne disposant pas d’une médicalisation de l’avant ou d’une régulation médicale permanente peuvent s’en sortir, mais reconnaissons l’intérêt des fondements du SAMU tel qu’il a été créé : un Système d’Aide Médicale Urgent coordonnée, par une mutualisation de moyens, en bonne coopération, sans volonté de direction hégémonique. Disposer d’un médecin de SMUR ou correspondant du SAMU au chevet du malade 24h/24 et 365j/an est une chance qu’il ne faut pas laisser échapper.

Ainsi le syndicat Samu-Urgences de France dans un communiqué en date du 9 août dernier est favorable à l’application d’un texte en préparation sur le temps de repos des sapeurs-pompiers volontaires incluant les infirmiers sapeurs-pompiers (directive européenne de 2003 sur le temps de travail). La nouvelle directive européenne sur le temps de travail instaurerait notamment un repos obligatoire de 11 heures pour les infirmiers hospitaliers exerçant des activités de sapeurs-pompiers volontaires.

L'application de la législation en la matière risquerait d’être fatale à tous leurs adhérents qui cumulent et enchaînent gardes, vacations, rapatriements, formations à l’hôpital ou en extérieur, sécurité oblige, non ? Dans son plaidoyer, le syndicat Samu de France oublie que tout ce qu’il reproche aux infirmiers va aussi « retomber » sur ses adhérents et autres collègues...

Quand à l’association des médecins urgentistes de France (AMUF), son discours récurrent de « crier au loup » oublie que le décret de compétence des infirmiers n’a pas été modifié, que l’académie de Médecine prône une évolution des actes délégués et une autonomisation des pratiques sous couvert, là encore, comme dans de nombreux pays, des médecins de la Médecine (pas forcément d’urgence). L'AMUF dans un courrier adressé le 8 août au Président de la Haute Autorité de Santé mais aussi au Ministre de la Santé, à la Directrice générale de l'organisation des soins et au Directeur général de la santé1 dénonce sa participation dans l’élaboration et les recommandations de « bonnes pratiques concernant l’Infirmière Diplômée d’Etat (IDE) seule devant une situation de détresse médicale ».

Le risque étant l’autonomisation et le glissement de taches comme l’intubation. D’autres actes sont visés mais pour ce cas-ci, il existe aujourd’hui des alternatives à l’intubation proprement dite créées par des médecins pour des paramédicaux. Peut être comme pour la DSA, faut-il changer le nom d’intubation et en choisir un autre, moins protectionniste comme « SALVA » (système d’aide à la libération des voies aériennes), par exemple (nom que j'invente à dessein), évitant ainsi les discussions urticantes. In fine, l'AMUF s'insurge « nous ne pouvons accepter que d’un coté, il y ait les malades qui soient pris en charge par des médecins compétents et formés et de l’autre, par une nouvelle sorte d’officiers de santé comme à l’époque de Napoléon. »

Une réplique qui fait preuve de discernement

L'association nationale des infirmiers sapeurs-pompiers (ANISP) a fait connaître de son côté son point de vue par la voix de son Président Stéphane Roch. La ligne de conduite est claire : « Rester calme et faire preuve de discernement en toutes circonstances ; voici des qualités professionnelles des infirmiers qui s'appliquent particulièrement en ce moment aux infirmiers de sapeurs-pompiers (ISP). »

L’ANISP reste courtoise et fait preuve de discernement rappelant que les infirmiers ne sont pas décideurs, qu’ils amènent une plus-value grâce à leur collaboration quotidienne avec les médecins (sapeurs-pompiers, libéraux, ou hospitaliers donc de SAMU-SMUR) aux patients qui leurs sont confiés. Elle rappelle également que ce n’est pas les seuls 1% des infirmiers hospitaliers également sapeurs-pompiers qui combleront les absences dans les services, la désertification médicale et le manque d’infirmiers. L'association rappelle également que l’état s’est engagé dans une politique visant à promouvoir l’engagement, la sécurité et la protection des pompiers volontaires (Loi n° 2011-851 du 21 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique) qui risque de décevoir les détracteurs de ceux qui sont capables de donner au profit des autres...

Le président de l’ANISP rappelle également que l’intervention dans le secours à personne ne représente qu’une part des missions de l’infirmier sapeur-pompier. Ce dernier participant au soutien des hommes sur opérations, à des missions de santé au travail, de prévention et de formation.

Enfin, trois points sont à relever :
Napoléon était un grand stratège militaire, reconnu de tous. Peut-être sa stratégie de mettre des infirmiers majors aux côtés de ses hommes et des chirurgiens comme Larrey au plus proche des combats était un pari osé, mais gagnant... Cela semble durer ;
quel qu'en soit leur mode d'exercice, les infirmiers ont toujours travaillé sous l'autorité médicale (même si celle-ci n’est pas sous autorité de certains médecins de l’urgence) ;
le serment d’Hippocrate indique : « J'apporterai mon aide à mes confrères », mais n’interdit pas de taper sur les autres corporations...

In fine, il n’y a aucun intérêt à supprimer les SMUR (blancs ou rouges), les infirmiers ou les médecins sapeurs-pompiers ou les médecins correspondant de SAMU, dès lors qu’ils travaillent ensemble au profit des malades et blessés. Mais si demain l’HAS, le ministère ou les ARS décidaient de regrouper, de fermer des services, des lignes ou d'autres secteurs en lien direct avec l’aide médicale urgente, la raison serait budgétaire et non professionnelle. C'est là que cela se complique. En tout état de cause, les tutelles qui ne sont pas là pour jouer les policiers pourraient tout de même rappeler les règles de bonnes pratiques interprofessionnelles à certains. Si Napoléon n’est plus à mettre en cause, avec ce type de discours, on a souvent l’impression de se retrouver à nouveau aux débuts de la défibrillation en France. Guerre de clochers, débats corporatistes exacerbés qui oublient que l’arme la plus forte est la concertation et l’unité. Certains, et c'est heureux, ne disent-ils pas « un pour tous, tous pour un » ?

 

Note

1. Lettre de l'AMUF à lire en format PDF

James IACINO
Infirmier


Source : infirmiers.com