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Quand l'hypnose fait du bien aux patients et aux soignants

Publié le 27/04/2020
Hypnose

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Quand l

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Il n'y a pas de remède miracle au malaise des hôpitaux. Cela dit, certaines pratiques peuvent toutefois amoindrir les tensions ressenties côté soignants comme les peurs, les angoisses, et la douleur côté soignés. C'est le cas de l'hypnose comme en témoigne "Les corps soignants", le récent documentaire de Liza Le Tonquer. Une discipline prétexte à une nouvelle relation thérapeutique plus personnalisée, qui donne du baume au cœur et une bouffée d’oxygène salvatrice dans ce milieu hospitalier si fortement mis à l’épreuve.

Des soignants qui déploient leur énergie pour trouver des chemins de traverse afin que l'hôpital ne se transforme pas en usine à soigner.

Cela fait maintenant près de deux décennies que l'hôpital est fortement malmené. Mise en place des 35 heures, réforme de la tarification à l'activité (T2A), loi HPST…, les soignants ont sans cesse dû s'adapter... jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu’à s’y perdre. Certains ont alors quitté leur métier, d'autres sont partis exercer ailleurs, en libéral par exemple, d'autres encore ont choisi de lutter à leur façon contre cet hôpital si désincarné, si déshumanisant pour ceux qui y travaillent comme pour ceux qui viennent s'y faire soigner. Et cette façon d'y faire face, et même d'être relativement bien avec eux-mêmes, ces professionnels de santé l'ont notamment puisé dans l'hypnose, une pratique thérapeutique non conventionnelle.

Voilà, en substance, ce que donne à voir Les corps soignants, le film documentaire 1 que Liza Le Tonquer, a réalisé en 2019 après avoir suivi pendant près d'un an la promotion 2017 au diplôme universitaire (DU) d'hypnose clinique & médicale de l'université de médecine de Brest, une vingtaine de soignants qui ont tombé la blouse dans ce huit clos pour soigner autrement. Je m'amuse à les regarder danser avec un patient imaginaire, accepter de perdre le contrôle. raconte Liza Le Tonquer. Je les observe soigner leur langage pour parler aux malades, gérer le stress qu'ils accumulent, les maladresses qui peuvent laisser des traces. Je les vois changer. Ce qui me touche et continue de m'émouvoir, c'est leur énergie pour trouver des chemins de traverse afin que l'hôpital ne se transforme pas en usine à soigner.

La traversée de trois soignants dans un paysage médical désorienté. Alain, Virginie et Sabine se forment à l’hypnose pour braver la tempête et retrouver le sens de leur métier. Malgré le manque criant de moyens et de personnels, ils tentent grâce à l'hypnose, de ré-humaniser l’hôpital.

Dans les pas d'Alain, de Sabine et de Virginie

L'œil de la réalisatrice porte plus précisément la focale sur trois d'entre eux : Alain, infirmier depuis vingt ans aux urgences du CHRU de Brest, Sabine, manipulatrice radio dans le même établissement (La Cavale Blanche), enfin Virginie, infirmière en soins continus au CH de Paimpol, laquelle a eu le plus de mal à entrer dans la formation et à perdre le contrôle.

Trois profils de soignants qui ont trouvé, grâce à l'hypnose, un moyen pour nouer une relation thérapeutique plus personnalisée, moins normée aussi, avec ceux qu'ils sont amenés à soigner quotidiennement. Et ce, quand bien même la logique comptable hospitalière les enjoint à aller toujours plus vite, toujours avec moins de moyens, en ne considérant les patients que sous le seul prisme de leur pathologie

L’hypnose est une technique ancienne, utilisée pour le soin dans les sociétés occidentales depuis au moins 200 ans. Par la parole, le praticien en hypnose induit chez le patient un état de conscience particulier caractérisé par une indifférence aÌ€ l’extérieur et une hyper suggestibilité. Cet état de conscience "hypnotique" peut être utilisé pour amplifier les ressources internes du patient de lutte contre l’anxiété et la douleur et faire disparaitre des symptômes. La pratique psychothérapeutique de l'hypnose donne une importance majeure aÌ€ la notion de présence, aÌ€ laquelle le patient accède par le biais de ses perceptions sensorielles.

Source : Gueguen J, Barry C, Hassler C, Falissard B. Évaluation de l'efficacité de la pratique de l'hypnose. Rapport de l'Inserm, juin 2015

"Vous avez déjà fini ?"

Tour à tour, les séquences du film alternent ainsi entre les moments d’apprentissage de la discipline dans les locaux de l’université, ceux de la mise en pratique dans la réalité des exercices respectifs des personnages aux urgences, en radiologie et en soins continus, et enfin les espaces extérieurs des soignants qui font d’eux aussi autre chose, comme le moment où Alain danse le tango.

Parmi les séquences sur le terrain, on retiendra par exemple celle où Virginie, avec un badge Infirmière hypnose sur sa blouse, utilise la technique lors d’une pose de sonde urinaire en binôme. D’une voix douce et contrôlée, elle guide son patient à se concentrer sur sa respiration, la main sur la sienne tandis que sa collègue s’affaire au soin technique. Un soin rudement bien réalisé puisque le patient lancera un Vous avez déjà fini ? plein de gratitude. Autre séquence terrain, celle où Alain pratique l’hypnose sur un jeune adulte pris en charge aux urgences pour une réduction de fracture. Là encore, en binôme et malgré la pression des soins qui s’enchaînent les uns après les autres, l’infirmier, avec une intonation toute maîtrisée, accompagne son patient tout au long du bandage. Un soin qui, là encore, s’est très bien passé, le jeune patient n’en gardant aucun souvenir. En matière de mise en pratique, il y a aussi la séquence où Sabine, la manip radio, applique la technique auprès d’une patiente venue effectuer une IRM. Dans le moment qui précède, elle s’assoit au pied de la porte de la cabine ouverte et lui parle pour tenter d’atténuer sa peur, la soutenir et l’accompagner. Une technique qui se révèle de nouveau très profitable dans ce type de prise en charge où les contacts sont souvent anxiogènes et difficiles.

Ce que l’hypnose provoque lorsque l'on cherche à être dedans, c’est l’entière disponibilité à l’autre, là, ici et maintenant.

Laisser de bonnes traces mnésiques après un geste, après un soin

L’hypnose, comme se plait à la décrire Lolita Mercadié, docteur en psychologie et maître de conférence lors d’une séance de formation, est  ainsi cette petite bulle où d’un coup l’on remet de la relation, de l’humain, de la place pour les émotions qui ont droit d’être exprimées et en plus de l’être on va chercher la meilleure manière pour les prendre en soin et faire en sorte  que l’émotion puisse peut être être modifiée et qu’elle vienne s’appuyer sur de bonnes émotions pour laisser de bonnes traces mnésiques après un geste, après un soin. Et celle-ci d’ajouter : Ce que l’hypnose provoque lorsque l'on cherche à être dedans, c’est l’entière disponibilité à l’autre, là, ici et maintenant. Pour Virginie, l’hypnose est également une aide précieuse » dans la mesure où « l’on n’a pas besoin d’utiliser toutes les drogues nécessaires habituellement. Et ainsi de citer en exemple ses bienfaits lors de son utilisation pendant et après une implantation de valve aortique (TAVI) : L’intervention a duré moins longtemps et les suites sont aussi totalement différentes ; le monsieur n’a eu aucun mauvais souvenirs.

"Un gilet de sauvetage"

Une méthode qui se révèle également bénéfique pour les soignants. L’hypnose, c’est un gilet de sauvetage que j’ai en permanence sur moi déclare ainsi Alain. Et d’ajouter : Cela me permet d’être au plus près du patient, d’être bien, super bien et le bien-être tu le communiques aux autres.  C’est aussi pour la formatrice une forme de prévention de la fatigue, du burn out, ou encore un plaisir partagé pour Virginie lorsqu’un patient lui dit : Vous m’avez fait un cadeau.

Une discipline que Sabine pratique d’ailleurs également à l’égard de ses collègues soignants de l’hôpital de La Cavale Blanche car, eux aussi, ont besoin qu'on les écoute et de lâcher prise : Les émotions ne sont pas vraiment prises en compte dans un système de soin. Mais à force de ne plus savoir les gérer (les siennes comme celles des patients), on arrive plus à faire son travail correctement. Ce qu’Alain se refuse de faire dans cet hôpital devenu quasi usine : Tant mieux si l’on est impacté émotionnellement par ce qui se passe. C’est extrêmement rassurant car sinon cela voudrait dire que l’on est devenu des machines. Et des machines, les soignants n’ont aucunement envie d’en être ou d'en devenir.

Note

  1. Les corps soignants, Liza Le Tonquer,documentaire de 52 min, 2019, Tita Productions

Valérie Hedef


Source : infirmiers.com