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La réédition enrichie d’un dictionnaire pour ancrer et définir les soins relationnels dans les sciences infirmières

Publié le 22/03/2021
La réédition enrichie d’un dictionnaire pour ancrer et définir les soins relationnels dans les sciences infirmières

La réédition enrichie d’un dictionnaire pour ancrer et définir les soins relationnels dans les sciences infirmières

Dictionnaire

Dictionnaire

Parue le 15 janvier 2021, la cinquième édition du Dictionnaire des concepts en sciences infirmières se destine en premier lieu aux étudiants et entend nourrir leur réflexion et répondre à leurs questionnements sur la nature et l’application des soins relationnels. Son auteure, Christine Paillard, docteure en sciences du langage, revient sur le concept de l’ouvrage et l’importance des sciences humaines dans la pratique infirmière.

Le Dictionnaire des concepts en sciences infirmières met en lumière l'interdisciplinarité entre sciences médicales et sciences humaines dans le champ infirmier.

La première édition du Dictionnaire des concepts en sciences infirmières est parue en 2013. Il s’agit de la cinquième édition. Qu’apporte-t-elle de nouveau par rapport aux versions précédentes ?

L’enrichissement du dictionnaire est en réalité continu. Le vocabulaire en soins infirmiers est en effet en constante évolution, celle-ci étant en partie liée au référentiel et à la loi – je pense notamment à la loi de 2009*. La science infirmière est désormais reconnue, ce qui légitime tout un vocabulaire spécifique, qui évolue en même temps que les pratiques soignantes. Ainsi, je donne des cours à l’université de Paris et j’ai constaté que tout un vocabulaire émerge autour des missions qui se créent dans le cadre de la pratique avancée. Donc c’est en mouvement perpétuel. Pour donner un autre exemple, parmi les nouvelles entrées, qui sont très variées, j’ai ajouté les termes de MOOC (Massive Open Online Course, qui proposent des cours massivement et gratuitement accessibles en ligne) et de SPOC (Small Private Online Course, dispositif inspiré des MOOC mais destiné à de petits groupes privés, qui permet un suivi pédagogique plus personnalisé). Je les ai choisis car les étudiants sont avant tout des apprenants et qu’il existe, au sein du dictionnaire, tout un volet consacré à l’autoformation, à l’apprentissage et à l’acquisition des savoirs. Or et c’est d’autant plus vrai dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 : étudiants comme formateurs sont amenés à travailler et à apprendre en distanciel. Il s’agissait donc de formaliser des manières de savoir dans le champ du soin infirmier, d’autant plus que le terme de MOOC s’inscrit également dans le cadre de la formation continue.

Les étudiants travaillent dans une approche interdisciplinaire. Leur demande documentaire est donc souvent complexe.

Comment avez-vous identifié les nouveaux termes à inclure dans cette cinquième édition ?

Le dictionnaire s’adresse principalement aux étudiants d’IFSI et de MIPA (Master Infirmier Pratique Avancée), qui le consultent énormément, même si je constate depuis 10 ans que les infirmiers libéraux se l’approprient également très facilement. L’identification des termes est donc très liée aux recherches documentaires des étudiants, que ce soit en IFSI ou à l’université. Ils travaillent tous dans une approche pluriprofessionnelle, interdisciplinaire. Leur demande documentaire est donc souvent complexe, elle se nourrit de leurs questionnements et de l’utilisation de mots-clés. Le contenu du dictionnaire se définit à partir de leurs besoins informationnels, que ce soit dans le cadre de l’élaboration d’un mémoire de fin d’étude ou de Master.

Néanmoins, je peux aussi le faire évoluer à partir des théories universitaires qui émergent en France, telles que les théories en soins infirmiers. Je travaille sur l’évolution des mots, qu’il s’agisse de les contextualiser, de les relier à des théories universitaires infirmières, ou qu’il s’agisse d’expliciter des néologismes. Je pense par exemple à agentivité, qui est la capacité d’intervenir en groupe, c’est lié au pouvoir d’agir, ou encore assertivité, que je définis comme la capacité de s’affirmer sans écraser les autres. Dans ce cas, j’ai un double travail de lexicographe. J’observe et j’écoute le vocabulaire utilisé par les formateurs et les étudiants ou référencé dans les bases de données. Quand les termes perdurent dans la durée, entre un et deux ans, je les collecte. Pour les définir, je consulte entre 5 et 10 articles, tels que colloques, thèses ou recommandations, afin d’en avoir une vision globale et de prendre en compte la pluralité de leur sens. Il m’arrive enfin de créer des entrées quand il n’existe pas de mot ou d’expression pour désigner un phénomène. Tel a été le cas de deuil parental, notamment, qui se réfère à la perte d’un enfant pour un parent.

Le soin infirmier est de nature très transversale. Il a évidemment un rapport médical mais il est aussi dépendant des sciences humaines.

En quoi est-ce important de définir des concepts qui sont liés aux sciences humaines et moins aux sciences médicales ?

Le soin infirmier est de nature très transversale. Il a évidemment un rapport médical mais il est aussi dépendant des sciences humaines. Je veux parler du pan des soins relationnels, ou de la psychologie dite sociale, qui implique que, si le soin est technique, il est aussi relationnel. Il s’appuie sur des compétences qui sont rarement définies, si ce n’est dans le contexte de la relation entre le soignant et le soigné. Les étudiants ont de plus besoin d’avoir des définitions académiques, pas uniquement dans l’objectif de valider un cursus ou une unité d’enseignement, mais aussi pour identifier leur propre contexte interdisciplinaire. Et cela permet également de faire connaître les soins infirmiers, qui ne se réduisent pas aux soins techniques rattachés au médical. Souvent, les universités apprennent progressivement aux étudiants ce que sont les soins infirmiers, mais les apprenants ne réalisent pas toute la profondeur des champs interdisciplinaires qui caractérisent les sciences infirmières. Les sciences humaines sont finalement peu reconnues dans l’intervention soignante.

Je préciserais enfin que ce type de dictionnaire n’existait pas auparavant. Il existe essentiellement des dictionnaires médicaux pour les infirmiers. Il est évidemment important de maîtriser une terminologie médicale, mais tout l’aspect qui relève des sciences humaines n’est pas valorisé dans les sciences infirmières, alors même qu’il existe. Définir, c’est mettre des mots sur une situation de soin et permettre à l’étudiant de l’analyser.

En quoi le Dictionnaire des concepts en sciences infirmières participe-t-il à la construction d’une identité professionnelle ?

L’exercice infirmier est constitué de multiples facettes, qui découlent entre autres de la multitude des services dans lesquels un infirmier est amené à exercer. J’ai choisi d’axer le dictionnaire sur la relation d’aide au soigné, car elle n’est pas assez définie, si ce n’est dans le cadre de la relation entre soignant et soigné. Or c’est bien plus vaste que cela. Le dictionnaire est contributif de la construction d’une identité professionnelle parce qu’un accompagnement ne peut pas se contenter d’être technique. Il s’y associe nécessairement un regard, un sourire, un geste, une parole. Dans le cadre du raisonnement clinique et dans la pratique réflexive qu’ils effectuent lors des analyses de pratique professionnelle (APP), les étudiants questionnent nécessairement leur pratique. Ils ont alors besoin de concepts, d’outils, de techniques pour la réajuster. L’ouvrage est donc contributif de la pratique réflexive des soignants qui, depuis 2009, est très présente dans la littérature soignante – dont il se nourrit d’ailleurs exclusivement. Il participe à l’acquisition d’un vocabulaire spécifique aux infirmiers, qui ne se retrouve pas chez les médecins.

Note

Propos recueillis par Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr


Source : infirmiers.com