Mise en application en janvier 2023, l’obligation de la certification des professionnels de santé donne accès aux infirmiers à des programmes individuels de formation afin d’améliorer leurs compétences et connaissances de façon continue. D’abord pensée pour les médecins uniquement, cette certification a été étendue à l’ensemble des professions de santé avec la loi Rist relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. « C’est l’Ordre des infirmiers qui a milité pour que cette certification soit étendue », rappelle Patrick Chamboredon, son président*.
Un levier d’amélioration pour les infirmiers
Pour les infirmiers, cette certification est un enjeu essentiel, notamment car il est prévu de « passer d’un décret d’actes à un décret de compétences. ». En l’occurrence ceux-ci « vont jouer un rôle plus grand auprès des patients, car ils seront les derniers professionnels de santé à se rendre à leur domicile». Plus largement, cette certification entend répondre aux standards internationaux pour la qualité et la sécurité des soins, qui identifient notamment les compétences déployées par les professionnels de santé comme l’un des leviers de leur amélioration, souligne Anne-Marie Armanteras, présidente du Conseil d’administration de l’Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). « On sait dans tous les pays, et même si la France est en retard par rapport à d’autres sur le sujet de la validation de l’actualisation des connaissances, que les compétences ne se résument pas à la formation initiale. Celle-ci est importante pour les jeunes, mais on doit mélanger savoir-faire et savoir-être ».
Inciter à évaluer ses connaissances, son savoir-faire et son savoir-être, c’est inviter à se confronter à des nouveautés.
Et ce d’autant plus que, au-delà des connaissances techniques qui évoluent, c’est aussi toute la relation entre le patient et les professionnels de santé qui se transforme, avec un patient qui en devient le cœur. « Inciter à évaluer ses connaissances, son savoir-faire et son savoir-être, c’est inviter à se confronter à des nouveautés et à permettre au plus grand nombre d’accéder à la formation et à l’information », défend-elle. L’évaluation des connaissances a un autre avantage : renforcer la confiance du patient envers le professionnel de santé en lui assurant que ce dernier possède bien les connaissances les plus récentes.
Une certification pour s’adapter aux transitions à venir
Est en jeu également une adaptation aux nouvelles technologies, sources d’évolutions des pratiques pour les professionnels, avec un recours au numérique qui sera immanquablement rendu nécessaire par la concomitance de 3 transitions. La première et la plus évidente est bien sûr la transition démographique, avec un vieillissement croissant de la population et des personnes âgées dont il faudra maintenir l’autonomie. La seconde est écologique et pose « la question de l’éco-soin ; et ce n’est pas une question individuelle, mais bien ordinale, d’équipes, de fédérations, de communautés. », relève Anne-Marie Armanteras. Vient enfin la transition numérique qui, dans un contexte où la profession réclame plus d’autonomie, va « aider à l’implantation des bonnes pratiques » et améliorer les compétences des professionnels à lire les résultats d’examens et de diagnostics. « Il faut plus de professionnels et d’outils, des algorithmes, des robots qui vont prendre le temps automatisable » et permettre un retour au cœur du métier, « dont la relation avec le patient, qui permet son engagement » dans son parcours de soin. Les données de santé issues du numérique, enfin, amélioreront les actions de prévention et de personnalisation des prises en charge. « Il est important que la certification puisse accompagner les professionnels, afin qu’ils soient plus au fait de ces orientations », souligne-t-elle.
La certification en pratique
Dans la pratique, explique Marie-Laure Bellengier, cheffe de projet Certification périodique au sein de la DGOS, le dispositif est cadré par une ordonnance publiée en juillet 2021, qui en définit les trois grands principes : actualisation des connaissances et des compétences, amélioration de la qualité des pratiques professionnelles et de la relation avec le patient, et prise en compte de la santé du professionnel de santé.
Afin d’attester le maintien de leurs compétences et l’évolution de leurs connaissances, les infirmiers auront à suivre un programme de certification périodique – tous les 6 ans pour ceux nouvellement inscrits à l’Ordre, tous les 9 ans pour ceux qui le sont déjà – contenant un certain nombre d’actions à réaliser. « Les Conseils nationaux professionnels (CNP) élaborent les référentiels de certification, identifient les actions pertinentes de formation dans le cadre d’un exercice coordonné », détaille-t-elle. Ce, en réponse à des critères fixés par la Haute autorité de santé (HAS) et le Conseil national de la certification périodique (CNCP).
Il ne faut pas craindre cette évolution ; ce n’est pas une révolution.
Côté infirmier, les 5 CNP de la profession (en soins généraux, spécialités, et pratique avancée) s’appuient sur les travaux en cours sur la refonte du métier. « Un des enjeux de la certification dans le parcours de soin complexe est de faciliter les actions pluri et interdisciplinaires, et donc d’organiser des actions qui impliquent les différentes professions et pratiques et qui vont valoir certification. », insiste-t-elle
Sous le contrôle de l’Ordre
Enfin, pour ce qui est du contrôle de cette obligation de certification, ce sont les Ordres qui en sont chargés. Afin de mieux préparer les professionnels de santé à se plier à cette certification, l’Agence du numérique en santé a été missionnée pour délivrer les bonnes informations et pour organiser des cessions de formation sur le sujet, indique par ailleurs Marie-Laure Bellenger. À noter que « les actions menées à partir de 2023 au titre du développement personnel continu (DPC) seront prises en compte dans la certification périodique. » En réalité, actualiser ses connaissances est « quelque chose que nous faisons tous au quotidien, sans le savoir, et qu’il faut mesurer. Il ne faut pas craindre cette évolution ; ce n’est pas une révolution », conclut le président de l’Ordre infirmier. « Nous demandons tous de la formation tout au long de la vie, c’est du droit positif pour tous les salariés. »
Au Québec, la certification périodique existe pour les médecins depuis 2000 et, après quelques années de tâtonnement, les difficultés se sont « aplanies », témoigne Louise Samson, membre du Conseil national de la certification périodique des professions de santé du pays. « C’est une obligation annuelle. Les médecins qui ne s’y plient pas peuvent perdre leur droit d’exercer, mais ils ne représentent qu’une très infime part » de la profession. Le système s’appuie sur trois groupes d’acteurs : les collèges, qui mettent en place la certification, les fournisseurs de formation, qui répondent aux critères fixés par les collèges, et enfin la version québécoise de l’Ordre, qui s’assurent que les médecins présentent le nombre minimal de crédits leur permettant de maintenir leurs compétences. « La certification nous a permis de rehausser l’activité du développement professionnel continu », assure Louise Samson, qui formule toutefois une petite mise en garde pour le système français : « il faut s’assurer que les outils » qui portent cette obligation de certification « soient le plus simples possible. »
Pour en savoir plus : La Matinale de l’Ordre consacrée à la certification pour les infirmiers
* Propos et informations recueillis lors de la Matinale de l’ONI enregistrée le 11 octobre 2023.
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