94% des infirmiers libéraux affirment que leurs conditions de travail se sont dégradées ces dernières années. C'est ce que révèle une enquête intitulée «Quel avenir pour les IDEL» publiée le 13 février par l'un de leur syndicat, Convergence Infirmière.*
«Souffrance, épuisement, écœurement, lassitude, colère. Beaucoup d’entre nous sont en burn-out, démissionnent, se reconvertissent. Notre belle profession infirmière suscite de moins en moins de vocations même si aujourd’hui cette fuite des IDEL est compensée par l’arrivée des IDE salariées qui démissionnent des établissements hospitaliers ou médicaux sociaux», affirme Ghislaine Sicre, présidente du syndicat, dans son édito introductif.
Les raisons du mécontentement
Par ordre d'apparition, parmi les raisons de cette dégradation des conditions d'exercice viennent d'abord : l'excès de paperasse et de contrainte administrative pour plus de 84% des IDEL interrogés. Il sont plus de 68% à mettre en cause la baisse de leurs revenus. Viennent ensuite la crise du Covid (en cause pour 68% des IDEL), les difficultés avec les patients (plus de 41% considèrent qu'elles se sont aggravées), les indus (36%) et les conflits entre collègues (16%).
Le poids de la paperasse et de l'administration
De manière générale, les infirmiers libéraux sont confrontés à une difficulté administrative qu'ils vivent à la fois comme une menace et comme très chronophage. Dans le détail, notamment, un peu plus de 65% affirment avoir été confrontés à une procédure d'indu au cours des 5 dernières années et dans leur grande majorité (89%), les infirmiers libéraux «se sentent pénalisés par un excès de procédure administrative».
«Jamais revalorisés, toujours déconsidérés, encore récemment avec la loi de financement de la Sécurité sociale qui permet aux CPAM de fixer un indu de façon forfaitaire par extrapolation à tout ou partie de l’activité sans qu’aucun contrôle n’ait apporté la preuve d’une quelconque fraude, vous êtes plus de 96% à considérer que nos problématiques de soins ne sont pas prises en compte et pour cause ! Présents 7 jours sur 7, 365 jours par an, sur tout le territoire national, par tous les temps, nous sommes pourtant de moins en moins bien rémunérés, tous les jours plus écrasés de charges», s'insurge la présidente du syndicat.
52% des IDEL confient consacrer entre 2 et 5h à l'administratif chaque semaine et 27% d'entre eux plus de 5h.
A la question, «considérez-vous que les problématiques des infirmiers libéraux sont suffisamment prises en compte», les IDEL répondent non à hauteur de 96%. L'enquête sonde également les professionnels pour savoir, dans l'ordre des priorités, ce qui améliorerait leur situation : près de 20% évoquent les tarifs en premier lieu ; viennent ensuite la prise en compte de la pénibilité pour une retraite possible dès 60 ans (pour 17,5% d'entre eux), la diminution du temps administratif (pour 13%), la révision des procédures d'indus (pour 12,7%), l'élargissement du droit de prescription (pour 9,7%) et l'élargissement du domaine de compétence (pour 9,4% d'entre eux), instaurer une consultation infirmière (9,4%) et enfin valoriser le rôle infirmier en matière de prévention et d'éducation (8,6%).
Des relations insatisfaisantes avec la CPAM et L'ONI
Les IDEL pointent aussi du doigt le manque d'écoute de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) à leur égard. Dans le détail, 44% d'entre eux évoquent des réponses inadaptées, 22% un dénigrement ou une dévalorisation, 17% des services injoignables, 13% une communication difficile et 4% enfin des indus injustifiés.
Autre instance qui essuie les critiques : l'Ordre National des Infirmiers (ONI) n'est pas à l'écoute des IDEL pour près de 78% : d'entre eux 47% le considèrent comme "injoignable" ou dénoncent une absence de communication, 26% estiment que l'ONI ne les défend pas, 23% qu'il est peu actif voire inexistant, 2% qu'il est inéquitable et 2% qu'il apporte des réponses inadaptées.
Reconversions
Un peu plus de 56% des IDEL assurent vouloir changer de métier dans les 5 ans. Les raisons sont diverses. Là encore dans l'ordre d'apparition sont invoquées : la fatigue et le stress, la mauvaise rémunération, les contraintes liées au métier (amplitudes horaires, travail le week-end, etc), l'impact sur la vie privée et enfin le manque de considération. Enfin, à la question «Qu'envisagez-vous comme reconversion?» 51% des IDEL se disent en réflexion, 13% souhaiteraient se tourner vers les métiers du bien-être, 13% souhaiteraient prendre leur retraite anticipée, 10% se tourneraient davantage vers le salariat, 5% vers l'artisanat (pâtissier, jardinier, maraîcher, éleveur...), 4% vers l'éducation et la formation et enfin 4% vers les services (immobilier, commerce, décoration...). Les infirmiers sont 92% à affirmer connaître au moins une personne de leur entourage qui a arrêté le métier, soit à cause d'un burn out, de la fatigue ou du découragement (52%), soit à cause du manque de reconnaissance ou de la rémunération insuffisante (48%). «La réalité c’est que notre profession est au bord de l’effondrement. Epuisés, écœurés, fatigués et en colère, les infirmières et infirmiers libéraux souffrent», résume Ghislaine Sicre, avant de réaffirmer l'engagement de Convergence Infirmière à faire bouger les lignes pour la profession, indéniablement en souffrance.
Retrouvez l'intégralité de cette enquête sur le site de Convergence Infirmière.
*Enquête réalisée en décembre 2022 au moyen d’un questionnaire envoyé par mail à plus de 50 000 IDEL et qui a recueilli plus de 6000 réponses.
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