Le Bilan de Soins Infirmiers permet à l’infirmier de faire une évaluation de l’état de santé de son patient dépendant afin d’établir un plan de soins infirmiers personnalisé
, précise l'Assurance Maladie sur son site, rappelant que l’avenant 6 à la convention infirmière, signé le 29 mars 2019, a fait évoluer la rémunération des infirmiers. De manière progressive, jusqu’à la généralisation prévue pour janvier 2023 à tous les patients dépendants, les soins infirmiers ne seront plus facturés à l'acte mais sous la forme de 3 forfaits journaliers
pour les patients âgés de 90 ans et plus - avant un élargissement du dispositif aux personnes âgées de 85 ans et plus à partir du 1er janvier 2021 :
- forfait journalier prise en charge légère : 13 €, code acte BSA ;
- forfait journalier prise en charge intermédiaire : 18,20 €, code acte BSB ;
- forfait journalier prise en charge lourde : 28,70 €, code acte BSC.
Or, c'est justement cette évolution qui semble poser problème à l'Assurance Maladie aujourd'hui. Dans un mail adressé le 21 août aux membres des commissions paritaires régionales des infirmiers et des médecins sur tout le territoire, la CNAM informe les libéraux que la part des forfaits BSC (lourds) devait s'élever à 25% quand les premiers chiffres réels montrent une part de 40%
, ce qui n'entre plus dans l'enveloppe budgétaire prévue. La CNAM appelle ainsi les partenaires conventionnels à définir en octobre les mesures de corrections nécessaires pour permettre la poursuite du déploiement du BSI
.
En réalité, la CNAM avait prévenu : compte tenu du caractère novateur de la mesure
, le BSI et le nouveau mode de facturation associé doivent être mis en place par étapes
, à partir de janvier 2020. L'avenant 6 a même prévu une clause de revoyure
selon nos confrères d'Hospimedia, si le bilan du premier déploiement au plus tard le 1er novembre montre un écart (positif ou négatif) de 10% ou plus avec les montants financiers estimés lors de l'expérimentation du dispositif
. L'accord prévoit alors que les partenaires conventionnels ouvrent la négociation d'un nouvel avenant
afin de s'accorder sur des mesures correctrices
.
BSI : les syndicats "ne lâcheront rien"
Malgré tout, cette communication a immédiatement soulevé la colère et la méfiance des infirmiers libéraux. Dans deux communiqués distincts, la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) et le Syndicat National des Infirmières et des Infirmiers Libéraux (SNIIL) s'opposent à toute révision à la baisse de ces prises en charge, s'offusquant que l'écart révélé constitue même une surprise pour l'Assurance Maladie.
Pour le Sniil, cet écart n’est pas une surprise, précise le syndicat représentatif. Ainsi, selon les chiffres communiqués en Commission Paritaire Nationale des Infirmiers le 9 juillet dernier, on note qu’au 25 juin … 112 897 BSI ont été réalisés. Mais est-ce étonnant quand 525 986 personnes âgées de 90 ans et plus vivent actuellement à domicile (source Insee) ? 45 081 forfait lourds (BSC) ont été attribués. Mais est-ce surprenant quand 74 423 personnes âgées de 90 ans et plus vivant à domicile sont déclarées en GIR 1, niveau de dépendance le plus élevé (estimation DREES) ?
Le SNIIL, qui souligne également une expérimentation biaisée de l'Assurance Maladie, réalisée sur des département peu représentatifs car une majorité d'entre eux (8 sur 10) présente un nombre inférieur, voire très inférieur, de bénéficiaires d’APA à domicile très dépendants (GIR1 ou GIR2) par rapport à la moyenne nationale
…, s'interroge : L’Assurance Maladie aurait-elle mal évalué dès le départ la situation des personnes âgées de 90 ans et plus ?
Le syndicat qui se dit fidèle à son engagement envers les infirmières et infirmiers libéraux
, prévient qu'il ne lâchera donc rien sur la question du BSI
. Il invite d’ores et déjà tous ceux qui seront contactés par les CPAM à propos du BSI à le prévenir : le Sniil sera à leurs côtés afin de s’assurer que l’étude annoncée en mode « accompagnement » ne se transforme pas en mode « contrôle »
.
De son côté, la Fédération Nationale des Infirmiers s’interroge sur la teneur des mesures de corrections envisagées dans un contexte de vieillissement de la population, d’injonction au maintien, autant que faire se peut, des patients dans leur cadre de vie
. La FNI, à son tour, prévient : une renégociation à la baisse des forfaits BSI n’est même pas envisageable
, et menace : toute mesure imposée de manière unilatérale par la CNAM aura des conséquences désastreuses sur la poursuite du dialogue conventionnel
. Le syndicat affirme enfin s’inquiéter fortement des conséquences qu’une révision ou un morcellement à la baisse induiraient pour les prises en charges de ces patients âgés et fragiles
. La FNI rappelle enfin qu’une bonne partie de la profession sort épuisée de la première vague épidémique et que de telles mesures constitueraient un très mauvais signal dans un contexte de reprise épidémique
.
"Les partenaires conventionnels doivent poursuivre leurs analyses conjointes" selon la CNAM
Contactée par nos soins, l'Assurance Maladie confirme sa volonté d'accompagner les infirmiers afin de corriger le tir et assume la nécessite d'une réflexion conjointe. Rappelant le caractère novateur
de ce nouveau mode de rémunération, la CNAM rappelle que l’avenant 6 prévoit une mise en œuvre progressive du BSI et du nouveau mode de facturation associé avec une 1ère étape au 1er janvier 2020 pour les patients de plus de 90 ans, ainsi qu’une phase d’observation et d’analyse avec les représentants de la profession dans le cadre des instances conventionnelles
.
La répartition des forfaits facturés depuis le 1er janvier est différente de celle estimée par les partenaires conventionnels avec un pourcentage de forfaits lourds plus important que prévu. C’est la raison pour laquelle l’assurance maladie a décidé la mise en place d’une action d’accompagnement des infirmiers afin d’apprécier le niveau d’appropriation du dispositif BSI par les infirmiers et de rechercher de potentielles difficultés rencontrées, dans le but de disposer de données qualitatives permettant de contribuer à la réflexion sur l’évolution éventuelle du dispositif. Cette campagne d’accompagnement démarre dans quelques jours. Les partenaires conventionnels doivent poursuivre leurs analyses conjointes dans les instances conventionnelle conformément à ce qui était prévu dans l’avenant 6 sachant qu’au niveau national, cette analyse sera partagée avec les représentants nationaux de la profession au courant du mois d’octobre.
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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