Comment définissez-vous le bien vieillir
?
Bien vieillir, c’est vieillir en bonne santé ! On peut tenter une définition qui pourrait être le maintien de l’autonomie le plus longtemps possible avec la préservation des aptitudes cognitives, physiques, psychologiques et sociales, dans un environnement le plus compatible possible avec les besoins des personnes âgées. On peut aussi s’interroger : bien vieillir ne serait-il pas un processus continu de construction de sens ?
Pourquoi est-ce un sujet particulièrement "infirmier" ?
Je retiendrais deux constats d’un sondage IFOP* qui illustrent bien cet enjeu : 85% des personnes interrogées envisageaient de vieillir dans leur logement. Par ailleurs, dans les dépenses de soins à domicile, les soins infirmiers liés aux prises en charge faisaient presque jeu égal avec les soins dits techniques (45 % vs 55 %).
Ceci montre d’une part l’importance de ce sujet dans notre société et d’autre part, l’implication forte et constante de la profession infirmière pour garantir à cette population, souvent fragile, une meilleure prise en charge à domicile. C’est pourquoi nous souhaitons vivement que des actions de prévention soient nomenclaturées ; pour rendre visible et reconnu ce qui est, à ce jour, invisible et sans perception d’honoraires par la profession infirmière libérale.
Le rôle crucial de l’IDEL dans le maintien des personnes âgées à domicile attend d’être mieux valorisé.
Quelles seraient selon vous les bases d’un meilleur accompagnement des personnes âgées à domicile ?
En commençant par identifier la photographie santé
du patient, ses besoins et en coconstruisant avec les autres professionnels autour de lui, les actions à mettre en œuvre. Convergence Infirmière a toujours défendu la prise en charge holistique des patients. Un patient n’est pas une pathologie, n’est pas un organe. La vieillesse n’est pas une maladie. Le travail en silo n’est pas constructif. Or souvent la prise en charge est cantonnée à un certain nombre d’actes en rapport avec la pathologie du patient. Par exemple, l’état psychologique du patient n’est pas ou très peu pris en compte alors qu’il est primordial si on recherche une alliance thérapeutique. Il faudrait enfin intégrer des actions de prévention et d’éducation à la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). La perte d’autonomie est progressive et n’est pas forcément inéluctable.
Placer l’IDEL au centre de la prise en charge de la personne âgée à son domicile est primordial
En quoi le rôle des IDEL apparaît-il essentiel dans ce contexte ?
Les IDEL connaissent parfaitement l’environnement du patient. Ils sont formés au raisonnement clinique, à l’évaluation des besoins, à l’observation et ont dans leur rôle propre les compétences nécessaires (rôle de prévention, d’éducation, de coordination et d’organisation et de promotion à la santé). Ils l’ont prouvé lors de la première vague du Covid. L’Etat s’est appuyé sur ces compétences, puisque durent cette période seules les IDEL et quelques médecins se déplaçaient à domicile.
Placer l’IDEL au centre de la prise en charge de la personne âgée à son domicile est primordial. Il faut reconnaitre la consultation infirmière pour permettre à l’infirmier de travailler en autonomie sur l’identification des besoins du patient dans son environnement, en planifiant des actions de soins et/ou de préventions, coconstruites avec le patient et ensuite les évaluer pour soit les clôturer, soit les améliorer ou les poursuivre.
Pour cela, il est nécessaire de reconnaitre le raisonnement clinique infirmier basé sur des diagnostics infirmiers afin de permettre l’évaluation de l’état de santé du patient à l’instant T et son adaptation à son environnement. Par ailleurs, il serait souhaitable de donner aux IDEL le rôle de coordinateurs du domicile. Ce rôle permet au patient d’être et de rester autonome le plus longtemps possible.
Quels sont actuellement les principaux freins à leur mission ?
Le diktat médical qui empêche la reconnaissance de la consultation infirmière alors qu’elle n’a rien à voir avec la consultation médicale. L’infirmier prend en charge le malade dans sa maladie et l’accompagne par de l’éducation en santé pour améliorer sa prise en charge, basée sur des diagnostics infirmiers. Le médecin prend en charge la pathologie du patient et élabore le diagnostic médical.
A ce jour, et sauf exception pour l’expérimentation ICOPE, l’IDEL ne peut intervenir au domicile des personnes que sur prescription médicale. Alors que de par notre formation, notre exercice et notre pratique soignante, nous prouvons tous les jours que nous sommes en capacité d’exercer pleinement nos actes et notre diagnostic infirmier.
L’Etat ne reconnait pas le rôle propre infirmier et méconnait le rôle des IDEL. Il est urgent et essentiel de reconnaître tous les rôles du rôle propre et de le rendre autonome.
Certaines prises en charge nécessitent plus de 1 000 passages par an à domicile… Qui connaît mieux que l’IDEL les personnes soignées ?
Quelles sont précisément vos attentes et vos propositions dans ce sens ?
Nous appelons à une reconnaissance du rôle de coordinateur, de pivot, de réfèrent de l’IDEL qui peut passer jusqu’à 4 fois par jour chez le patient 365 jours sur 365 ! Certaines prises en charge nécessitent plus de 1 000 passages par an à domicile chez des personnes âgées en perte d’autonomie ! Qui connaît mieux que l’IDEL les personnes soignées ? Que l’Etat reconnaisse ses rôles, qu’il les valorise en créant des forfais de prise en charge. Qu’il permette aux IDEL d’être autonomes, comme le sont les IDE dans les services qui ont une consultation infirmière reconnue.
Les infirmières scolaires font de la prévention et de l’éducation et sont reconnues dans ces rôles. D’autres pays ont déjà reconnu ces rôles et font confiance aux infirmières.
Comment envisagez-vous de faire bouger les choses ?
Il est essentiel réfléchir à l’apport de la prévention dans la pratique, changer le regard des infirmiers sur leur rôle et accompagner au mieux les patients tout au long de leur vieillesse. Il s’agit aussi de déterminer les orientations du syndicat pour les années à venir, dont l’enjeu sera de contenir la croissance des dépenses de soins de longue durée en finançant en priorité des mesures de prévention de la perte d’autonomie. L’OMS prône également ce financement de la prévention, notamment à travers le programme (ICOPE (Integrated Care for Older People).
*Sondage IFOP de novembre 2018
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