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TFE - Solide comme un roc en psychiatrie ?

Publié le 28/03/2018
Homme fatigue désespoir

Homme fatigue désespoir

En juin 2017, Fabien Rougié, alors étudiant en soins infirmiers à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers de Bron - promotion 2014-2017 - a soutenu avec succès son travail de fin d'études sur la thématique suivante : « Solide comme un roc ? Comment les infirmiers peuvent-ils gérer leurs émotions pour allier soin et congruence dans une unité de psychiatrie ? » Il souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’Infirmiers.com et nous l'en remercions.

Cet étudiant en soins infirmiers s'interroge : quelles alternatives l'infirmier peut-il envisager lorsque ses émotions ne permettent pas la congruence ?

Voilà comment Fabien nous explique le choix de sa question de recherche. « Anciennement aide-soignant dans une unité psychiatrique de réhabilitation psychosociale, la relation soignant-soigné était déjà au coeur de la vision que j'avais du métier d'infirmier avant mon entrée dans cette formation. J'ai pu durant ces quatre années d'exercice dans cette unité observer l'agacement que pouvait susciter certains patients chez moi ou chez mes collègues. Ces patients pouvaient renvoyer une certaine agressivité intérieure et contenue auprès de l'équipe. Je pensais naïvement que la formation d'infirmier allait me permettre de devenir imperturbable, solide et disponible face à tous types de confrontations extérieures dans le cadre de mon travail...

Étudiant infirmier et en stage dans une unité hospitalière spécialement aménagée ou UHSA, je rencontre Monsieur X., un patient qui va me mettre face à mes émotions personnelles. Tout d'abord, il est nécessaire de tenir compte que l'UHSA est un service dispensant des soins psychiatriques à l'intention de personnes incarcérées et souffrant de troubles psychiques. À l'heure de cette situation, je suis étudiant infirmier en semestre cinq et à la cinquième semaine de ma première partie de stage (celui-ci s'étalant sur deux périodes de cinq semaines). Ce stage se déroule à merveille, je sens que mes compétences professionnelles sont reconnues, je suis autonome et bien intégré dans l'équipe. C'est un cap, l'occasion de prouver que je pourrais être un bon infirmier en psychiatrie.

Un lundi matin, la tâche d'effectuer un entretien d'aide thérapeutique afin d'aider Monsieur X à gérer ses soins d'hygiène au quotidien m’est confiée. Le patient présente effectivement un inquiétant état d'incurie. Par la même occasion, il s’agit aussi d’une opportunité qui me permettrait de valider la compétence d'enseignement numéro 5 : « soins éducatifs et préventifs ». Il s'agit d'un patient discret et qui, en dehors de l'état d'incurie ne questionnait que peu l'équipe ou moi-même. Âgé de soixante-treize ans, il est pris en charge pour des troubles bipolaires et se trouve dans une phase dépressive majeure. À cet instant, voilà deux ans qu'il est incarcéré pour des faits d'attouchements à l'encontre de ses petites filles.

Après avoir consulté son dossier où peu d'éléments sur sa vie personnelle avant la détention y sont notifiés, je pars à la rencontre du patient accompagné d'une infirmière du service qui, pour des raisons de sécurité, devra rester à proximité du lieu d’échange durant l'entretien. À cet instant je suis tendu et inquiet, je me sens en situation d'évaluation et c'est un fait qui ne simplifie en rien le soin. Malgré tout je n’ai pas d’appréhension particulière vis-à-vis du patient. L'entretien se déroule dans la chambre de Mr X, chambre identique à toutes les autres à l'UHSA, sombre, vétuste. Cette chambre tout juste éclairée par une fenêtre équipée de barreaux nous rappelant que nous sommes dans une unité pour détenus et au cas où nous oublierions cet état de fait, elle n'offre que pour seul horizon le premier mur d'enceinte couvert de barbelés de l'hôpital. L'infirmière qui veille à ce que tout se passe bien patiente hors de la chambre, derrière la lourde porte de métal restée entrouverte.

C'est durant cet entretien que je vais être frappé par des émotions négatives à l'encontre de ce patient, émotions qui pourtant étaient inexistantes avant cet instant. Je le vois « monstre », il me « dégoûte », j'ai la sensation qu'il pénètre dans ma sphère, dans ma bulle. Situé face à moi, à courte distance, l'odeur qu'il dégage s'ajoute à ce florilège de ressentiments désagréables, une effluve nauséabonde et envahissante. Néanmoins, je prends sur moi, je ne laisse rien transparaître, je demeure souriant et tâche de m'exprimer avec enthousiasme mais j'ai la sensation de « me faire violence ». Clairement, je n'ai pas envie d'aider ce patient et parmi les pensées qui se heurtent à mon esprit, l'une d'elle m'interpelle et me demande ce que je fais là. Je me pose la question « Comment peut-on s’en prendre à des enfants ? », « Pourquoi aiderais-je un homme capable de transgresser la morale et l’éthique ? ». À mes yeux, il a détruit la plus pure des innocences mais aussi la vie de ses petites filles, cette idée devient de plus en plus intolérable. Dans le même temps, je crains aussi que cet état de « jugement » soit ressenti par Monsieur X et que cela l'affecte, le peine ou bien qu'il se sente rejeté. Je tente alors de poursuivre malgré tout, de cacher mes émotions et mes pensées. Cependant, à ma grande surprise il se montre très coopérant durant l'entretien, il profite de l'instant pour « vider son sac » et parler de sa vie d'avant : il évoque l'agacement d'être sollicité chaque jour pour sa toilette, me met face à ses principes d'ordre culturel et son histoire de vie. Il me fait confiance, il se confie, se montre volontaire et compliant. Dès cet instant, je ne vois plus le « monstre », je vois l'homme, l'être humain, je vois cette personne qui souffre et tend la main pour qu'on lui vienne en aide. Alors, tout devient différent, mon dégoût et ma colère s'estompent et mes affects s'harmonisent enfin avec mon positionnement.

En décrivant cette situation, j'ai souhaité mettre en évidence le malaise que j'ai ressenti lors de cet entretien infirmier. De ce malaise, ont découlé plusieurs interrogations et une certaine remise en question en lien avec un sentiment de culpabilité : comment l'infirmier peut-il gérer ses émotions pour allier soins et congruence dans la prise en charge d'un patient en psychiatrie ?  Et comme sous questions :

  • quelle est la place des émotions à travers les soins infirmiers ? ;
  • quel impact les émotions de l’infirmier ont-elles sur lui ? ;
  • quelles alternatives l'infirmier peut-il envisager lorsque ses émotions ne permettent pas la congruence ?

Lire le TFE (PDF) – « Solide comme un roc ? Comment les infirmiers peuvent-ils gérer leurs émotions pour allier soin et congruence dans une unité de psychiatrie ? »

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com