Entre frais d’inscription, achat de tenues professionnelles, loyer, charges…, « la précarité des ESI [Etudiants en soins infirmiers] ne cesse d’augmenter ! » C’est en ces termes que la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers alerte, dans son indicateur du coût de la rentrée 2023, sur les difficultés financières qui menacent l’ensemble des ESI. Car, à l’instar de 2022, les frais de rentrée connaissent cette année encore une très forte augmentation, associée à des frais spécifiques à la formation toujours importants. Un constat inquiétant pour la FNESI, qui rappelle que, en moyenne, « 12% des étudiants » abandonnent leur formation en raison de « difficultés financières ».
Des frais de rentrée en augmentation
Pour les ESI en formation socle (soit en cursus Licence), le coût de la rentrée s’élève cette année à 3 182,95 euros, soit une augmentation de 8,83% par rapport à l’année 2022. Dans son précédent indicateur, la FNESI l’avait en effet évalué à 2 674 euros. Ce sont les frais liés aux matériels pédagogiques qui pèsent le plus lourd : avec une augmentation de près de 40%, ils passent de 305 euros en 2022 à 426 euros cette année. Sont aussi à mettre dans la balance les frais liés aux achats de chaussures (de 50 euros à 53 euros) ou encore l’augmentation des frais de scolarité (+1,89 euro).
Et les étudiants en spécialités ne sont pas mieux lotis. Les frais de rentrée s’élèvent ainsi à : 2 803 euros pour étudiants en bloc opératoire (EIBO), soit +0,89% par rapport à 2022, à 2 783 euros (+2,80%) pour les étudiants anesthésistes (EIA), à 2 792 euros (+6,18%) pour les étudiants puériculteurs (EIP) et à 4 280 euros (+3,23%) pour les étudiants IPA (EIPA). La FNESI pointe notamment les frais de sélection qui s’appliquent pour les trois premières spécialisations, et qui sont associés aux démarches d’entrée en formation.
Les frais spécifiques à la formation pointés du doigt
Et une fois de plus, ce sont les frais complémentaires, spécifiques à la formation infirmière, que la FNESI a dans son viseur. « Classés sous l’étiquette de "frais pédagogiques" » ou de « frais de fonctionnement (wifi, photocopies, livres) », ils correspondent en moyenne à une dépense non négligeable de 256 euros. Et ne sont que très rarement mentionnés sur les fiches de renseignements des IFSI présentes sur Parcoursup lors de l’inscription des étudiants. Or, martèle la FNESI, ces frais sont illégaux depuis 20201. « À l’heure où de simples rappels sont encore faits aux établissements, sans sanctions préjudiciables, de plus en plus d’étudiants sont précarisés en toute impunité », s’agace-t-elle. 80 Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) pratiqueraient encore ces frais, selon elle. À noter toutefois que ces derniers tendent à diminuer de 1,49% au niveau national ; ils équivalaient ainsi à 260 euros en 2022.
« Cette année à nouveau, le coût de la rentrée d’un étudiant infirmier est plus élevé que celui des étudiants de l’enseignement supérieur », déplore la FNESI. Ainsi :
- Pour les étudiants en formation socle, les étudiants infirmiers déboursent en moyenne 158,46 euros de plus.
- Les EIP s’acquittent de 162,52 euros de plus,
- les EIA, de 75,93 euros supplémentaires,
- les EIBO, de 24,84 euros,
- et les EIPA, de près de 81 euros de plus.
La FNESI relève également des frais supplémentaires induits dans le cadre d’expérimentations sur la formation infirmière. À Grenoble, donne-t-elle ainsi en exemple, les ESI sont inscrits d’office en double cursus et sont obligés de payer deux fois l'intégralité des frais d’inscription : soit « 170 euros pour la licence "Sciences pour la santé, parcours sciences infirmières" et 170 euros pour le diplôme d’État infirmier », note-t-elle. Pourtant, d’après l’arrêté du 19 avril 2019 relatif aux droits d’inscription, les frais en cas de préparation à plusieurs diplômes « sont en premier lieu à taux pleins, puis en second lieu, à taux réduit soit 113 euros pour un grade licence », souligne-t-elle, indiquant par ailleurs avoir fait remonter en vain la problématique.
S’ajoute enfin l’obligation pour les ESI de s’acquitter d’une consultation et d’un certificat médical, qui engendrent « des frais inégaux en fonction des territoires pour les étudiants. » En moyenne, la consultation par un médecin agréé équivaut à 35 euros, avec des écarts pouvant aller de 25 à 90 euros selon les praticiens. « Cette consultation n’a pas de tarification légale auprès de l’Assurance maladie, elle n’est donc pas remboursée », précise de plus la FNESI, qui réclame la fin de ces inégalités de traitement qui précarisent un peu plus les étudiants en début d’année. Elle propose notamment de « développer les consultations au sein des services de santé étudiant (SSE) à titre gratuit » ou de mobiliser la médecine du travail, qui a « l’habitude et la compétence pour les consultations d’aptitude à l’exercice professionnel » afin de limiter les frais.
En lavant eux-mêmes leurs tenues, les étudiants participent involontairement à la propagation des agents infectieux.
Les tenues, un poste de dépense récurrent
Demeure enfin la problématique, toujours prégnante, des tenues professionnelles. Malgré une instruction ministérielle publiée en 20202 demandant aux IFSI de mettre à disposition des tenues professionnelles, achat et entretien de celles-ci sont encore trop souvent à la charge des étudiants. « Le coût moyen d’achat d’un lot de 4 tenues professionnelles est de 76,40 euros » (+9,19% par rapport à 2022), auquel s’ajoute donc celui de l’entretien, note la FNESI. Or, non seulement ces pratiques induisent des coûts supplémentaires importants, mais elles mettent également à mal les exigences d’hygiène quand l’entretien des tenues ne peut pas être effectué de manière optimale. « Au même titre que les professionnels, les étudiants sont exposés aux pathologies et germes. En lavant eux-mêmes leurs tenues, les étudiants participent involontairement à la propagation des agents infectieux ». L’année précédente déjà, la FNESI mettait le sujet en lumière et appelait à une mise en application de l’instruction ministérielle.
Pour réaliser son indicateur, la FNESI s’est appuyée sur celui de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), publié chaque année à la même période, y introduisant des ajustements liés aux spécificités de chaque formation infirmière. Entrent ainsi dans le calcul les frais de la vie courante (loyers, charges locatives, loisirs, alimentation…), les frais spécifiques à la rentrée universitaire et propres aux premiers mois de l’année (frais d’inscription, contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), visite médicale obligatoire, souscription à une assurance logement…), et les frais modulaires (essentiellement liés aux cycles menstruels), dans une formation où les femmes représentent 87% des apprenants.
Une urgence à limiter les coûts pour les étudiants
Dans un contexte marqué par la fuite des étudiants en soins infirmiers et la dégradation de leur santé mentale, la FNESI insiste sur l’urgence d’agir sur ces frais spécifiques à la formation. Outre l’application des textes, elle réclame, entre autres, une nouvelle augmentation des bourses, pour qu’elles correspondent à l’inflation estimée à 5,2% ,et à une revalorisation des heures de stage – qui oscillent actuellement entre 1,1 euro et 1,7 euro pour les étudiants en formation socle, contre 4,05 euros en spécialisation – et des indemnités kilométriques, les frais engendrés par les déplacements vers les terrains de stage n’étant pas pris en charge par l’employeur.
1Lors de la publication de l’arrêté du 23 janvier 2020 par le ministère de l’Enseignement supérieur
2Instruction publiée le 9 septembre 2020 par les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur.
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