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Pied diabétique: le pronostic à long terme

Publié le 18/07/2008
Pied diabétique: le pronostic à long terme

Pied diabétique: le pronostic à long terme

Malgré un taux de cicatrisation initial correct, l'état fonctionnel et le pronostic à long terme des patients diabétiques hospitalisés pour un ulcère au pied reste mauvais, selon une étude française menée au CHU de Montpellier.

L'équipe d'Ariane Sultan et Antoine Avignon du CHU de Montpellier a suivi pendant plus de six ans en moyenne 89 patients diabétiques hospitalisés pour un ulcère au pied. Le pied était considéré comme purement neuropathique dans 53,9% des cas et neuropathique et/ou ischémique dans les autres cas.

Parmi eux, 77,5% ont obtenu une cicatrisation sans amputation, 43,8% ont dû subir une amputation (24 mineures et 15 majeures) et 51,7% sont décédés (dont la moitié après un événement cardiovasculaire et neuf cas liés à l'ulcère). Le seul facteur indépendant associé en analyse multivariée à l'amputation était la sténose poplitée et, pour la première amputation, la néphropathie.

Au cours du suivi, 60,9% des patients dont l'ulcère a cicatrisé ont rechuté. Le seul facteur prédictif de rechute était le traitement à l'insuline avant admission, l'insuline étant à considérer comme un marqueur de la sévérité du diabète et non comme un facteur de risque en soi, précisent les auteurs.

A la fin de la période de suivi, un "succès thérapeutique global" (c'est-à-dire cicatrisation primaire, absence de rechute et de handicap) était atteint chez 65,1% des 43 patients toujours en vie. Vingt-cinq patients (28,1%) étaient considérés comme ayant un handicap à la fin du suivi ou au moment de leur décès.

En analyse multivariée, seul un âge supérieur à 70 ans était un facteur prédictif indépendant d'échec thérapeutique global, tandis qu'une dysfonction rénale était un facteur prédictif d'échec de cicatrisation et de mortalité (toute cause et cardiovasculaire), le taux d'albuminurie étant quant à lui associé au risque d'amputation. Le traitement par insuline avant admission était également un facteur prédictif de la mortalité d'origine cardiovasculaire.

Jusqu'ici, la plupart des études évaluant le pronostic du pied diabétique étaient des études à court terme (moins de cinq ans), rappellent les auteurs. Elles s'intéressaient à des critères liés à l'ulcère (cicatrisation et amputation). Cette étude montre que d'autres critères reconnus restent à établir pour l'évaluation à long terme de l'efficacité de la prise en charge du pied diabétique.

LE REIN PREDIRAIT L'EVOLUTION DU PIED DIABETIQUE

"Nos résultats soulignent également l'importance du dysfonctionnement rénal comme facteur prédictif du pronostic de l'ulcère du pied diabétique et la nécessité de porter une attention particulière aux patients dans cette condition", concluent les auteurs.

Une étude américaine, publiée dans le même numéro, le confirme. L'équipe d'Harold Feldman, de l'Université de Pennsylvanie à Philadelphie a évalué le lien entre les ulcères du pied diabétique, les amputations des membres inférieurs et les maladies rénales chroniques auprès de 90.617 personnes, de manière rétrospective.

Ils ont mis en évidence un association forte entre le stade d'évolution de la maladie rénale (déterminé par le taux de filtration glomérulaire estimé, eGFR) et le taux d'ulcères ou d'amputations.

Le risque de présenter un ulcère du pied était ainsi accru de 80% chez les patients présentant un eGFR compris entre 30 et 60 mL/min par rapport aux patients dont l'eGFR était supérieur à 60 mL/min. Il est multiplié par près de quatre chez les patients présentant un eGFR inférieur à 30 mL/min. Les résultats étaient comparables pour le taux d'amputation, qui était multiplié respectivement par 2,08 et 7,71.

"Et cela n'est probablement pas uniquement lié à la présence de la maladie artérielle périphérique", estiment les auteurs.

Ils émettent deux hypothèses. La première, c'est que la maladie rénale et la propension d'une plaie à devenir ulcéreuse pourraient découler toutes les deux de la perte progressive de la capacité de réparation des tissus. La seconde considère que la maladie rénale pourrait altérer la circulation de facteurs qui affecteraient la cicatrisation des plaies et de là le taux d'ulcération et d'amputation. (Diabetes Care, vol.31, n°7, pp.1288-1292, 1331-1336)


Source : infirmiers.com