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L’obésité en progression constante en France selon l’enquête de la Ligue Contre l’Obésité

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Publié le 07/07/2021

Mercredi 30 juin, la Ligue Contre l’Obésité présentait les résultats d’une nouvelle enquête sur la prévalence du surpoids et de l’obésité. L’enjeu : dresser une photographie la plus exhaustive possible de la situation en France et en analyser les aspects aussi bien épidémiologiques qu’économiques et sociologiques.

Lancée en 1997, à l’initiative du laboratoire pharmaceutique Roche, qui commercialisait alors un traitement contre l’obésité (orlistat), et menée tous les trois ans, l’enquête ObEpi-Roche® avait pour objectif de mesurer et d’analyser la prévalence de l’obésité et du surpoids en France. Interrompue en 2012, elle a depuis été relancée en 2020 par la Ligue Contre l’Obésité, en partenariat avec l’institut de sondage Odoxa et l’apport scientifique de la Chaire santé de Sciences-Po, sans la participation du laboratoire mais selon une méthodologie identique. De ses résultats, présentés le mercredi 30 juin, il ressort que la prévalence de l’obésité n’a cessé d’augmenter, et ce dans toutes les classes d’âge et de population, confirmant ainsi une tendance que soulignait l’enquête Esteban menée par Santé Publique France en 2015 dans le cadre du Programme national nutrition santé 3 (PNNS, 2011-2015).

Des chiffres en augmentation


Premier constat : là où le nombre de personnes en surpoids a diminué entre 2012 et 2020 (de 32,3 % de la population à 30,3 %), ceux concernant l’obésité et l’obésité massive passent en effet respectivement de 15 % à 17 % et de 1,2 % à 2 %. Malgré les efforts de prévention, l’obésité progresse encore, avec un coût socio-économique très important, déplore David Nocca, le président de la Ligue Contre l’Obésité. Les courbes de la pathologie correspondent à celles de l’âge : plus la population vieillit, plus la prévalence est importante, à une exception près, celle des plus de 65 ans, dont le ratio montre une tendance à la diminution. Ces chiffres cachent de grandes disparités, économiques et territoriales, démontrant que l’obésité est souvent corrélée au milieu social. Ainsi est-elle plus élevée chez les catégories socioprofessionnelles les moins aisées, à hauteur de 18 % pour les ouvriers et 17,8 % pour les employés, contre 9,9 % pour les cadres. En cause, le recours à une alimentation moins chère et de moins bonne qualité car transformée, qui favorise la prise de poids. Et sur la carte de France s’observe une fracture entre des régions du Nord et de l’Est plus touchées, à l’exception de l’Île-de-France, où la part de la population souffrant d’obésité est la plus basse (14,2 %). Les Hauts de France (22,1 %) et le Grand Est (20,2 %) enregistrent ainsi les plus forts taux de prévalence.

Méthodologie de l'enquête et principaux résultats

L’enquête a été réalisée sur Internet du 24 septembre au 5 octobre 2020, sur un échantillon de 11 827 Français représentatif de l’ensemble de la population, dont :
•    9 598 âgés de 18 ans et plus, dont 2 832 en situation de surpoids et 1 594 en situation d’obésité
•    2 229 âgés de moins de 18 ans, dont 542 adolescents de 15 à 17 ans et 1 642 enfants de moins de 15 ans
•    4 455 hommes
•    5 143 femmes.
En ont été exclues les femmes enceintes ou ayant accouché au cours des 3 mois précédents.


Les chiffres de la prévalence de l’obésité selon les classes d’âge équivalent à :
•    9,2% chez les 18-24 ans, soit presque le double du ratio de 2012 (5,4%)
•    13,8% chez les 25-34 ans
•    16,7% chez les 35-44 ans
•    18,4% chez les 45-54 ans
•    19,9% chez les 55-64 ans
•    19,2% chez les 65 ans et plus, en diminution par rapport au ratio de 2012 (19,5%).

La prévalence de l'obésité est également plus forte chez les femmes (17,4%) que chez les hommes (16,7%), qui sont toutefois plus touchés par le surpoids (36,9% contre 23,9%).

Quid des enfants ?

Par ailleurs, l’enquête réalise pour la première fois un focus sur l’obésité pédiatrique. 34 % des enfants de 2 à 7 ans et 21 % des 8 à 17 ans sont ainsi en situation de surpoids ou d’obésité, avec une prévalence plus importante chez les garçons (62 %) que chez les filles (38 %), quand bien même il n’existe aucune raison scientifique de penser que les garçons seraient plus exposés à la pathologie, précise le professeur Patrick Tounian, chef du service de nutrition pédiatrique à l'Hôpital Trousseau. Là encore, c’est au sein des familles les plus défavorisées ou comportant un ou deux parents souffrant d’obésité qu’ils sont surreprésentés. Pour autant, tient-il à rassurer, l’obésité pédiatrique est différente de celle de l’adulte. Pour cause, les limites entre norme et surpoids, et surpoids et obésité, sont ténues chez l’enfant, une différence de 100 grammes pouvant entraîner le passage de l’un à l’autre état. De plus, la majorité des enfants en surpoids avant 5 ans ne le resteront pas à l’âge adulte. Il y a une évolution spontanément favorable chez beaucoup d’entre eux. S’il s’agit de ne pas s’affoler face à la prise de poids d’un enfant, il soulève toutefois un point de vigilance : 75 % des jeunes de 10 ans et plus en situation de surcharge pondérale le resteront par la suite.

 

On évoque beaucoup la pratique du sport ainsi que la nutrition mais on ne parle pas assez de son aspect psychologique

Des complications associées

La prévalence croissante de l’obésité est d’autant plus préoccupante que cette dernière constitue un fort facteur de risque dans le développement de certaines complications, à commencer par l’augmentation de l’hypertension artérielle. Selon l’enquête, 36 % des personnes atteintes d’obésité en seraient atteintes ; un taux qui passe à 42 % dès lors que l’IMC dépasse le chiffre de 40, contre 20 % dans la population dont l’IMC est jugé normal (entre 18 et 25). Même constat pour le diabète (39 % contre 9 %) et pour l’apnée du sommeil, dans des proportions relativement similaires (31 % contre 7 %). Or le diabète peut entraîner des complications très graves, rappelle David Nocca, telles que maladies rénales, cécité ou encore amputations. On sait également que l’obésité représente un biais dans le cancer du sein, celle-ci augmentant le risque de développer la maladie.

Obésité et surpoids sont aussi à l’origine de souffrances moins visibles : On dénombre énormément de problèmes psychologiques chez les patients qui souffrent d’obésité, déplore David Nocca. Dans ce type de pathologie, on évoque beaucoup la pratique du sport ainsi que la nutrition mais on ne parle pas assez de son aspect psychologique. Événements difficiles à vivre qui poussent les individus à compenser avec une alimentation grasse ou riche en sucre, violences familiales, agressions sexuelles durant l’enfance…, les facteurs psychiques à l’origine de l’obésité peuvent en effet être nombreux tant elle s’avère multifactorielle. A cela s’ajoutent les discriminations - sociales, économiques - qui visent les personnes qui en souffrent. Ainsi, 40 % des enfants en situation de surpoids ou d’obésité et 47% des femmes obèses subiraient des discriminations. La société les stigmatise, relève David Nocca, mais nous ne sommes pas tous égaux au niveau métabolique face à l’alimentation. Il faut absolument travailler sur la notion de culpabilité, tout en rappelant à ces patients que la pathologie diminue la qualité et la durée de vie et en les encourageant à être acteurs de leur traitement.

Nombre de politiques de santé publique visent à modifier les comportements individuels

Un focus alimentation/activité physique peu pertinent

Et déculpabiliser le patient débute par rappeler que l’obésité et surpoids ont des causes multiples. Certains déterminants socio-économiques sont à l’origine de ces problématiques et potentialisent les facteurs génétiques qui peuvent exister chez les individus atteints d’obésité, explique Henri Bergeron, directeur de recherches au CNRS au Centre de Sociologie des Organisations à Sciences Po. À commencer par le poids et la puissance des messages diffusés par le secteur agro-alimentaire, premier employeur en Europe, qui influence la régulation de l’offre alimentaire et sa visibilité. Les rapports de pouvoir qui existent entre l’industrie et l’Etat sont défavorables à ce dernier, souligne-t-il. Sur l’offre alimentaire, il n’est pas en mesure d’instaurer de politique contraignante. En découle un manque de contrôle non seulement sur l’impact des messages publicitaires mais aussi sur la formulation de certains produits alimentaires, en particulier ceux lourdement transformés. Nombre de politiques de santé publique sont individualisantes : elles visent à modifier les comportements individuels, alors qu’ils sont conditionnés par des types d’offres, aussi bien en termes de dispositifs dédiés à l’exercice physique qu’en termes d’alimentation. Et le chercheur de noter que, depuis 2011, l’association entre obésité et absence d’activité physique a pris le pas sur toute autre considération, rendant de fait invisible le facteur alimentaire.

Or, pour Bernard Guy-Grand, professeur de médecine et ancien chef du service de nutrition à l’Hôtel-Dieu, du fait de l’aspect plurifactoriel de la pathologie, les politiques qui cherchent à lutter contre l’obésité uniquement à travers le prisme de l’alimentation et de l’activité sportive sont vouées à l’échec. Les gens mangent mal, certes, mais il faut savoir pourquoi. D’où, insiste la Ligue contre l’obésité, l’importance de parier sur les actions de prévention, et ce dès le plus jeune âge. Toutes les politiques de prévention devraient s’appuyer sur des actions de terrain, défend Bernard Guy-Grand, qui estime que, mises en place au niveau scolaire, elles permettraient de faire régresser le problème de l’obésité. Et de limiter ainsi l’ensemble des risques de pathologies associées. Le poids économique de l’obésité équivaut à 5 % des dépenses de santé, affirme Daniel Benamouzig, directeur de recherche au CNRS, titulaire de la Chaire Santé de Sciences Po et chercheur au Centre de Sociologie des Organisations. Quand on investit afin de faciliter le suivi, de prévenir et réduire les pathologies associées, on bénéficie d’un retour sur investissement.


Source : infirmiers.com