REHABILITATION AMELIOREE EN CHIRURGIE (RAC)

Quid de l’accompagnement postopératoire infirmier à domicile?

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Publié le 14/02/2023

L’avenant 6 à la Convention nationale des infirmières et infirmiers libéraux a consacré de nouvelles mesures relatives à la prise en charge des soins postopératoires à domicile dans le cadre de la chirurgie ambulatoire comme de la réhabilitation améliorée en chirurgie (RAC). Le point sur ces dernières entrées en vigueur.

Soins infirmiers post-opératoires

Introduite en France dans les années 2010, la réhabilitation améliorée en chirurgie (RAC) correspond à un ensemble de mesures pré, per et postopératoires visant à améliorer la prise en charge chirurgicale. A priori, il n’y a pas de contre-indication mais une adaptation des protocoles au contexte de la prise en charge et des patients est toutefois nécessaire.

Place centrale et rôle actif du patient

Tout comme la chirurgie ambulatoire déployée simultanément, cette approche de prise en charge globale du patient favorisant le rétablissement après chirurgie donne une place centrale et un rôle particulièrement actif au patient. Un tel programme repose en outre sur une organisation optimale en amont et en aval de l’hospitalisation relevant d’une équipe pluriprofessionnelle composée de soignants hospitaliers et de ville, parmi lesquels les infirmiers libéraux (IDEL) qui interviennent en retour immédiat d’hospitalisation.

L’implémentation de la RAC reporte mécaniquement les soins postopératoires traditionnellement effectués à l’hôpital ou la clinique vers les soignants libéraux 

 « Grâce à l’implémentation de la RAC, les séjours intra-hospitaliers sont raccourcis de manière significative, ce qui reporte mécaniquement les soins postopératoires traditionnellement effectués à l’hôpital ou la clinique vers les soignants libéraux », relève ainsi le Pr Karem Slim, chirurgien au CHU de Clermont-Ferrand, président du Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie.

Rôle et missions des IDEL en postopératoire

Le rôle des IDEL porte principalement sur la surveillance clinique du patient lors de son retour à domicile. En général, celle-ci se décline en 5 points majeurs :
- la prise des constantes hémodynamiques
- la vérification de l’absence de signes infectieux généraux (douleur, température…) et locaux (cicatrice, pont de ponction de drainage et/ou de cathéter d’analgésie)
- l’évaluation de la douleur (avec une échelle validée et adaptée au patient)
-  l’évaluation de l’état des pansements et –si présents– des sondes et systèmes de drainage
- l’observance de la prise des traitements médicamenteux.

Essentiellement un abord mini-invasif

Retenons en outre que la démarche RAC privilégie l’abord mini-invasif – ce qui ne veut pas dire l’absence de pansement – et limite la pose de sonde et de drainage. En pratique, l’IDEL devra assurer une surveillance accrue du pansement et de l’aspect de la cicatrice. La réfection du pansement doit ainsi être régulière en fonction de la prescription médicale et si souillé et/ou non hermétique. Quant au retrait des points ou agrafes, si tel est le cas, il doit s’effectuer lui aussi en fonction de la prescription médicale. S’agissant des systèmes de drainage, l’IDEL devra se montrer particulièrement vigilant quant au point de ponction, au pansement, à la quantité et qualité des sécrétions ainsi qu’à l’étanchéité du système, et s’atteler, là encore, à la réfection du pansement, au changement du réceptacle et au retrait du système selon la prescription.

Bien entendu, l’IDEL doit tracer l’état de la cicatrice, du pansement, les réfections et retrait des points et/ou agrafes, la quantité/qualité des sécrétions, et les changements de réceptacle et du retrait (si systèmes de drainage), la quantité/qualité des urines, et l’ablation et le retrait des sondes urinaires (s’il y en a), ainsi que le contrôle du matériel, l’évaluation de la douleur…) dans le dossier de soins.

Autres soins en post-opératoire

En post-opératoire, les IDEL peuvent aussi être amenés à surveiller des sondes urinaires et à apporter les soins nécessaires (toilette de la sonde, du méat et de la zone périnéale avec du savon doux ; ablation et retrait selon PM). Il en est de même des stomies digestives ou urinaires.

En somme, pour les infirmiers libéraux, la clé est de s’approprier le protocole et en particulier les points essentiels à surveiller afin d’anticiper les complications. Comme par exemple, celles qui peuvent survenir sur le cathéter d’analgésie telles son ablation accidentelle (plus fréquente sur les cathéters du membre supérieur), une infection locale, des effets indésirables (cutanés ou sur le cathéter périnerveux) ou encore une toxicité systémique des anesthésiques locaux (essentiellement à la pose, en postopératoire immédiat).

Optimiser la coordination au retour du patient à domicile

Ce retour précoce du patient au domicile doit bien sûr être optimisé, efficient et sécurisé. Pour ce faire, plusieurs leviers et outils de coordination sont à disposition des équipes et concernent potentiellement les IDEL. C’est le cas par exemple du service Prado “chirurgie” mis en place pour anticiper les besoins du patient liés à ce retour et fluidifier le parcours hôpital-ville. Initié en 2012 avec l’orthopédie et depuis étendu à toute chirurgie, ce dispositif peut être mis en place à la suite de tout acte de chirurgie pour lequel un accompagnement par les acteurs de santé de ville au retour à domicile semble pertinent à l’équipe médicale hospitalière. Près de 500 000 patients par an peuvent ainsi potentiellement bénéficier de ce dispositif.

Des outils numériques et des formations

L’utilisation du dossier médical partagé (DMP) est également à préconiser… tout comme le suivi de formations spécifiques. Les IDEL peuvent en effet, selon les établissements avec lesquels ils coopèrent, bénéficier de formations (en présentiel et/ou distanciel sous forme de cas pratiques, films, quiz…) à la démarche RAC. Celles-ci visent, entre autres, à leur permettre de mieux appréhender certains points clés relatifs à l’anesthésie, à la douleur, aux critères de sortie, aux pansements, aux actes, aux surveillances ou à l’éducation du patient.

À noter encore que les établissements engagés dans une telle démarche utilisent de plus en plus des applications numériques ou plateformes numériques d’adressage de patients et de coordination afin de tracer/sécuriser le lien entre la ville et l’hôpital ; d’apporter des consignes suivant les réponses des patients et/ou acteurs de ville, et de préserver le contact humain avec l’IDE coordinatrice/parcours patient ou le praticien. Ces applis et/ou plateformes – telles Maela, Calmedica permettent par exemple aux IDEL d’accéder au protocole de prise en charge du service de chirurgie concerné, de tracer les constantes, d’avoir si besoin un lien rapide avec les praticiens, d’envoyer des photos de pansements… Un projet sur l’utilisation de la plateforme Inzee.care dans le cadre de la RAC est ainsi actuellement mené entre l’URPS infirmiers d’Ile-de-France et le CH de Poissy-Saint-Germain (78). Il sera ensuite déployé dans toute la région. 

La RAC, dans la majorité des cas, améliore la convalescence, réduit la morbidité globale et par conséquent la durée de séjour postopératoire 

Montée en puissance de la démarche RAC

Selon la Haute Autorité de santé (HAS), au premier trimestre 2016, plus d’une centaine d’équipes et de services (secteurs privé et public confondus) étaient engagés en France dans une démarche RAC. Les enjeux autour de son déploiement sont loin d’être anodins dans la mesure où, selon le Pr Slim, la RAC, dans la majorité des cas, « améliore la convalescence, réduit la morbidité globale et par conséquent la durée de séjour postopératoire » (cf La réhabilitation améliorée après chirurgie, Éd. Elsevier, 2018), et donc les coûts pour les établissements de santé et l’Assurance maladie. Initialement développée en chirurgie colorectale, la RAC s’étend aujourd’hui à toutes les spécialités et à tous les patients. On peut considérer désormais qu’elle s’applique dans20 % des cas, soit pour un patient opéré sur cinq.

Quelles cotations ?
L’avenant 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux, signé le 29 mars 2019 entre la FNI et le Sniil, et l’Assurance maladie, a créé notamment de nouveaux actes de prise en charge à domicile/soins postopératoires à la NGAP visant ainsi à assurer et sécuriser le retour précoce du patient au domicile en coordination avec l’hôpital (article 5.2). Il s’agit de :
- la séance de surveillance clinique et d’accompagnement postopératoire à domicile pour les patients éligibles à la chirurgie ambulatoire ou à un parcours de soins  de réhabilitation améliorée. L’acte est valorisé AMI 3,9 (trois séances facturées maximum) pour un patient de J0 (retour à domicile) à J+6 inclus ou de J0 domicile à la veille de la 1re consultation postop avec le chirurgien lorsqu’elle est programmée avant J+6 inclus ;
- la séance de surveillance de cathéter périnerveux pour analgésie postopératoire. Valorisé à hauteur d’un AMI 4,2, cet acte ne peut être facturé qu’une fois par jour de présence avec un aidant, deux fois en l’absence d’aidant et ce pendant trois jours maximum consécutifs ;
- le retrait de sonde urinaire postopératoire coté AMI 2. À noter que ce dernier n’est pas créé uniquement pour les soins postopératoires ;
- la surveillance de drain de redon et/ou retrait postopératoire de drain, valorisé AMI 2,8 (2 séances maximum à partir du J0 du domicile).
Ces actes doivent faire l’objet d’une prescription avec élaboration d’un protocole établi par un chirurgien ou anesthésiste pour les patients en parcours ambulatoire ou de RAC.
À noter : certains ne sont pas cumulables entre eux. C’est le cas de la séance de surveillance postopératoire avec celle de cathéter périnerveux. Chacune d’entre elles peut toutefois être associée à taux plein avec tout autre acte (retrait de sonde urinaire, de drain, injection sous-cutanée…) Autre précision : tous les soins effectués par un IDEL lors de la journée où un patient est réhospitalisé ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie au risque sinon d’indus. À ce propos, les praticiens doivent être précis quant aux termes utilisés dans les ordonnances de sortie afin que les IDEL puissent effectivement facturer les actes valorisés par l’avenant 6. (Source :NGAP, article 7 – Soins postopératoires à domicile selon protocole (modifié par décision Uncam du 29 septembre 2020 et du 13/01/22))

* Témoignages et verbatim recueillis lors des Journées nationales des infirmiers libéraux 2022

Pour en savoir plus :
RAAC – recommandations de bonnes pratiques, HAS, 2016
Groupe francophone de réhabilitation améliorée après chirurgie


Source : infirmiers.com