« C’est un film autour des liens familiaux ». Avec le documentaire Loup, y es-tu ?, Clara Bouffartigue nous plonge dans le quotidien d’un Centre médico-psycho-pédagogique, celui de Claude Bernard (Paris). Là, les soignants accueillent les enfants et adolescents en souffrance et leurs parents pour un accompagnement dont les relations, leurs dynamiques, constituent le cœur. En thérapies de groupe ou individuelle, lors de moments de jeux, voilà donc ces familles qui mettent à nu leur problématique et leur douleur : un couple au bord de la rupture, des adolescents marqués par la dépression dont la maturité nous frappe, une orpheline victime de harcèlement… Avec tact et sensibilité, sans voyeurisme, la réalisatrice saisit l’intimité de ces patients et de leurs parents, entre rires et larmes, silences lourds et parole qui se déverse à flot. Face à eux, les soignants tissent le lien par l’écoute, la bienveillance et l’absence de jugement, cherchent, en alliance avec eux, des pistes pour grandir et se construire.
On ne saura jamais pour quelle raison ces patients viennent consulter ni le métier précis des soignants qui les accueillent. Car, pour faciliter l’identification du spectateur, Clara Bouffartigue a choisi volontairement de se placer « du côté des éprouvés ». « Ce n’est pas un film sur le CMPP », confie-t-elle ; le nom de Claude Bernard ne sera d’ailleurs jamais prononcé, conférant à ce qui s’y joue une universalité qui touche et bouleverse.
Une longue gestation
L’idée du film est né dans l’esprit de sa réalisatrice il y a 5 ans après une première rencontre avec les équipes du CMPP ; celles-ci, séduites par son précédent documentaire Tempête sous un crâne, qui explorait les questions de transmission du savoir en suivant une classe de collège, souhaitaient en utiliser des séquences dans le cadre de leur prise en charge. « J’ai été très touchée par le regard qu’ils portaient sur le film », sur le fait qu’ils « regardaient les enfants dans leurs difficultés », déclare-t-elle. Rapidement naît l’envie de poser sa caméra au sein du CMPP pour capter ces moments d’humanité qui surgissent dans le soin. Elle passe alors 6 mois à assister aux réunions de synthèses des soignants, à gagner leur confiance. « Nous avons beaucoup réfléchi sur la manière de conjuguer le cadre du film et celui du soin. » Certains soignants, intéressés par la démarche et sur l’intérêt qu’elle pourrait représenter dans la prise en charge, se sont alors « lancés dans l’aventure ». Pendant 1 an et demi, Clara Bouffartigue a assisté aux séances entre soignants et patients afin de faire connaissance et établir un lien de confiance avec eux, avant d’entamer le tournage.
Un manifeste pour la pédopsychiatrie
Au-delà de ces drames intimes qui se dévoilent, Loup, y es-tu ? fait surtout figure de manifeste, dans un contexte où la psychiatrie en général, et la pédopsychiatrie en particulier, est particulièrement malmenée. « J’avais à cœur de défendre une approche très humaine du soin dont le film témoigne et qui est aujourd’hui très fragilisée », explique-t-elle. Le documentaire met ainsi en évidence cette « culture du lien » qui est au cœur de ce type de soins et qui n’est que trop rarement valorisé. Il s’adresse donc également « aux soignants qui, je pense, attendent qu’on leur renvoie une image juste et constructive de ce qu’ils apportent ».