LES LIVRES DU MOIS

Faire avec les croyances, et la réalité

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Publié le 23/02/2024

Tenir compte de la croyance des malades afin de mieux prendre soin d’eux, regarder la réalité de l’addiction et faire face aux risques liés à la ménopause, voilà ce que proposent nos livres du mois.

religion, spiritualité, laïcité et soins Religion, spiritualité, laïcité et soin, d’Arkadiusz Koselak-Maréchal (Seli Arslan)

Essentiel pour beaucoup de patients, le sacré, la religion et la spiritualité relèvent du tabou pour nombre de soignants. Un formateur en soin infirmier invite à le lever pour prendre soin du besoin de croire.

« Ni bonnes, ni nonnes, ni connes », ont pu scander dans les années 1980 des infirmières descendues dans la rue pour revendiquer une meilleure reconnaissance. Le slogan témoigne de liens complexes entre le sacré et cette profession, comme le remarque Arkadiusz Koselak-Maréchal dans ce livre où il rappelle la croyance selon laquelle les infirmières descendraient en ligne direct des bonnes sœurs. Une filiation religieuse largement rejetée, notamment sous l’influence voire la contrainte d’une laïcité qui a pu conduire à une ignorance du spirituel et du religieux. Avec pour résultat l’oubli d’une part constitutive importante de personnes soignées, comme si la religion et le sacré constituaient des tabous. Formateur en soins infirmiers, l’auteur entreprend ici de les lever afin de défendre une approche de soin holistique qui prendrait en compte tous les aspects du patient pour une meilleur compréhension de son vécu et de son ressenti.

Il ne s’agit évidemment pas de prêcher quoi que ce soit mais de mieux appréhender dans le soin un phénomène humain fondamental. Le livre revient ainsi sur ses différents aspects, sur la notion de spiritualité, ainsi que sur le concept souvent mal compris de laïcité. Un regard aussi historique qu’actuel note que les soins ont un rapport avec le transcendant et un besoin de croire que l’infirmier ne devrait pas négliger dès lors qu’il joue un rôle dans la façon de percevoir sa maladie pour le soigné. D’où l’intérêt d’intégrer cette réalité sous ses multiples aspects dans la formation infirmière, ce que propose l’auteur pour qui le nécessaire respect de la singularité de chaque patient passe tout simplement par celui de sa culture et de son imaginaire personnel. Ce travail demande de l’écoute mais aussi de se décentrer de ses propres convictions ou croyances pour pouvoir entendre ce que l’autre pense. Sans chercher à s’immiscer dans la sphère privée de la croyance, l’objectif serait plutôt d’être prêt à l’accueillir quand se livre une intimité qui ne se résume pas à une maladie et peut traduire une détresse spirituelle.

Et aussi

Docteur : Addict ou pas ?Psychiatrie

Docteur : addict ou pas ?, de Laurent Karilla (Harper Collins)

Le mot addiction s’utilise aujourd’hui à toutes les sauces. Il est courant de se déclarer « addict » dès lors que l’on a tendance à se laisser emporter par quelque chose qui nous passionne, nous captive, nous emporte. L’addiction s’avère d’ailleurs souvent positive que l’on adore le chocolat, le vélo ou le heavy métal comme le professeur Karilla. Mais ce dernier rappelle qu’elle devient une maladie chronique dès lors qu’elle ne permet plus de s’abstenir. Le besoin l’emporte alors sur le désir, un produit ou un comportement deviennent prioritaire et impérieux pour apaiser une tension. Bref, on perd le contrôle dans une pratique qui devient compulsive et chronique.

Du sucre à l’alcool en passant par le travail, les écrans, l’argent, la fête, la cigarette, le sport, le jeu, le sexe et même l’amour, le psychiatre couvre le vaste champ de l’addiction et aide à analyser son comportement quotidien comme celui de ses proches pour savoir s’il y a eu bascule du plaisir au danger. Analysant les racines de ce mal addictif face auquel nous ne sommes pas égaux même si chacun peut être touché, Laurent Karilla livre finalement un manuel de lucidité agrémenté de pistes thérapeutiques pour retrouver sa liberté et de conseils pour continuer à se faire plaisir sans sombrer dans l’addiction.

ne souffrez plus en silenceGynécologie

Ménopause : Ne souffrez plus en silence, de Michel Mouly (Leduc)

Il promet qu’il ne lâchera jamais l’affaire, convaincu que le traitement hormonal de la ménopause constitue « LA solution pour transformer la vie des femmes ménopausées en une (longue) promenade de santé ». Deux ans après un premier livre sur le sujet, le chirurgien, gynécologue et cancérologue Michel Mouly en fait une nouvelle démonstration. Car il faut selon lui « arrêter de sacrifier les femmes » auxquelles « pas une autorité de santé n’est capable de dire la vérité », à savoir que la ménopause est « une porte ouverte à toutes les maladies graves ». 70 % des femmes devraient ainsi développer des pathologies qui découlent de cet incontournable féminin, ce que pourrait permettre d’éviter une hormonothérapie dite à la française prise le plus tôt possible et sans limite de durée. Des Etats-Unis à la Chine en passant par l’Inde, le Japon ou l’Espagne, les sociétés savantes dédiées à la ménopause préconisent d’ailleurs depuis 2022 ce type de traitement, mais pas en France. La faute à des idées reçues que Michel Mouly s’attache à démonter méthodiquement, études et méta-analyses à l’appui, pour mieux expliquer pourquoi les femmes devraient se prémunir de problèmes liées à l’âge avec un traitement hormonal adaptée à chacune d’entre elles. De quoi susciter au moins le débat.


Source : infirmiers.com