Allons médecins de la patrie..., de Elisabeth Ségard (éditions du Rocher)
Opérant sur les champs de bataille, la médecine militaire a du innover pour soigner et sauver les soldats. Son histoire est celle de praticiens inventifs qui ont fait franchir des paliers à la médecine, de la chirurgie à la psychiatrie. Un apport méconnu bien qu'il ait profité aux civils.
Voici un plaidoyer qui peut sembler inattendu. La première surprise en a d'ailleurs été son auteure, la journaliste Elisabeth Ségard qui a découvert par hasard, lors de l'écriture d'un roman sur l'hôpital des Invalides, l'importance de la médecine militaire. Elle souhaite aujourd'hui lui rendre hommage en rappelant son apport capital par beaucoup oublié, bien que des hôpitaux portent les noms de certains de ces grands praticiens qui comme Laborit ou Laveran ont permis à la médecine de réaliser des avancées majeures. Se pencher sur la médecine militaire, c'est en fait remonter aux sources de la médecine moderne que l'on pourrait dater du 17 janvier 1708 avec la signature par Louis XIV du décret fondateur du Service de santé des armées, un nouveau corps destiné à accompagner les régiments en campagne. On passe alors « du charlatan moqué par Molière, du barbier exerçant dans les foires, à un technicien formé et encadré », tandis que « le blessé ou le malade n'est plus un rebut de la société que l'on isole ou que l'on jette dans un mouroir, mais devient un objet de soin et la raison d'être de ces nouveaux professionnels », comme le souligne Elisabeth Ségard.
La guerre a été un véritable laboratoire pour la médecine. Elle lui a imposé de franchir des paliers en trouvant des solutions sur le font comme à ses abords. Par exemple avec l'invention emblématique de l'ambulance en 1792 par un jeune chirurgien, Dominique Larrey, qui eut l'idée de transporter les blessés en les évacuant du champs de bataille alors que l'on avait jusque là pour consigne de ne les ramasser qu'au lendemain des combats. Le premier conflit mondial apporta quant à lui la transfusion sanguine et suscita des progrès considérables en chirurgie ou en stomatologie. Les apports de la médecine militaires sont également majeur en épidémiologie, avec notamment une victoire par KO contre la typhoïde, tout comme pour le soin des blessures psychiques avec la naissance des cellules d'urgence médico-psychologiques ou la découverte des neuroleptiques. De la pharmacie à la santé publique en passant par les origines de la sécurité sociale, c'est finalement sur un très vaste champ d'opération que cette médecine a œuvré et innové pour faire face aux impératifs du terrain. Elle a même sauvé autant de soldats que de civils, sans que ses praticiens bénéficient d'une juste reconnaissance. Ce livre y pallie en étant d'abord un plaidoyer pour les soignants de la médecine militaire, sans oublier ses infirmiers.
Et aussi...
Accompagner le patient chronique
Se former à l'éducation thérapeutique du patient, de Patrice Deconstanza (éditions Chronique Sociale)
Souffrir d'une maladie chronique change les règles d'une vie. Par son incurabilité, elle devient une part de l'identité du malade qui va devoir apprendre à vivre avec. C'est précisément le but de l'éducation thérapeutique du patient (ETP). Ancien infirmier formant aujourd'hui des professionnels de santé, Patrice Deconstanza donne la recette de cette pédagogie centrée sur un apprentissage qui vise avant tout à apporter de l'autonomie. Les points clés de la formation en ETP sont exposés de façon très concrète pour le futur praticien ou soignant, et est également présenté le détail d'un programme spécifique aux troubles psychiques. L'ouvrage montre surtout comment l'ETP conduit à changer de paradigme car il ne suffit plus de soigner une maladie mais de prendre soin de son porteur dans le temps long en intégrant des dimensions psycho-sociales. Particulièrement dans le domaine psychiatrique, la démarche peut relever de la réhabilitation et le rôle des malades s'avère primordial pour aboutir à des décisions partagées résultant d'un travail de groupe qui bénéficiera grandement de l'intégration dans les équipes soignantes de patients intervenants et même de pairs aidant devenus professionnels. Bien qu'inscrite dans la loi, l'ETP demeure relativement peu dispensée. Patrice Deconstanza souligne son importance et livre des pistes pour la développer en améliorant notamment le rôle de ces patients intervenants.
Débat
La Santé à vif, de Jean de Kerasdoué (éditions humenSciences)
Face la crise de notre système de santé qui atteint aujourd'hui un stade plus que critique, chacun convient désormais qu'une réforme profonde s'impose. Mais laquelle ? Economiste de la santé et ancien directeur général des hôpitaux, Jean de Kerasdoué apporte sa contribution à un débat devenu aussi urgent que nécessaire. Fort de décennies d'étude d'un système jugé « vermoulu », il invite d'abord à sortir de l'angélisme et d'une bataille de mots qui en misant sur l'émotionnel entretient surtout des intérêts économiques et corporatistes. Il pointe à la fois une médecine de ville faussement libérale et un hôpital victime d'un état trop centralisateur. Avec un diagnostic à la fois national et local, il prône une adaptation de l'offre de soin qui commencerait par reconnaître ses trop grandes inégalités afin de mieux les combattre. L'Etat devrait selon lui être planificateur et pas bureaucrate, et les soignants respectés dans leur qualification et pas occupés par de la paperasse. Jean de Kerasdoué rappelle que les enjeux sont connus (inégalité des territoires, gestions des innovations, paiement à l'acte, recherche médicale française en baisse...) mais aussi certaines solutions comme la formation de 4000 infirmiers de pratique avancée pour seconder les médecins dans le suivi des patients. Il manquerait surtout du courage et la volonté de se lancer sans plus tarder dans cette profonde réforme dont la mise en œuvre prendra de longues années.