Lors de la période pré-électorale de 2022, de nombreux acteurs et observateurs ont profité de l’occasion pour mettre en lumière leurs idées, leurs travaux, voire leurs croyances, dans le but de peser sur le scrutin présidentiel. Frédéric Bizard, fondateur de l’Institut Santé était de ceux-là et avait publié alors un ouvrage intitulé « L’Autonomie solidaire en Santé », et qui résonne encore plus aujourd’hui.
Vers un nouveau modèle de santé solidaire
Le système de Santé français fait souvent l’objet de velléités d’évolutions, voire de révolutions, qui ne sont mues que par des ambitions personnelles ou corpusculaires et qui sont souvent vides de sens. Pour Frédéric Bizard en revanche, il n’est qu’un « seul modèle de santé viable qui répondra aux enjeux du XXIe siècle tout en respectant les fondamentaux de notre culture et en y intégrant l’ensemble des acteurs existants. » Il tente, dans son ouvrage, de démontrer comment la santé peut créer de la richesse, contribuer à réduire les inégalités sociales et devenir un enjeu géopolitique.
Mais quels sont les critères majeurs pouvant influer sur une refonte globale du système ?
Des déterminants de santé en lieu et place des déterminants médicaux
Le fondateur de l’Institut Santé a tout d’abord axé sa réflexion sur la prise en compte des déterminants de santé non médicaux, en plus des déterminants médicaux, pour une approche transversale aussi bien sur le plan politique que scientifique. Cette approche, que l’on peut rapprocher du « care », est très largement évoquée dans le milieu sanitaire depuis quelques années, faisant appel aux notions de prévention, de prédiction ou de personnalisation notamment. Cette évolution passe en outre, selon l’auteur du livre, par l’intervention plus marquée en Santé publique des collectivités territoriales. Il parle ainsi de « réorganisation du triptyque gouvernance-financement-organisation ... pour accompagner ce virage vers le capital humain en santé ».
Une approche populationnelle et préventive dans chaque territoire
Ce nouveau modèle social se propose d’autre part de sortir du système de l’offre de santé pour baser la production de Santé sur les besoins des populations, et donc sur la demande, selon une approche populationnelle et préventive. Il donne une place centrale au territoire, nouvelle base d’évaluation de cette demande, pour une adaptation réelle aux besoins individuels induits notamment par l’environnement socio-économique de la personne. Nous avons déjà entendu ce type de raisonnement à l’occasion du Rapport « Investir pour la Santé de tous, partout » qui commentait les budgets alloués aux investissements industriels dans le cadre du Ségur de la Santé. Mais l’Institut Santé va plus loin, notamment par la mise en place d’un contrat thérapeutique pour les patients faisant l’objet d’une affection de longue durée dans le but de « créer un écosystème personnalisé de ressources humaines, techniques et technologiques pour gérer le parcours du patient ».
Des critères de démocratie sanitaire à préciser
Le troisième et dernier support du nouveau modèle inventé par l’Institut Santé place le patient usager au centre d’un « processus de démocratisation avancée », informé et responsable de sa santé, et qui devient un acteur à part entière du système de santé. Il décrit alors, et de façon contradictoire à notre goût, un patient qui acquiert un statut de professionnel de santé, « en tant que représentant, formateur, pair-aidant ou médiateur de santé ». Nous sommes curieux de savoir comment un statut de professionnel de Santé peut être attribué à un patient, aussi expert médiateur qu’il puisse être. Cela réduit d’autant la reconnaissance, et donc l’influence, des authentiques professionnels de Santé, dans ce modèle qui leur donne d’autre part une place dans la prise de décisions et l’organisation de ce que l’auteur appelle la « démocratisation des institutions de gouvernance, dont la sécurité sociale et les établissements de santé ».
Un changement de paradigme pour une partie de la population
En définitive, mis à part ce dernier point d’achoppement qui mérite une explication plus poussée sans doute, ce nouveau modèle apparaît comme la voie à suivre pour assurer la pérennité du système de Santé à moyen terme. Il restera à régler un problème culturel majeur en France, qui se perpétue depuis des dizaines d’années, et selon lequel, la Santé étant considérée comme gratuite, le « j’y ai droit donc j’en profite » est encore très répandu et favorise la non pertinence des soins. Il faudra certainement initier un gros travail d’information afin que tous les patients adhèrent à ce changement de paradigme, deviennent responsables, solidaires, vraiment acteurs de leur parcours de soins et que la Santé puisse enfin être « considérée comme une source de bien-être social, de réduction des inégalités sociales, de développement économique, d’autonomie et de dignité des personnes et de pouvoir géopolitique », comme l’espère Frédéric Bizard.
L’Autonomie solidaire en Santé - La seule réforme possible !
Frédéric Bizard
Éditions Michalon
Octobre 2021, 288 pages.