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A voir – "Lève toi et marche" : l'hospitalisation racontée par un patient

Publié le 09/08/2016

Août 2014. De retour à Paris après avoir vécu deux années au Chili, Matthieu Firmin, journaliste reporter d'images, s'apprête à commencer un nouveau travail lorsqu'il est victime d'un accident vasculaire dans la moelle épinière (un hématome extra- médulaire). A 39 ans, il devient subitement paraplégique. Cette "expérience", cette "dinguerie", ce "changement de vie", pour reprendre ses mots, l'immerge malgré lui dans l'univers des services hospitaliers et des soins. Dans son documentaire "Lève toi et marche", il raconte ses 14 mois d'hospitalisation marquée par de belles rencontres, la découverte de l'hôpital et un long travail sur lui-même pour retrouver l'usage de ses jambes.

Dans son documentaire "Lève-toi et marche", Matthieu Firmin raconte son combat contre le handicap.

Matthieu a accepté de témoigner sur ce qu'est devenu son quotidien, deux ans après son accident vasculaire. Dans une interview, il nous raconte ce qu'est devenue sa vie aujourd'hui et ce qu'il retient de ses 14 mois d'hospitalisation...

Infirmiers.com : Matthieu, comment allez-vous aujourd'hui ? Où en êtes-vous deux ans après votre accident vasculaire ?

Matthieu Firmin : J'ai gardé d’important troubles vésico-sphynctériens. Je continue à me sonder quotidiennement. Aujourd'hui, j'ai une vessie hyper active qui met en danger mes reins. En ce moment, les médecins essayent de régler ce problème par des injections de botox dans ma vessie. J'ai donc des fuites urinaires et de selles car j'ai perdu le contrôle de mon sphincter anal. Enfin, ma sexualité reste très perturbée.

Ces séquelles sont dures à vivre puisqu'elles entravent mon retour à une vie complètement « normale ». La première année qui a suivi mon accident vasculaire a été plus facile à vivre psychologiquement. La deuxième a été plus difficile car, même si j'ai retrouvé l'usage de mes jambes, les séquelles que j'ai gardées affectent mon intimité et mon estime de soi. Elles sont compliquées à vivre et difficiles à accepter.

Du point de vue de la mobilité, je continue à évoluer à partir du moment où je fais de l'exercice régulièrement. J'arrive à marcher sans trop boiter, à trottiner une vingtaine de minutes et à me balader en montagne. Par contre, dès que j'arrête de pratiquer une activité physique, mes progrès régressent. La spasticité (raideur musculaire) de mes jambes augmente. Je me rends donc trois fois par semaine dans une salle de sport pour faire du vélo elliptique notamment.

Infirmiers.com : Quel bilan faîtes-vous de votre hospitalisation ?

Matthieu Firmin : J'ai passé 14 mois à l'hôpital, quatre à temps complet et dix en hospitalisation de jour. Jusqu'alors, je n'avais jamais été confronté à l'univers hospitalier. Pour moi, ça a été un vrai choc positif de découvrir le travail des aides-soignants et des infirmiers. Je me suis rendu compte de l'investissement de ces professionnels qui étaient quasiment tous des femmes de 25 ans environ. A côté d'elles, avec mes 40 ans, j'étais presqu'un vieillard. J'ai été impressionné par la maturité qu'il faut avoir pour exercer ce métier. A 25 ans, elles sont quand même confrontées à des pathologies très lourdes avec une charge de travail importante, des horaires difficiles, des contraintes physiques car il faut porter les patients... Ces aides-soignants et infirmiers réalisent des choses pas très agréables : des sondages, des changes, des toilettes… Et leurs patients ont leur âge pour la plupart. Il n'y a pas énormément de gestes techniques. Ce n'est pas comme dans un service de réanimation où les actes sont variés. Les responsabilités qu'ont les infirmières sur leurs épaules sont énormes. C'est vrai qu'on ne s'en rend pas compte. Je ressens une forte admiration pour elles.

Et la relation qu'on noue avec les infirmiers, les kiné, les aides-soignants est particulière. Ils deviennent presque des copains par moment. On se tutoie, on blague, on s'engueule parfois… J'ai d'ailleurs gardé contact avec certains d'entre-eux. Ils sont venus à la projection de mon documentaire. Et j'ai participé à un stage de ski organisé par l'équipe soignante de l'hôpital Raymond Poincaré (AP-HP) pour les paraplégiques. Aujourd'hui, on continue à se voir régulièrement.

Enfin, je suis fasciné par l'efficacité de notre service public hospitalier, même s'il y a plein de difficultés, de dysfonctionnements en termes de charge et de lourdeur de travail, et que le travail est très compliqué pour les soignants.

Il y avait des infirmières de 25 ans et j'ai été impressionné par leur maturité.

Infirmiers.com : En réalisant ce documentaire, quel a été votre principal objectif ?

Matthieu Firmin : Dès le premier jour de mon hospitalisation, j'ai eu le réflexe de prendre mon téléphone et de commencer à me filmer, sûrement à cause de mon métier de journaliste. Je n'ai pas réfléchi. Petit à petit, j'ai réalisé qu'il s'agissait de l'aventure la plus exceptionnelle de ma vie et qu'il fallait que j'en laisse une trace. L'objectif a été de tenir un journal de bord dans un premier temps pour mes parents, mes amis et moi. Puis, j'ai rencontré Adrien, Cédric, Brice et Marius à Garches. Et c'est en constatant la vie qu'il y avait dans les couloirs, l'ambiance qu'il y avait entre nous que mon objectif a évolué. Je voulais aussi montrer la joie de vivre de mes compagnons de couloir. Je me suis dit qu'il fallait absolument que je raconte tout ça dans un documentaire. C'était très important pour moi car ça donnait du sens à ce qui m'arrivait et ça me maintenait la tête hors de l'eau. J'avais devant moi une histoire incroyable et quand on est journaliste, on se doit de la raconter.

Mais l'objectif principal de ce film était de montrer que derrière le fauteuil, il y a énormément de choses méconnues : le sondage, les escarres, les chutes de tension artérielle pour les tétraplégiques… Le fauteuil n'est que la partie visible du handicap. La journée, on ne se préoccupe pas de savoir si on va pouvoir monter un trottoir. On se demande surtout si on a bien fait son sondage, si on n'est pas en train de développer une infection urinaire, si cette rougeur est un début d'escarre… Pour moi, il fallait absolument en parler car c'est le plus important.

Infirmiers.com : Justement, que sont devenus Brice, Marius, Cédric et Adrien ?

Matthieu Firmin : Nous sommes tous restés en contact. Brice est parti vivre à Périgueux pour être auprès de son fils. Il a réussi à acheter un appartement adapté à sa perte de mobilité. Il a décidé de profiter de la vie. Marius a quitté l'hôpital en février dernier. Il s'est trouvé un appartement et s'est acheté une roue motorisée qui lui permet de retourner se promener en forêt. Il était élagueur avant son accident et a du mal à faire des projets professionnels. Cédric a quitté l'hôpital cette semaine. Il a également trouvé un appartement en région parisienne. Petit à petit, il va devoir se réadapter à la vie post hospitalisation. Adrien vit chez ses parents. Je l'ai rencontré à l'hôpital Raymond Poincaré alors qu'il devait subir une opération aux bras consistant à greffer un morceau de ses biceps sur ses triceps.

Pour tous, il est très compliqué d'envisager une vie professionnelle. Ils ont passé un à deux ans à l'hôpital. Ils souhaitent avant tout vivre avant de penser à l'aspect professionnel.

Le fauteuil n'est que la partie visible du handicap.

Infirmiers.com : Après avoir vécu pendant des mois dans cet espèce de "cocon hospitalier", comment avez-vous vécu votre sortie ?

Matthieu Firmin : A ma sortie, je suis devenu très vigilant, notamment concernant mes sondages. Partout où je vais, je dois penser à avoir des sondes sur moi. J'ai recommencé à voyager, mais uniquement dans les grandes villes, là où je suis sûr de pouvoir obtenir une assistance médicale si besoin. Encore aujourd'hui, je crains de m'aventurer dans des endroits retirés qui m'étaient autrefois accessibles.

Durant mon hospitalisation, j'ai fait une embolie pulmonaire. Je dois donc faire très attention lorsque je prends l'avion et m'injecter des anticoagulants avant. A terme, mon objectif ultime serait de pouvoir retourner dans des zones isolés du monde.

Infirmiers.com : Comment votre famille vit-elle ce changement de vie ?

Matthieu Firmin : Ma femme est très solide. Elle absorbe tout. Lorsque j'ai eu mon accident vasculaire, elle a dû gérer mon hospitalisation ainsi que l'entrée à l'école de notre fils Esteban. Ce n'est qu'aujourd'hui, donc deux ans après, qu'elle un accuse un peu le coup au niveau de la fatigue.

Quant à Esteban, je pense qu'il a vécu cet événement naturellement. Aujourd'hui, il pose davantage de questions. Depuis le début, je ne lui cache rien et lui explique tout à son niveau. Ma femme et moi sommes convaincus qu'il ne garde aucun mauvais souvenir de tout ce qui s'est passé...

Regarder le documentaire "Lève-toi et marche" (inscription gratuite en ligne)

Les responsabilités qu'ont les infirmières sur leurs épaules sont énormes (...). Je ressens une forte admiration pour elles.

Qui est Matthieu Firmin ?

Formé comme journaliste à l’Agence France Presse au desk Afrique & Moyen-Orient après une maîtrise d’histoire à la Sorbonne, Matthieu Firmin intègre ensuite le service étranger de France Soir puis s'oriente vers la TV en devenant journaliste-réalisateur, majoritairement pour l’agence CAPA. Il réalise des sujets pour Reportages (TF1), Envoyé Spécial (France 2), Des Racines et des Ailes (France 3)… Plus tard, il rejoint l'agence Tac Presse en tant que JRI et travaille pour des émissions telles que Spécial Investigation (Canal+) ou Envoyé Spécial (France 2). Sa bougeotte le propulse sur le continent sud-américain. Il passera deux ans au Chili pour les besoins de l'émission les Routes de l’impossible (France 5). De retour en France, il devient rédacteur en chef du site média Spicee et participe à sa création.

Source : spicee.com

Propos recueillis par Gwen HIGHT  Journaliste Infirmiers.comgwenaelle.hight@infirmiers.com@gwenhight


Source : infirmiers.com