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PSYCHIATRIE

A voir - 12 jours : au coeur de l'internement d'office

Publié le 29/11/2017
12 jours affiche film

12 jours affiche film

Santé Mentale

Santé Mentale

soignant couloir hopital

soignant couloir hopital

Depuis la loi du 27 septembre 2013, les patients hospitalisés sans consentement en psychiatrie doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours, puis tous les six mois si nécessaire. Auparavant, seul le psychiatre décidait de l'hospitalisation sous contrainte d'un individu. Raymond Depardon a donc posé sa caméra à l'hôpital du Vinatier, à Bron, qui organise deux fois par semaine des audiences publiques présidées tour à tour par quatre juges des libertés. Dans ce monde de la folie, autant de moments, de paroles et d'émotions nous sont livrées dans une humanité bouleversante.  

« Quand on prescrit une hospitalisation sous contrainte, et que l'on dit à notre patient qu'il va rencontrer un juge, souvent il répond : mais je n'ai rien fait »

Le réalisateur Raymond Depardon et son équipe sont les premiers à filmer la mise en application de cette loi des 12 jours relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Rappelons en effet que grâce à l’arrivée du juge des libertés dans l’institution psychiatrique, la parole autrefois réservée aux seuls psychiatres devient publique. Le juge entend le patient, non pas comme malade mais comme citoyen. Il ne va pas plus loin, souligne la psychiatre Natalie Giloux. Ce qui est intéressant, c'est de voir que la parole de ces patients n'est pas qu'insensée, elle est souvent forte, émouvante. Le patient fait part de l'épreuve de sa maladie, des soins, de ses espoirs. Cela détruit l'idée ou les pré-suposés qu'ils n'ont pas grand-chose à dire.

Parole de patients : « Je suis fou. J'ai la folie d'un être humain… »

La réalité de l'hospitalisation sous contrainte est loin d'être anecdotique. Chaque année, il y a en France environ 92 000 mesures d’hospitalisations psychiatriques sans consentement (soit 250 personnes par jour) rappelle le réalisateur qui a filmé 72 audiences au cours du tournage. Depuis 10 ans, ont peut parler d'un doublement de ces hospitalisations sans consentement, accompagnées d'une multiplication des pratiques d'isolement et de contention . Dans ce contexte, la Haute autorité de santé (HAS) a diffusé en début d'année des recommandations sur l'isolement et la contention, préconisant de n'utiliser ces mesures qu'en dernier recours en cas d'échec des autres mesures alternatives.

Raymond Depardon a utilisé trois caméras pour ce film/documentaire : l’une pour le patient, l’autre pour le magistrat et une troisième pour un plan général. Ces axes de prise de vue permettent de donner une équidistance entre le patient et le magistrat, pour ne pas imposer un point de vue dominant et laisser le spectateur libre de se faire sa propre opinion. explique-t-il. Au final, le film/documentaire permet de suivre 10 patients. D’un côté un juge, de l’autre un patient, entre eux un dialogue sur le sens du mot liberté, de la folie et de la vie. La psychiatre Natalie Giloux, l'explique : quand on prescrit une hospitalisation sous contrainte, et que l'on dit à notre patient qu'il va rencontrer un juge, souvent il répond : « mais je n'ai rien fait ».

Parole de patient : « Il y avait 12 personnes autour de moi, en cinq minutes je n'avais plus rien, plus de montre, plus rien… »

Avec 12 jours, Raymond Depardon tente de donner un point de vue universel et nouveau sur le problème complexe de la santé mentale. Nous sommes sortis grandis de ce film qui donne la parole à ceux qui sont momentanément enfermés dans leur esprit et en ont perdu l’usage. Ces personnes vulnérables témoignent de leur histoire intime. Notre force c’est notre naïveté, nous ne sommes spécialistes de rien, nous tentons simplement de rester à l’écoute de restituer des moments, des paroles, des émotions. Le réalisateur a également tenu à créer un temps suspendu en filmant des plans de l’hôpital à l’intérieur des services et à l’extérieur où les malades circulent librement entre les pavillons.

Regarder la bande-annonce de 12 jours

12 jours, un film de Raymond Depardon, sortie nationale au cinéma le mercredi 29 novembre 2017.

« Pour restreindre l'isolement et la contention »

Le dernier numéro de la revue Santé Mentale (n°222, novembre 2017) a choisi comme thématique de dossier « l'isolement et la contention ». En effet, souligne l'avant-propos, l’isolement, et surtout la contention, font émerger de réelles questions éthiques, organisationnelles et cliniques. Ces mesures compromettent en effet souvent l’alliance thérapeutique et retardent le rétablissement. Mais, dans un contexte hospitalier « tendu », elles restent parfois nécessaires. Comment certaines équipes parviennent-elles à orienter leurs pratiques vers des alternatives plus humaines, pour les patients et les soignants ? Les auteurs qui interviennent dans ce dossier, fins cliniciens, partagent leurs expériences et leurs arguments cliniques pour ne pas isoler et/ou attacher un patient, avec en ligne de mire un changement de pratiques, une formation enrichie et l'éclairage de la recherche. Les 50 pages du dossier sont illustrées par un reportage photographique de Sylvie Legoupi dont nous avons nous aussi souvent valorisé le travail. La série présentée dans ce numéro a été réalisée au Centre psychothérapeutique de l'Ain, dans l'unité pour adultes Chamoise, en septembre dernier. Elle en rapporte un reportage magnique et émouvant où, sans nier la souffrance ni la dureté des lieux, montre toute l'intensité des rapports humains qui s'y déploient. Bienveillance, bientraitance et humanité… son travail rend hommage à la dimension humaine et affective du travail en psychiatrie, dans sa juste distance. 

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com