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IADE

Utilisation du MEOPA

Publié le 28/04/2009

Historique

C'est en 1772, que le pasteur anglais Joseph PRIESTLEY découvrit le protoxyde d'azote qu'il baptisa "gaz hilarant". Il mourut sans avoir pu appliquer les vertus anesthésiques de sa découverte chez l'homme.

Ce n'est que 12 ans plus tard qu'un dentiste, Horace Wells, utilisa le protoxyde d'azote comme anesthésique pour arracher les dents de ses patients après l'avoir expérimenté sur lui-même.

Le protoxyde d'azote était obtenu par distillation de nitrate d'ammoniaque et conservé sous forme liquéfiée dans un gazomètre.

En 1879, Paul Bert proposa pour la première fois de l'associer à l'oxygène pour éviter les effets secondaires dus à l'hypoxie.

En 1961, l'anglais TUNSTALL réalisa le premier mélange stable d'oxygène et de protoxyde d'azote à 50 % qu'il appela ENTONOX. Ce qui montre bien que le MEOPA n'a de récent que la dénomination…

En France, malgré une utilisation régulière en pédiatrie depuis les années quatre-vingt, ce n'est que le 15 novembre 2001 qu'une autorisation de mise sur le marché (AMM) a été délivrée au mélange équimolaire oxygène - protoxyde d'azote ou MEOPA, après avoir bénéficié d'une autorisation temporaire d'utilisation en mars 1998.

Le 30 novembre 2009, un nouvel AMM reclasse le MEOPA dans la catégorie des médicaments réservés à l’usage professionnel : ce mélange gazeux peut donc être distribué aux professionnels de santé concernés et formés à son utilisation (notamment les chirurgiens dentistes libéraux) mais pas directement aux patients (par contre il pourra être stocké chez eux si besoin).

Le MEOPA

Actuellement, environ 50% des services d'urgence utilisent le MEOPA.

Celui-ci est stocké dans une bouteille blanche et bleue de 5 litres (marquage conventionnel) remplie à 170 bars (soit 1,5 m3 de gaz). Il existe également des bouteilles de 20 litres (soit 6 m3 de gaz).

La bouteille contient un mélange gazeux tout préparé, équimolaire, d'oxygène et de protoxyde d'azote, stable si la température est supérieure à - 13 °C.

Dénominations

  • ANTASOL® 135, gaz pour inhalation, en bouteille (Laboratoires Sol France)
  • ENTONOX® 135 bar, gaz pour inhalation, en bouteille (Linde Healthcare)
  • OXYNOX® 135, gaz pour inhalation, en bouteille (Laboratoires Air Products SAS)
  • KALINOX® 170 bar, gaz pour inhalation, en bouteille (Air Liquide Santé France)

Indications

Ce sont surtout les actes douloureux de courte durée (inférieur à 45 min) chez l'enfant mais aussi chez l'adulte, comme toute ponction chez l'enfant (pose d'une voie veineuse périphérique, ponction artérielle, lombaire, réalisation d'un myélogramme …), comme la réfection d'un pansement chez le brûlé, la pose de points de suture, la réduction de fracture (ou de luxation périphérique) simple, l'ablation d'un corps étranger (écharde, hameçon...) ou la réalisation d'une infiltration articulaire.

Sont également des indications à l'utilisation du MEOPA, l’analgésie lors de la mobilisation d'un membre fracturé lors de la pose d'une attelle, lors de la réalisation de radios ou d'un examen clinique par un médecin ; le transport de patients douloureux en SMUR

Il est à noter que ce mélange gazeux est aussi indiqué en obstétrique, en milieu hospitalier exclusivement, dans l’attente d’une analgésie péridurale, ou en cas de refus ou d’impossibilité de la réaliser.

Sédation lors de soins dentaires, chez les enfants, les patients anxieux ou handicapés.

Pharmacologie

Concernant les propriétés pharmacologiques, il faut retenir que :

L'absorption et l'élimination sont rapides (3 min), exclusivement pulmonaires et sans métabolisme par l'organisme.

A cette concentration (50%), le protoxyde d'azote ne possède pas d'effet anesthésique, il n'y a donc pas d'hypoxie, ni de dépression respiratoire ou de perte de conscience induites.

L'effet analgésique est d'intensité variable selon l'état psychique des patients : Le N2O agirait au niveau des récepteurs morphiniques, soit directement, soit en libérant des médiateurs opiacés. Il stimule la sécrétion des endomorphines. Son effet dure tant que l'inhalation se poursuit. Le réflexe de déglutition est maintenu.

Sur le système nerveux, le MEOPA provoque la diminution de la fonction corticale et modifie les sensations entraînant une diminution de l'audition, du goût, de l'odorat et de la sensibilité à la douleur, au toucher, à la pression, à la température. Il induit également, chez le patient, une relaxation générale, une anxiolyse, une amnésie et parfois une euphorie.

Effets secondaires

Comme tout médicament, le MEOPA peut provoquer des effets secondaires, en fait plutôt des effets indésirables comme des nausées (qui sont sans incidence clinique car les réflexes laryngés sont présents), une agitation (à cause d'un effet antalgique insuffisant ou d'un effet paradoxal comme décrit avec tous les produits sédatifs et anxiolytiques chez l'enfant), une angoisse (chez la personne qui se sent " partir ") ou au contraire de l'euphorie (due aux nouvelles sensations sensorielles procurées par l'inhalation de MEOPA).

Parfois peuvent survenir une perte de contact verbal, des paresthésies (picotements, fourmis) au niveau buccal, et exceptionnellement une bradycardie ou une désaturation avec au pire une apnée.

Ce qu'il faut souligner, c'est que ces effets secondaires sont rares (moins de 3 %) et rapidement réversibles dès l'arrêt de l'administration. Ils surviennent surtout en cas d'inhalation prolongée (au-delà de 40 min).

Par contre, il faut savoir qu'ils sont majorés par l'association de morphiniques et de benzodiazépines et également chez l'enfant de moins de 1 an.

Contre - indications

Les contre-indications sont peu nombreuses et sont liées à la grande capacité de diffusion du protoxyde d'azote dans les espaces organiques clos, ce qui majore les volumes et les pressions.

Il s'agit en premier lieu de l'hypertension intracrânienne, des troubles de la conscience et du traumatisé crânien non évalués.

Il est également contre-indiqué chez les patients ayant un pneumothorax non drainé, de l'emphysème, une embolie pulmonaire, une distension gastrique ou abdominale, un traumatisme maxillo-facial, nécessitant une ventilation en oxygène pur, ayant eu un accident de plongée.

Pour finir, la température ambiante ne doit pas être inférieure à -5° C (sinon le mélange se dissocie).

Administration

L’administration doit être faite dans des locaux adaptés, par un personnel médical ou paramédical spécifiquement formé et dont les connaissances sont périodiquement réévaluées. Les personnes habilitées à faire inhaler du MEOPA sont les médecins anesthésistes et les IADE, les médecins urgentistes, les IDE et les chirurgiens dentistes après avoir reçu une formation théorique et pratique. Le personnel paramédical le faisant sur prescription médicale et/ou en application d'un protocole de service écrit.

L’administration nécessite une surveillance continue du patient. La présence d’une tierce personne est recommandée. L’administration doit être faite dans des locaux adaptés

Il faut absolument expliquer au patient la technique qui va être utilisée afin de le convaincre, de le mettre en confiance et de le rassurer. Il faut insister sur le fait que l'inhalation ne fait pas dormir mais qu'elle peut induire des sensations bizarres comme une envie de rire et qu'elle permet de diminuer très fortement la douleur.

Il faut toujours privilégier l'auto administration par le patient lui-même. Le masque ne doit jamais être appliqué de force sur le visage mais au contraire accepté spontanément.

Le matériel nécessaire est le suivant :

Une bouteille équipée d'un manodétendeur spécifique permettant de connaître la pression résiduelle dans la bouteille et de régler un débit entre 1 et 15 litres par minute.

Le système utilisé pour faire inhaler le MEOPA comprend un dispositif homologué ( avec ballon souple d'anesthésie muni d'une valve anti-retour et dont le volume sera adapté au poids du patient) et qui sera relié au manodétendeur par un tuyau flexible.

Un filtre antibactérien sera intercalé entre la valve et le masque facial ou nasal qui sera choisi parfumé pour les enfants (ce qui en facilitera grandement l'acceptation). Ceci permet de réutiliser 15 fois le circuit patient.

En pratique

  • Ouvrir lentement et complètement (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) le robinet de la bouteille, puis le refermer d'un quart de tour.
  • Régler le débitmètre selon la ventilation minute du patient pour que le ballon soit toujours rempli.
  • Demander à la personne d'appliquer le masque sur son visage (l'aider ou le faire pour elle) et de respirer normalement tout en essayant de gonfler le ballon pour le faire " exploser ". Le masque doit être appliqué de façon étanche sur le visage afin de limiter les fuites et d'obtenir l'effet optimal le plus rapidement possible.
  • Attendre 3 à 5 min avant de débuter un geste douloureux, délai nécessaire pour obtenir un effet significatif.

La surveillance du patient est primordiale pour dépister et éviter tout effet secondaire préjudiciable au patient. Elle est essentiellement clinique et consiste à dépister tout trouble de la conscience par maintien du contact verbal, tout trouble de la ventilation en mesurant la fréquence respiratoire et en observant la coloration du patient. La mesure de la saturation en oxygène est fortement recommandée mais non obligatoire car le mélange est hyperoxique. L'évaluation de la douleur doit également être faite.

Pour terminer, en fonction des protocoles de l'hôpital, ne pas oublier de remplir si besoin le relevé nominatif d'utilisation du MEOPA qui sera retourné à la pharmacie avec la bouteille vide.

Précautions d'emploi

Pour utiliser le MEOPA en toute sécurité, des précautions doivent être respectées :

Le matériel d'urgence, et notamment celui nécessaire à une ventilation artificielle, doit être vérifié et à portée de main, le temps d'inhalation continue ne doit pas dépasser 1 heure.

Manipulation des bouteilles :

  • Dans une pièce ventilée (des cas de diminution de la fertilité ont été rapportés chez le personnel médical ou paramédical lors d’expositions réitérées et dans des locaux mal ventilés)
  • Stockage vertical et administration à température ambiante (en dessous de 0°C il peut apparaître une séparation des deux gaz exposant au risque d’hypoxie)
  • Maintenir les bouteilles solidement arrimées pour les protéger des risques de chocs et de chutes
  • Mélange comburant : ne pas fumer, ne pas approcher d’une flamme, ne pas graisser
  • Laisser une pression résiduelle de 10 bars minimum dans la bouteille pour permettre un nouveau remplissage ultérieur.

En cas d’administration répétée, le traitement est limité à 15 jours. Il est également recommandé de supplémenter le patient en vitamine B12.

Les patients ne doivent pas conduire ou utiliser des machines avant un retour à l’état de vigilance normal.

Une administration prolongée et/ou répétée peut entraîner la survenue d'abus ou de dépendance.

En outre, compte-tenu de l’ensemble des risques liés à l’utilisation des spécialités à base de MEOPA, l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) conditionne leur mise à disposition en dehors des établissements de santé à la mise en application d’un plan de gestion des risques (PGR) national commun.

Il repose sur un engagement des laboratoires à la mise en place des mesures de gestion et de minimisation des risques suivantes :

  • la réalisation d’une surveillance de pharmacovigilance et de pharmacodépendance renforcée avec :
  • l’incitation des professionnels de santé à notifier les effets indésirables, les cas d’abus, de pharmacodépendance, d’usage détourné et de mésusages liés à l’utilisation du MEOPA
  • pendant les deux premières années, la transmission semestrielle à l’Afssaps des rapports périodiques actualisés de Pharmacovigilance accompagnés de la synthèse française des cas rapportés, du bilan des consommations et des conditions d’utilisation du produit ;
  • la sécurisation et la traçabilité de la distribution et de la récupération, avec notamment la vérification à la commande de la qualité et de la formation du demandeur ;
  • la sécurisation et traçabilité de l’utilisation : volumes des bouteilles limité à 5L et sécurisation des bouteilles ;
  • la réalisation d’un plan de formation des professionnels : médecins, pharmaciens et personnel soignant ;
  • la mise à disposition d’un document d’information destiné aux patients (en cas de stockage à domicile).

Par ailleurs, l’AFSSAPS a mis en place un suivi national de pharmacovigilance et de pharmacodépendance.

L’AFSSAPS rappelle que tout effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être lié à l’usage de ces gaz médicaux doit être déclaré par les professionnels de santé au Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) de rattachement géographique.

De même, tout cas grave d’abus ou de pharmacodépendance doit être déclaré par les professionnels de santé au Centre d’Évaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance et d’Addictovigilance (CEIP-Addictovigilance) dont ils dépendent.

Limites d'utilisation

La puissance du MEOPA est faible mais elle contribue à sa sécurité d'utilisation.

Il existe environ 10 % d'échecs avec cette méthode, liés surtout à l'angoisse et à l'appréhension du patient et nécessitant un recours à une autre technique d'analgésie.

De plus, cette technique ne peut pas être employée chez des patients agités car une bonne coopération du patient est requise.

D'autre part, chez les enfants de moins de 3 ans, les effets sont légèrement moins marqués.

Conclusion

Le MEOPA permet de réaliser une analgésie rapide et efficace après seulement 3 minutes d'inhalation, une analgésie sécurisante car facilement réversible en moins de 5 minutes dés l'arrêt de l'administration, et une analgésie à faible coût à condition d'en respecter les indications et contre-indications.

Philippe DOMINGUES
IADE
- Rédaction Infirmiers.com
philippe.domingues@infirmiers.com


Source : infirmiers.com