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INFOS ET ACTUALITES

Une orthophoniste qui donne de la voix...

Publié le 09/11/2011

Charlotte Laffargue, orthophoniste à Paris, adresse une lettre ouverte à ses amis, collègues, patients, familles de patients, ou tout simplement aux citoyens...

Actuellement une réforme importante est en train de se mettre en place concernant les professions d'orthophoniste et de masseur-kinésithérapeute. Nos professions ayant un faible poids médiatique et économique, cette réforme est en train de passer inaperçue. En tant qu'orthophoniste, il me semble donc important de vous en parler plus précisément car nous sommes tous concernés.

Une formation, des compétences...

Pour devenir orthophoniste, il faut passer un concours très sélectif (3 à 5 % d'admission, ce qui demande à la plupart des candidats de suivre une « prépa » et de s'engager dans un cursus parallèle « au cas où »), puis de suivre 4 années d'un cursus universitaire dans une école d'orthophonie dépendant de la faculté de médecine. Ces 4 années comprennent 1600 heures de cours et 1200 heures de stage, soit 2800 heures, et sont validées par des partiels bi-annuels et par un mémoire de recherche réalisé sur 18 mois. Pour information, il faut suivre en moyenne 2000 heures de cours sur 5 ans pour obtenir un master en psychologie...

Les orthophonistes travaillent selon un décret de compétences qui les autorisent à prendre en charge un certain nombre de pathologies, parmi lesquelles :

  • les troubles du langage oral chez l'enfant (troubles articulatoires, retards de langage et de parole, souvent plus ou moins associés), ainsi que la dysphasie atteinte plus rare, sévère du langage ;
  • les troubles du langage écrit, tels que la dyslexie, la dysorthographie et la dysgraphie ;
  • les troubles du raisonnement logico-mathématique ;
  • les troubles secondaires à une déficience sensorielle (démutisation des enfants sourds, éducation à la lecture labiale, optimisation des aides que sont les prothèses auditives ou implants cochléaires) ;
  • les troubles secondaires aux maladies génétiques, causant des atteintes mentales et neuro-motrices ;
  • les troubles secondaires aux atteintes neurologiques en période anté et péri-natale (ex : infirmité motrice cérébrale) ;
  • les troubles secondaires aux troubles envahissants du développement (ex : autisme) ;
  • les troubles secondaires aux malformations congénitales de la face(ex : fente vélo-labio-palatine) ;
  • l'aphasie, la dysphagie et la dysarthrie causées par diverses maladies neurologiques, avec défaillance du système nerveux périphérique et/ou central ;
  • la dysphonie et la dysodie causées par l'atteinte organique ou fonctionnelle du larynx ;
  • l'éducation à la voix oesophagienne ou trachéo-oesphagienne dans les séquelles de chirurgie laryngée ;
  • les troubles dans le cadre d'un traitement interceptif d'orthodontie ( respiration-déglutition-phonation) ;
  • les troubles causés par les séquelles traumatiques ou chirurgicales dans la région bucco-faciale ;
  • les troubles causés par une dégénérescence des structures cérébrales (maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson, sclérose en plaques...) :
  • la rééducation tubaire ;
  • la stimulation cognitive ;
  • le maintien des fonctions de communication et de la mémoire chez des personnes atteintes de maladies dégénératives type Alzheimer ;
  • le maintien des fonctions de communication, des fonctions d'alimentation et des fonctions respiratoires chez des personnes atteintes de la Maladie de Parkinson ;
  • les troubles de la communication chez les personnes présentant une aphasie ;
  • l'éducation à la communication et au langage chez des enfants atteints de maladies chromosomiques ou génétiques.

Un niveau Master, oui mais...

Nous pouvons exercer en salariat dans des centres de rééducation, dans la fonction publique hospitalière, ou en cabinet libéral. En libéral, nous sommes obligatoirement conventionnés, le dépassement d'honoraires nous est interdit, le tarif moyen d'un consultation a été augmenté de 50 centimes d'euros en 2006, rien depuis (l'augmentation précédente datait de 1997). Nous réalisons également un important travail de bénévolat : guidance familiale, présence aux réunions diverses, encadrement des stages des futurs orthophonistes, encadrement des mémoires de fin d'études...

Actuellement, notre niveau d'études est reconnu comme un BAC+2, ce qui est ridicule compte-tenu de la précision de notre formation.
Les syndicats d'orthophonistes se battent depuis longtemps pour la reconnaissance de notre diplôme au niveau Master, et le 15 septembre 2011, les délégués de la Fédération Nationale des Orthophonistes (FNO) avaient rendez-vous avec un conseiller du Président de la République. Ce conseiller nous a littéralement « posé un lapin » et les orthophonistes se sentant méprisés ont décidé de clamer leur colère dans les rues de Paris. Le 6 octobre 2011, plus de 2000 orthophonistes (10% de la profession) défilaient donc pour exiger la revalorisation de notre diplôme au niveau Master. Point de bombe lacrymogène, ni de voiture brûlée, notre mouvement est passé totalement inaperçu.

Dans un élan de modernité, nous avons alors massivement twitté et interpellé Xavier Bertrand via Facebook. Interviewé à la radio le 24 octobre 2011, Il nous a promis d'étudier notre cas, nous assurant de reconnaître l'importance de notre rôle dans le système de soin. Le 28 octobre, Xavier Bertrand annonce que les formations d'orthophoniste et de masseur-kinésithérapeute seront reconnues au niveau Master.

Une sérieuse menace...

Cette annonce est hypocrite, non-satisfaisante et surtout dangereuse pour notre profession.
Si on analyse cette lettre, voici ce que nous propose Xavier Bertrand :

  • une reconnaissance du diplôme des orthophonistes actuels (qui ont fait 4 ans d'études) au niveau Master 1. Le M1 n'est pas un diplôme, c'est une année bancale qui ne correspond à rien du tout ;
  • la possibilité d'effectuer une année d'étude supplémentaire pour devenir ortho-praticien : ceci revient à mettre en place une orthophonie à deux vitesses : des orthos de base qui n'auront le droit de prendre que les pathologies dites « faciles »: retards de parole et de langage, dyslexie/dysorthographie... et les « super-orthos » qui pourront réaliser des diagnostics et prendre en charge les autres pathologies (neurologies, autisme, surdité, laryngectomie...).

Demain, je n'aurai peut-être plus le droit de recevoir les enfants autistes, dysphasiques, sourds, les parents victimes d'un AVC... Il faudra que je les redirige vers un « super-ortho » qui se trouvera peut-être 40 kilomètres plus loin, qui n'aura pas la même expérience professionnelle que moi, ni ma sensibilité et ma passion et qui n'aura sans doute pas déboursé plus de 8000 euros de sa poche pour suivre des formations spécifiques acquises au fil des années.

Je vous invite donc, si vous vous sentez concerné, à signer dans un premier temps cette pétition. Et, dans un second temps, de transmettre ce message à vos réseaux. En septembre 2012, je ne pourrais peut-être plus exercer mon métier. La menace est sérieuse.

Charlotte LAFFARGUE
Orthophoniste, Paris


Source : infirmiers.com