Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

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MODES D'EXERCICE

Une infirmière française dans un hôpital de San Francisco (Californie)

Publié le 11/03/2009

Cela fait presque six mois que j'exerce dans un service de reanimation aux Etats-Unis et je continue tous les jours a decouvrir des choses differentes par rapport a nos pratiques francaises.

Cela concerne aussi bien la relation soignants/soignes que le systeme de soins. Vous decouvrirez un peu les grandes lignes de ce qui me marque en travaillant ici: le pouvoir des familles dans les choix medicaux, les formations auxquelles j'ai participe et la puissances des syndicats infirmiers.
Mais tout d'abord, commencons par le deroulement d'une journee type:

Le déroulement de la journée

Reveil a 5h55… Jusque la rien de neuf… ces satanees horaires sont internationales!
Mais la suite est bien differente: a 6h du matin, je saute dans mon uniforme. Et oui, c’est comme dans “Urgences”: on arrive en tenue, on travaille en tenue, on va au supermarche en tenue et on rentre chez soi avec nos amis les germes!!!

Les blouses ne sont pas fournies par l’hopital. Chacun est libre de choisir sa couleur, les motifs etc... On navigue entre chemises hawaiennes, les Hello Kitty et drapeaux americains ambulants. Pour vous regaler n’hesitez pas a aller faire une tour sur les sites suivants;

www.uniformcity.com
www.jascouniform.com

Maintenant, je trouve que la diversite des couleurs et des styles donnent un cote moins froid aux services hospitaliers.

Lorsque les infirmieres arrivent dans le service, elles regardent tout d'abord quels patients leur sont assignes. Et ca, c'est le boulot de la "charge nurse" de l'equipe precedente. Elle doit evaluer la charge de travail pour chaque patient et les grouper. Ensuite elle choisit une infirmiere pour chaque groupe en fonction de l'experience de celle-ci.
Dans chaque service il y a une charge nurse par equipe. C'est une sorte de cadre infirmier sans le cote administratif. Elle garde un pied sur le terrain. Parfois elle prend des patients en charge et peut s'occuper de la formation des nouveaux. C'est tres appreciable d'avoir cette personne.

Apres les transmissions, mon tour commence... Toute prise en charge commence par une auscultaion complete du patient. Il faut passer en revue tous les systemes: neurologique, cardiovasculaire, respiratoire, intestinal, urinaire, cutane... J'ai pris un peu peur quand j'ai decouvert que les infirmieres devaient aussi ecouter les poumons, reconnaitre les differents bruits du coeur et analyser les rythmes cardiaques. Ce n'est pas trop rassurant de se retrouver a faire ce genre de chose quand on ne les a jamais apprises en France!!!! Mais finalement, c'est tres agreable d'avoir a nouveau des tas de choses a apprendre. C'est tres stimulant.

Apres avoir fait le tour des patients, je me mets la tete dans la "paperasse". Il y a tellement de lois en Californie qui protegent les gens hospitalises, que l'on a un nombre fou de papiers a remplir. Il faut tout noter scrupuleusement pour se couvrir en cas d'un eventuel proces!!!!! (rassurant, non?)

D'autre part, contrairement a un service de reanimation en France, il n'y a pas de medecins en permanence dans le service. Ceux-ci viennent examiner les patients et vont ensuite dans d'autres departements. Les medecins ne sont pas attaches a un service. Du coup ils prennent reellement en consideration les observations et les remarques des infirmieres.

Le pouvoir des familles dans la réanimation


Tout patient arrivant a l'hopital est un " Full Code". C'est le protocole integral de reanimation qui s'applique a tout patient independemment de leur age, de leur condition physique ou bien de leur diagnostic ou pronostic. Dans les situations d'urgences vitales tout le monde est traite de la meme facon. Cela peut paraitre tres positif car il n'y a pas de discrimination arbitraire mais cela cache autre chose. N'oublions pas nous sommes dans le pays du proces!!!

Les Etats-Unis protegent enormement les lois de l'individu. Ainsi, a l'hopital le patient et sa famille decident tout en matiere de soins. Malheureusement cela mene bien des fois a des situations tres caucasses. L'equipe medicale est toujours obligee de suivre a la lettre les choix exprimes car le proces pend au nez!!!
Du coup j'ai ete confrontee bien des fois a des acharnements therapeuthiques tres difficiles a supporter.

Je vais prendre comme exemple un cas extreme mais pas du tout exceptionnel ici.
Un patient de 85 ans etait a l'hopital depuis 6 mois (dont cinq mois en reanimation). Ses differents systemes etaient atteints mais pour chacun d'entre eux il y avait un suppleant!
Le patient avait un Pace Maker, un respirateur (impossible a sevrer), des dialyses tres regulieres et des vasopresseurs intra-veineux quasiment impossible a sevrer. De plus le patient souffrait d'une escarre sacree allant jusqu'a l'os. Ce patient etait tout d'abord en reanimation puis fut mis en soins intensifs et en medecine.
A chaque detresse il y avait une reponse therapeuthique qui le maintenait en vie.
Il faut savoir qu'aux Etats Unis si la famille ne signe pas un papier "Ne pas reanimer", le patient sera reanime suivant le "Full Code". Et c'etait le cas de ce patient.

Une réanimation à la carte

C'est donc la responsabilite des familles de decider si oui ou non il faut reanimer leur proche.
Si elles refusent l'acharnement therapeuthique, elles sont amenees a signer le papier "Do not resuscitate". Elles peuvent aussi accepter des reanimations partielles (valable uniquement en service de reanimation)... ce qui peut etre tres tordu. Par exemple on peut donner son accord pour une intubation et une defibrillation mais refuser un massage cardiaque. Il suffit de cocher les cases et c'est la reaniamtion a la carte!!!

Imaginez que tout le monde n'a pas la meme capacite a comprendre certains evenements a l'hopital. Certaines religions aussi peuvent etre culpabilisantes dans la prise de decisions. Ce n'est pas evident de se sentir seul par rapport a des choix qui concernent la vie ou la mort d'un etre cher. Dans un registre plus triste, j'ai aussi ete confrontee a des familles qui maintenaient en vie leur proche car elles touchaient les allocations financieres du patient!

La decison de la famille sera toujours appliquee scrupuleusement car le risque du proces est omnipresent. Si les decisions de la famille ne paraissent pas adaptees au patient, il peut y avoir constitution d'un conseil d'ethique avec la famille et l'equipe medicale. Mais on ne peut guere faire plus

Ce genre de situation est assez deconcertant mais il ne s'agit pas de juger. C'est leur culture et ils fonctionnent ainsi et c'est interressant a decouvrir.
Il y a sans doute aussi du bon dans ce systeme, si on ne tombe pas dans l'exces. L'importance des familles dans les choix medicaux creent une volonte de transparence.
Cela permet de contrebalancer la superpuissance du pouvoir medical.

Les formations

Aux Etats-Unis, pas question de commencer a travailler sans une orientation.
Il faut d'abord commencer par quelques jours de formation generale sur l'hopital puis enchainer sur une formation specifique au service.

- La formation de l'hopital
Ce sont deux jours ou l'on prend connaissance des protocoles propres a l'hopital. On visite les lieux et l'on fait des travaux partiques.

- La formation dans le service

La theorie

J'ai eu la chance de profiter d'une remise a jour specifique a la reaniamtion avec des cours sur les maladies rencontrees, sur les therapeuthiques, les examens, et le materiel. Cela remet bien les idees en place.

La pratique


Ensuite il y a une "orientation" dans le service. Pendant deux mois en general, on travaille avec une infirmiere experimentee du service. J'ai vraiment bien apprecie ces formations car cela permet de se sentir plus vite plus a l'aise.
Dans certain service tel que la reanimation, les urgences, la cardiologie, le bloc operatoire, la maternitre-gynecologie etc... les infirmiers doivent passer un certificat de reanimation (c'est une sorte de brevet de secourisme ameliore). Cela s'appelle l'ACLS (Advanced Cardiac Life Support). Cette formation supplementaire est tres interessante et permet de donner des reperes faciles a retenir lors de situations d'urgences. Les infirmiers sont donc autorises a faire les premiers gestes s'il n'y a pas de medecin ou en attendant un medecin. Comme je l'ai dis plus haut, meme dans un service de reanimation il n'y a pas de medecin de facon omnipresente. On doit connaitre les conduites a tenir lors des bradycardies, des asystolies, des differents tachycardies, des attaques cerebrales et cardiaques. On peut donc administrer les drogues telles que l'Atropine, l'Adrenaline, la Cordarone, la Xylocaine etc... et on peut defibriller! Pour plus d'informations vous pouvez aller sur le site de l'ACLS . De plus un article sur ce sujet est paru recemment dans Infirmiers.com. Quand nous partons en examen avec les patients monitores, nous avons le sac a dos d'urgence avec quelques drogues et parfois un defibrillateur.

La puissance des syndicats


Contrairement a ce que l'on peut penser en venant travailler aux Etats-Unis, la puissance des syndicats dans certains metiers et dans certains Etats peut etre tres importante. Et en Californie les syndicats d'infirmiers sont les plus puissants du pays.
Juste a titre indicatif, dans mon hopital je suis obligee d'etre syndiquee! Il n'y a pas le choix et cela coute relativement cher (de l'ordre de 800 Euros par an!!!).
Ces syndicats ont pas mal de pouvoir, ils ont obtenu beaucoup pour les infirmieres et cette profession est devenu une profession ideale dans la region de San Francisco!


Par exemple une loi vient de passer en Californie concernant le ratio infirmiere-patient. En reanimation le ratio est de 1 nurse pour 2 patients. En service de medecine ou de chirurgie il est de 1 pour 6. Les infirmieres n'ont pas le droit de prendre un patient de plus. S'il n'y a pas assez d'infirmieres l'hopital fait appel a l'interim automatiquement.
D'autre part grace aux syndicats toutes les heures supplementaires sont payees presque le double! Imaginez donc que ces syndicats sont tres soutenus par les membres de la profession. Mais cette realite n'a lieu que dans la region de San Francisco. Du coup grace a ces avantages les infirmiers de tout le pays sont tentes de venir travailler en Californie et les autres Etats se vident de leur infirmieres.


J'espere que vous aurez une petite idee de la vie d'un hopital a San Francisco. C'est vraiment tres interressant d'exercer son propre metier a l'etranger et de decouvrir un systeme de soin different. Beaucoup de chose nous parraissent la base de notre metier chez nous et sont totalement differentes aux Etats-Uniset vice-verca. Il faut s'adapter en permanence. Par exemple en matiere d'hygiene il y aurait beaucoup a dire......mais je descends le rideaux.....c'est une autre histoire !!!!!!!!!

Devenir infirmière en californie (USA)

 

Segolène Doutriaux
Infirmière
Comité de rédaction Infirmiers.com
E-mail : segolene.doutriaux@infirmiers.com
Septembre 2003


Source : infirmiers.com