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Une consultation infirmière « douleur » en libéral

Publié le 25/02/2016
pouce pansement douleur

pouce pansement douleur

Lauréate d’un appel à projet lancé en juin 2014 par l’URPS Languedoc Roussillon, l’Association Catalane d’Infirmières Cliniciennes et de Consultation (ACICC) expérimente depuis janvier 2015 une consultation infirmière pour la prise en charge des patients douloureux chroniques. Son objectif : démontrer le bénéfice patient d’une approche pluridisciplinaire coordonnée par l’infirmière libérale et obtenir un financement pérenne faute d’une lettre clé « consultation » dans la NGAP. Merci à Avenir et Santé, le magazine de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) pour le partage de cet article.

Une initiative menée par des infirmières libérales dans l’intérêt de tous les patients douloureux chroniques qui ne bénéficient pas d’une prise en charge antalgique satisfaisante à domicile.

L’idée de mettre en place une consultation infirmière pour améliorer la prise en charge du patient douloureux chronique à domicile s’est imposée à Yseult Arlen et Virginie Joué, infirmières libérales dans les Pyrénées Orientales, à l’occasion de leur certification à la démarche clinique infirmière (CADCI). Nous avions chacune préalablement suivi une formation sur la consultation infirmière et dans le cadre du module « douleur » prévu au programme de la CADCI, nous avons pris conscience que les recommandations officielles qui s’appliquaient en théorie à cette prise en charge étaient très éloignées de nos pratiques quotidiennes tant en termes de prescription, d’évaluation que de prise en charge, explique Yseult Arlen, actuelle présidente de l’ACICC . Fortes de ce constat partagé avec d’autres consœurs, elles complètent leur formation (DU Douleur, Hypnose, Plaies et cicatrisation…), adhèrent au réseau Interclud LR et mettent sur pied un projet de collaboration pluridisciplinaire coordonné par les Idels autour des patients douloureux chroniques dans le but de leur apporter une réponse rapide, accessible et proche de leur domicile capable de pallier au manque de structures spécialisées en algologie sur leur territoire.

Principe fondamental : jouer la complémentarité

La consultation infirmière du patient douloureux chronique repose sur une équipe constituée des acteurs qui suivent déjà le patient pour la pathologie responsable du syndrome douloureux  (médecin traitant, spécialiste, Idel, kiné, pharmacien, psychologue…), explique Virginie Joué. Lorsque le patient répond aux critères de prise en charge (adulte, douleur chronique présente depuis plus de 3 à 6 mois), le médecin traitant l’adresse à la consultation infirmière la plus proche de son domicile. Celle-ci, dans le cadre du financement alloué par l’URPS (40€/heure), engage un travail de fond réparti sur 10 séances d’une heure. Les deux premiers rendez-vous permettent aux infirmières libérales d’établir un bilan initial à l’aide de différentes échelles d’évaluation qualitatives et quantitatives1 et de poser le diagnostic infirmier. Une synthèse de ce travail  ainsi que les orientations d’action à visée antalgiques que nous proposons de mettre en place nous-mêmes2 ou via la prescription médicale (ajustement du traitement antalgique, prescription de kinésithérapie, orientation vers un psychologue), font l’objet d’une information au médecin traitant et au spécialiste, si le patient est adressé par ce dernier.

La preuve par l’exemple

Madame B. 44 ans, souffre depuis 18 mois de douleurs chroniques pour cervico-brachialgie non opérable associée à une capsulite de l’épaule droite. Elle présente une EVA de fond à 4 et des accès douloureux à 6 non calmés par son traitement. Elle est adressée par son médecin à la consultation douleur de l’ACICC pour réduire les douleurs, améliorer sa qualité de vie et pouvoir se projeter dans une reprise du travail. Virginie Joué explique sa démarche de soins. L’évaluation approfondie de la douleur a mis en évidence une inobservance de la prescription liée à des croyances restrictives engendrant une prise inappropriée, donc inefficace, des médicaments. J’ai mis à profit la consultation pour travailler en ETP sur le traitement, ses effets et les croyances de la patiente afin d’améliorer son observance. Je lui ai également proposé de réaliser des séances de respiration accompagnée et de toucher détente qui ont été très efficaces. Elles lui ont fait prendre conscience qu’elle pouvait soulager sa douleur de manière autonome en se relaxant. L’efficacité conjointe du traitement et des méthodes psychocorporelles nous a permis d’avancer en confiance dans la relation d’aide et de mettre en place une alliance thérapeutique et un travail sur les stratégies d’adaptation que la patiente pouvait engager pour reprendre une activité physique, aller plus loin dans les exercices de kiné et envisager une reprise du travail à mi-temps.

Un bilan provisoire prometteur

A ce jour (Ndlr. début novembre) nous atteignons 16 patients inclus et une 17ème prise en charge est en cours, sur les 25 consultations financées par l’URPS, explique Yseult Arlen. Le bilan provisoire (cf. encadré ci-dessous) est très satisfaisant, au point que l’équipe de l’ACICC prépare un dossier de demande de financement FIR (Fonds d’Intervention Régional) auprès de l’ARS afin de permettre la prise en charge de nouveaux patients dans le cadre des partenariats en place avec le centre d’algologie du CHRU de Montpellier, la consultation douleur et le service de neurochirurgie du CH de Perpignan et l’association Libagryl qui réunit des professionnels de santé du nord du département autour de la prise en charge de la personne âgée à domicile. Au-delà des partenariats ville-hôpital que nous développons pour relayer les prises en charge des patients douloureux chroniques à domicile, conclut Virginie Joué, nous envisageons également de revoir à 3 et 6 mois les patients de l’expérimentation afin de vérifier si les bénéfices de notre intervention sont durables. Il nous faut donc solliciter d’autres financements pour pouvoir assurer la montée en puissance et la pérennité des consultations. Un esprit d’entreprise et une belle énergie dont on souhaiterait qu’ils soient payés en retour afin que cette initiative puisse essaimer dans l’intérêt de tous les patients douloureux chroniques qui ne bénéficient pas d’une prise en charge antalgique satisfaisante.

Un premier bilan très positif

Les notes attribuées à la consultation (entre 8 et 10) et l’analyse des premiers questionnaires de satisfaction renvoyés anonymement par les patients font état d’une meilleure compréhension des mécanismes d’action de la douleur, d’une amélioration de l’observance médicamenteuse, d’une diminution de l’intensité douloureuse associée à une meilleure qualité de vie qui se traduit par un sommeil moins perturbé, une reprise d’activité et un recul des troubles anxio-dépressifs et de la prise de somnifères et d’anxiolytiques.

Notes

  1. Les Idels utilisent les outils d’évaluation validés par la HAS suivants : EN ou EVA, schéma corporel de la douleur, DN4 spécifique aux douleurs neuropathiques, questionnaire concis de la douleur (retentissement de la douleur sur les activités, la marche, le sommeil, l’humeur…), échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression scale), échelle de Girert (analyse de l’observance thérapeutique). Elles ont également recourt à l’échelle alpha numérique du Dr Patrick Ginies (centre d’algologie de Montpellier), pour « photographier » et hiérarchiser le retentissement physique, psychologique et social de la douleur au début et au terme de la prise en charge.
  2. Respiration accompagnée, toucher détente, relaxation, hypnose, relation d’aide, éducation à l’utilisation autonome du TENS (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation, appareil de neurostimulation électrique a visée antalgique).

Marion DUVERNAY

Cet article est paru dans le magazine de la FNI Avenir et Santé n° 441, février 2016, p. 32/33.


Source : infirmiers.com