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GRANDS DOSSIERS

Un protocole de coopération sur les plaies complexes

Publié le 16/06/2016
soins plaie pied patient infirmière libérale

soins plaie pied patient infirmière libérale

Élaboré et mis en œuvre par le réseau Cicat-LR, le protocole de coopération "Évaluation et suivi de plaies complexes et/ou retard de cicatrisation par un IDE expert en plaies et cicatrisation dans le cadre d'un réseau pouvant fonctionner en télémédecine" devrait "officiellement" démarrer d'ici l’été. À ce jour, 4 médecins délégants et 11 infirmiers délégués "experts", la plupart infirmiers libéraux, y sont engagés.

Les plaies complexes et/ou chroniques sont actuellement au coeur d'une réflexion  sur qui doit les coordonner : Programme PRADO, HAD, réseau… ? Le protocole du réseau Cicat-LR s'inscrit dans cette dynamique.

Depuis juillet 2014, le protocole de coopération "Évaluation et suivi de plaies complexes et/ou retard de cicatrisation par un IDE expert en plaies et cicatrisation dans le cadre d'un réseau pouvant fonctionner en télémédecine" est autorisé par l'ARS Languedoc-Roussillon, après levée des réserves émises par la HAS dans son avis favorable du 19 février 2014. Il a été élaboré par l'équipe du Réseau Cicat-LR1 qui regroupe, depuis plus d'une quinzaine d’années, des "experts" en plaies et cicatrisation, libéraux et hospitaliers. Si, dans les faits, la délégation médecins délégants/infirmiers délégués existe déjà, le protocole sera « officiellement » mis en œuvre dans les deux prochains mois, une fois les derninières démarches administratives finalisées. Par ailleurs, son financement reste encore à pérenniser. À ce jour, aucun acte de télémédecine [dans le cadre de l’expérimentation de l’article 36 de la LFSS 2014] n'a encore été financé et le cahier des charges est très restrictif (actes en Ehpad et non au domicile). A priori la CPAM paiera les actes2 en Ehpad et l'ARS les autres précise le Dr Chloé Trial-Geri, à la coordination régionale du Réseau. Mais les modalités concrètes de mise en œuvre restent encore à définir ajoute-t-elle.

Processus de prise en charge

Dans le cadre de ce protocole, le médecin traitant, l’IDEL référent du patient et/ou les établissements de soins/HAD (publics/privés) peuvent, via une convention passée, faire appel aux soignants (médecins/infirmiers) « experts » du Réseau. L'IDE délégué (cf. encadré) réalise une consultation experte en plaies ou une assistance à l'IDE réquérant - après validation par le médecin délégant et le médecin traitant requérant - en présentiel (domicile/hospitalisation) ou via une téléconsultation3. Il évalue ainsi la situation clinique (recueil de données, formation au lit du malade, ETP, téléassistance, conseil oral…) et propose un plan de soins adapté. En aucun cas nous ne réalisons les soins ; nous conseillons les soignants en support prévient Christine Linet, IDE télémédecine du Réseau Cicat-LR. À la demande du médecin traitant requérant - et dans le cadre de ce protocole -, l’IDE délégué peut choisir et planifier le rythme et le type de suivi mais aussi prescrire les examens complémentaires indicateurs du pronostic de cicatrisation s’ils n’ont pas déjà été réalisés ou les traitements locaux topiques non prévus par l’arrêté du 13 avril 2007 4. Il peut aussi utiliser un doppler de poche dans le cadre de la mesure de l’indice de pression systolique (IPS) et/ou suspendre des traitements spécifiques (thérapie par pression négative5 – TPN –, électrostimulation, compression veineuse). Logiquement peu d’actes dérogatoires devraient être prescrits : Nos médecins en prescrivent très rarement puisque nous intervenons en seconde ligne. Le but est de ne pas se substituer à l’équipe et au médecin traitant qui est au cœur de la prise en charge rappelle cette dernière.

La proposition de plan de prise en charge initiale élaborée par l’IDE délégué est ensuite validée par le médecin délégant dans les 24h6, sachant que celui-ci peut la refuser dans sa totalité ou en partie seulement. La prise en charge est alors décidée par le médecin traitant en accord avec le médecin délégant. Elle a lieu sur le lieu de vie ou d’hospitalisation du patient. L’organisation du suivi de la prise en charge du patient s'effectue en fonction de la complexité de la situation rencontrée. L’accompagnement du médecin traitant et de l’IDE en charge du patient, se poursuit jusqu’à cicatrisation complète. Toutefois, l'équipe d’experts adapte ce rythme à la demande des requérants. En 2015, 1 377 patients ont été suivis par le réseau Cicat-LR et un peu plus de 3 800 actes de télémédecine (des téléconsultations infirmières en majorité) ont été réalisés, dont plus de la moitié au domicile du patient.

Profil des infirmiers délégués

Parmi les 11 infirmiers délégués déjà formés, 9 sont infirmiers libéraux. Ils interviennent en moyenne 1 à 2 jours par mois au sein du réseau. Ils sont tous titulaires du DU Plaies & cicatrisation et ont au minimum 3 ans d'expérience.

Après une phase de sélection (entretien + tests et présentation orale), ils ont suivi un tutorat (2,5 jours minimum), de même qu'une formation spécifique (21h) reprécisant les modalités de la dérogation proposée.

Un plus au niveau de la qualité de la prise en charge ?

Cette délégation doit permettre d’améliorer la prise en charge des patients, éviter des hospitalisations et réduire le temps de séjour hospitalier, augmenter le taux de cicatrisation des plaies chroniques, diminuer les délais de cicatrisation) et l’accessibilité aux soins dans les zones ne bénéficiant pas d’expertise médicale dans ce domaine. Pour Maryse Guillaume, formatrice Afcopil Plaies et cicatrisation, ces objectifs généraux reprennent ni plus ni moins ceux de soins, de confort de vie et de prévention faits au quotidien par une infirmière. À propos de l’acte dérogatoire pour lequel l’IDE délégué a la possibilité de choisir et planifier le rythme et le type de suivi, celle-ci rappelle que les les IDEL ont totale compétence pour savoir si les soins doivent être organisés de façon quotidienne. Elle s'interroge aussi sur les prescriptions7contresignées ou pas par le médecin ? – auquel cas il s’agit de secrétariat. Quant à la mesure de l’IPS, elle ne l’a jamais vue comme un acte dérogatoire, considérant qu’il relève de la responsabilité infirmière (acte indispensable dès lors que l’on place une bande élastique sur une jambe. Elle serait d’ailleurs favorable à ce que cet acte non invasif devienne un acte infirmier à part entière inscrit dans la nomenclature ce qui permettrait entre autres de dépister beaucoup plus d’artérites débutantes et au niveau national d’économiser sans passer par des enveloppes de protocoles. Enfin, en tant que formatrice Afcopil Plaies et cicatrisation, elle est bien placée pour constater qu’en la matière les IDEL se forment beaucoup et ont un bagage suffisant pour leur pratique.

Maryse Guillaume, formatrice Afcopil, rappelle que les IDEL ont toute compétence pour choisir et planifier le rythme et le type de suivi de la plaie.

Risque de « filières captives »

De son côté, en termes d’organisation, Daniel Guillerm, vice-président délégué de la FNI, n’est pas forcément contre le principe de faire appel à des spécialistes. Mais cela n’est pas obligé de passer par des protocoles de coopération. Pour preuve l’existence en Picardie, Franche-Comté d’autres expérimentations en matière de télémédecine avec des process plus souples sans protocole mais avec avis d’experts… et pour un résultat peut-être meilleur, la rigidité engendrant potentiellement des surcoûts. Surtout, il pointe un risque majeur, celui de l’organisation de filières captives de patients ayant leur propre réseau d’experts qui maille le territoire. Exactement comme dans le cadre des dérives rencontrées avec l’HAD. Le Réseau Cicat-LR s’en défend, sa démarche consistant seulement à indiquer des pôles de référence 8 situés dans différents endroits du territoire régional. En tout cas, des inquiétudes émergent chez certains professionnels du tissu local existant.

Notes

  1. Réseau Cicat-LR Hôpital Lapeyronie – Unité UMCPC, Montpellier Tél : 04 67 33 22 22 – contact@cicat-lr.org
  2. Téléconsulation à 28 €,  téléexpertise à 14 €
  3. Via une plateforme de télémédecine (Covotem) sécurisée et accessible au binôme au médecin traitant/IDE. Plutôt que la tablette, les IDEL utilisent de préférence l'application sur le smartphone qui permet l'envoi de photos sécurisées, la visioconférence, avec la possibilité d’utiliser le mode déconnecté quand il n'y a pas de réseau.
  4. Depuis remplacé par l'arrêté du 31 mars 2012 mais sans changement pour les topiques.
  5. Lorsqu'il répond à des prises en charge en structure et en HAD.
  6. Actuellement une téléexpertise permet de valider la proposition de plan de soins avant envoi au binôme requérant.
  7. Il sera noté que ola prescription a été effectuée dans le cadre d'un protocole de coopération et les noms des délégants et des délégués sront précisés.
  8. Le Réseau Cicat-LR envisage aujourd’hui de développer ces "pôles de référence" au sein de l’ancienne région Midi-Pyrénées.

Valérie HEDEF  Journalistevalerie.hedef@orange.fr

Cet article est paru dans le journal de la FNI Avenir & Santé n°443 (p. 36-37) que nous remercions pour ce partage.


Source : infirmiers.com