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PSYCHIATRIE

Un passé d'infirmière sublimé par l'écriture...

Publié le 31/08/2015

Anita Baños-Dudouit a exercé pendant plus de trente ans un métier aussi difficile qu’enrichissant : infirmière en psychiatrie. Aujourd’hui à la retraite, elle témoigne de ces années au plus près de la souffrance psychique et s'inspire de son expérience pour écrire des romans policiers !

Anita, alors infirmière psy, s'est mise à écrire et à peindre, une forme d’évasion salutaire...

Ma mère était infirmière en psychiatrie, je l’ai entendu évoquer son métier durant toute mon enfance, cela m’a influencée au moment de choisir une profession. Peut-on parler de vocation ? Pour moi, cela paraissait naturel. A 17 ans, j’ai mis les pieds pour la première fois dans l’établissement au sein duquel j’ai fait toute ma carrière. Les gens parlaient encore communément d’ « asile », mais la dénomination officielle était déjà « hôpital psychiatrique ». Mes débuts ont été plus faciles au sein d’un pavillon flambant neuf, offrant de nombreuses innovations. Les patients qui y étaient soignés étaient tous stabilisés : ce pavillon constituait leur dernière étape avant la sortie.

En revanche, l’année suivante, j’ai changé de service pour me retrouver dans un pavillon plus ancien qui accueillait des patients schizophrènes, psychotiques, dépressifs, à des niveaux aigus de leur maladie. Là, ce fut plus dur à vivre.

J’ai pu compter sur le soutien de collègues expérimentées. Après, au fil de ma carrière, des patients m’ont marquée. Certains ont presque « fait carrière » avec moi. Je pense particulièrement à cette femme présente quand je suis arrivée, et qui était encore là quand je suis partie à la retraite. Parmi les angoisses qui m’ont habitée quotidiennement, il y avait les tentatives de suicide. Je me souviens notamment d’une patiente dépressive qui en faisait à répétition, comme autant d’appels au secours. Malheureusement, un jour où elle n’était pas hospitalisée, elle a réussi à mettre fin à ses jours.

Il faut pouvoir maîtriser les patients en état de crise sans leur faire mal et sans être blessé soi-même.

Dans un service de psychiatrie, la violence n’est jamais très loin, de nombreux patients sont en état de crise lorsqu’ils arrivent. Il faut pouvoir les maîtriser sans leur faire de mal et sans être blessé soi-même. C’était un aspect de mon métier, que je n’aimais pas, et que j’ai dû apprendre à gérer au fil des ans. Je me souviens surtout à ce propos d’un jeune homme de 18 ans. Quand il a été hospitalisé dans notre service, il n’avait que des réflexes primaires. Les médecins avaient évalué son âge mental à 4 ans. Il était incapable de s’exprimer autrement que par la violence. Il était tellement agressif qu’il blessait le personnel. De fait, il était régulièrement placé en chambre d’isolement. Mais nous nous sommes mobilisés autour de lui, et petit à petit, il a fait des progrès. Il a suivi des cours d’orthophonie pour apprendre à parler. Il a énormément progressé. A mes yeux, c’était véritablement une résurrection, et une grande source de satisfaction pour moi et pour tout le service.

Parmi les petits bonheurs de mon métier, il y a aussi eu cette personne dépressive qui revenait très souvent dans notre service parce qu’elle faisait tentative de suicide sur tentative de suicide. Elle avait une jambe plus courte que l’autre. Un jour, un médecin s’est dit que ce serait peut-être une bonne chose de l’opérer pour que ses deux jambes aient la même longueur. Du jour où elle a été opérée, elle n’a plus jamais recommencé, et on ne l’a plus revue. Mais tout n’était pas aussi satisfaisant. Une année, un patient m’a déstabilisée. A 30 ans, il avait déjà été hospitalisé plusieurs fois. Il était psychotique, très intelligent, fin psychologue.

J’ai eu la chance de rencontrer mon mari au travail, il était infirmier. Je pouvais lui parler de mes angoisses.

Tout a commencé autour d’une partie d’échecs. Je jouais régulièrement avec lui pour l’occuper. Une relation s’était nouée entre nous. Il était assez renfermé. J’étais d’autant plus satisfaite d’avoir réussi à établir le dialogue avec lui. Peu à peu, il a tenté de faire mon analyse. Quand j’ai enfin senti venir le danger, j’ai mis le holà. Je passais tout de même huit heures par jour dans le même bâtiment que lui, sans possibilité de dire : « je m’en vais ! » La situation est vite devenue intenable. Je subissais une sorte de harcèlement psychique de sa part. Il agissait comme un chat qui joue avec une souris et qui ne lâche jamais sa proie. Cette période a été psychologiquement très difficile à vivre.

De « Trouble miroir » à « Fausses impressions »…

Après le succès de « Trouble miroir  » dont nous avions fait écho sur infirmiers.com, Anita Baños-Dudouit nous offre un deuxième roman "Fausses impressions" dans lequel son héroïne Sarah Béranger navigue dans un monde où tout n’est qu’ombre et lumière. Les apparences sont souvent trompeuses. Pourra-t-elle enfouir définitivement son passé ? Un livre captivant que l’on aura du mal à fermer. En effet, comment deux faits divers peuvent-ils influencer les destinées ? Le faux descendant du peintre Claude Monet promet des toiles de son grand-père en échange des fonds pour ouvrir une galerie de peinture... Par son inconscience, un skieur provoque le décès d'un des sauveteurs... L'infirmière Sarah Béranger pensait que ses démons s'étaient éloignés mais à nouveau, ils perturbent ses nuits. Le passé est-il inoffensif ? D'intrigues en faux-semblants, Sarah croise le chemin d'Alex Riva, responsable du drame de sa vie ; de Thomas, un enfant déstabilisant, féru d'échecs ; de Jean Montjois, interné pour avoir détruit des toiles de Claude Monet au Louvre au cours d'un accès délirant. Chaque personnage porte un lourd secret. Sarah Béranger saura-t-elle faire tomber les masques et percevoir la différence entre le réel et l'imaginaire ? Ses recherches vont l'entraîner dans une enquête passionnante et troublante qui la mènera de Paris à Giverny et Rome.

Lorsqu’on est confronté à la violence et à la détresse au quotidien, il est important d’arriver à se libérer du stress accumulé pendant la journée. Finalement, j’ai demandé mon transfert dans un autre pavillon. J’ai eu la chance de rencontrer mon mari au travail, il était infirmier. Je pouvais lui parler de mes angoisses.

Par ailleurs, je me suis mise à écrire et à peindre, une forme d’évasion. La peinture permet d’oublier les heures passées au travail. Alors, je me suis inscrite dans un atelier de peinture sur soie. C’était formidable parce que pendant ce temps-là, j’étais complètement ailleurs. Je ne pensais qu’au moment présent, et j’en oubliais tout le reste. Même si je peux dire sans aucune hésitation que j’ai aimé mon métier, j’avais réellement besoin de ces moments à moi. Cela a contribué à ce que je me sente bien dans ma vie professionnelle.

Article de Cédric Choukroun, paru dans le nouveau bimensuel « Nous Deux - Vos Histoires » de juin/juillet 2015 – reprise de l’article de l’hebdomadaire « Nous Deux » 2012. Merci de ce partage.


Source : infirmiers.com