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Un numéro vert pour accueillir la souffrance des soignants

Publié le 28/11/2016
allumettes, burnout

allumettes, burnout

En 2015, près de 50 % des professionnels de santé français estimaient être ou avoir été concernés par le burnout et 14% par des conduites addictives. Ces résultats d'enquête menée par l'association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) sont aujourd'hui complétés par d'autres : la souffrance psychologique des soignants est une urgence à prendre en compte - et en charge - et, pour ce faire, 80 % des soignants souhaitent disposer d'un centre qui leur est spécifiquement réservé, de préférence éloigné de leur lieu d'exercice. Retour sur quelques constatations particulièrement de circonstance.

L'épuisement professionnel des soignants : une dure réalité qui nécessite repérage, aide et accompagnement.

La souffrance psychologique des professionnels de santé... voilà bien un thème d'actualité chez une profession soignante en souffrance et qui ne cesse de la crier à qui voudrait bien l'entendre... L'Association Soins aux Professionnels de Santé (SPS)1 a conduit une nouvelle étude sur les vulnérabilités des professionnels de santé2 - qu'ils exercent en secteur hospitalier ou libéral -, en vue du 2e Colloque national qui aura lieu sur le sujet le 29 novembre prochain à l'Ecole du Val-deGrâce, à Paris. Rappelons que les résultats de leur première enquête3 révélaient que près de la moitié des soignants interrogés estimaient avoir été en situation de souffrance dans leur carrière. La préoccupation était donc de savoir quelles étaient leurs attentes en la matière et quel était leur niveau de connaissance des structures aidantes et de soutien.

Première constation : en situation de souffrance, les trois quarts des professionnels de santé interrogés chercheraient de l'aide s'ils se retrouvaient en burn out ou face à un comportement addictif et les femmes seraient plus enclines à se faire aider (79% vs 69%). Mais problème : la moitié ne saurait pas à qui s'adresser... Les autres solliciteraient volontiers leur entourage familial (43%), leur consoeur/confrère (38%), une connaissance amie (30%), leur médecin traitant (15%), voire un psychologue/psychothérapeute/psychanalyste. Des chiffres qui montrent bien l'importance de mettre à disposition une structure d'écoute et de soutien spécifique.

Progressivement et sans m’en rendre compte, mon comportement, au travail et dans la vie, a changé. J’étais animé par le désir d’en faire toujours plus pour mes patients, la recherche de leur satisfaction totale. Le cabinet prenait le dessus sur tout, et notamment sur ma vie de famille.

Deuxième constation : la quasi-totalité des soignants ne connaît ni associations d'aide ni numéros d'écoute dédiés aux professionnels de santé en souffrance psychologique. Les médecins sont un peu plus nombreux (14%) que les autres professionnels de santé à connaître une association engagée. Parmi les structures ressource ils citent l'Association d'aide aux professionnels de santé et médecins libéraux (AAPML), Médecin Organisation Travail et Santé (MOTS) ou l'Aide aux soignants de Rhône-Alpes (ASRA).

Troisième constatation : la majorité des soignants (80%) préféreraient que ce soit des associations professionnelles (régionales ou nationales) qui gèrent un numéro vert gratuit, dédié et garantissant l'anonymat. Le psychologue, professionnel de l'écoute, se révèle être l'interlocuteur privilégié (plus de la moitié des réponses). Cités également un confrère de même spécialité, une personne formée à l'écoute psychologique, un psychiatre ou un médecin du travail. Ces personnes ressource devraient pour les trois quarts des répondants proposer des "prestations" telle que l'écoute psychologique, l'orientation, le suivi et l'accompagnement. Concernant les structures d'appui, ce sont les consultations "physiques" (avec des médecins généralistes ou spécialistes, psychiatres...) ou mieux encore "dédiées" qui sont plébiscitées.

Un matin de mars 2015, vidé, épuisé, sans force, je n’ai pas pu me lever. J’ai été conduit en urgence auprès de mon psychiatre qui a diagnostiqué un syndrome d’épuisement professionnel. Il m’a alors donné le choix entre arrêter mon activité ou être hospitalisé. J’ai choisi de me mettre en arrêt.

Quatrième constatation : la souffrance psychologique a un impact potentiellement majeur sur la qualité des soins pour plus de la moitié des répondants, susceptible de mettre en danger la vie du patient... d'où l'intérêt réaffirmé de disposer rapidement d'appui en la matière. Se pose parallèlement la question de l'arrêt maladie chez les libéraux, plus de deux tiers soulignent ne pouvant s'offrir ce luxe économique (si les trois quarts ont un contrat de prévoyance, la motié seulement se savent assuré pour le manque à gagner en cas d'interruption temporaire de travail), mais aussi ne souhaitant pas que leur situation de fragilité soit connue...

Il faut trouver les moyens de dépister et repérer de manière précoce les personnes en difficulté. Pourquoi ne pas mettre en place une médecine du travail pour les professions libérales ?

Cinquième constatation : les structures désignées comme devant se préoccuper et prendre en charge ce problème de santé publique sont d’abord l’État (57 %), les ordres professionnels (49 %), la CNAM (47 %), les syndicats professionnels (31 %), les assurances privées (15 %). E-mails et sites internet dédiés sont les canaux de communication à privilégier pour communiquer sur les actions mises en place. Plus d’un quart des soignants interrogés formulent enfin le souhait de participer eux-mêmes à la prise en charge des soignants souhaitant être aidés. Parmi eux, 75 % ont accepté que leurs coordonnées soient transmises à l’association SPS pour être informés et contactés dans le cadre d’un investissement personnel.

Pour la grande majorité des personnes ayant répondu à l’enquête, il y a vraiment urgence à prendre en charge ce problème de souffrance psychologique. Les dernières manifestations hier mardi 8 novembre partout en France de l'ensemble des professionnels de santé et plus spécifiquement des infirmiers le soulignent d'autant plus. Récemment, la Coordination nationale infirmière (CNI) adressait au Gouvernement 45 000 signatures pour dire stop à la souffrance des soignants soulignant ceci : aujourd'hui, de plus en plus de soignants se trouvent en situation de profonde souffrance au travail. La majorité d'entre eux ressentent un fort sentiment d'abandon, pris entre les recommandations et le manque de moyens donnés pour les atteindre, tout en étant en première ligne, au chevet des patients. De son côté, Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, revenant (très en retard) sur la vague de suicides qui avait touché récemment les infirmiers, avait déclaré fin septembre dernier : c'est pour apporter des réponses concrètes à cette situation particulièrement préoccupante que je présenterai très prochainement un plan pour l’amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé. Je veux que vous soyez associés à l’élaboration de son plan. Cela me parait indispensable pour garantir, par la suite, sa mise œuvre et son suivi au sein des établissements de santé. Un plan qui, pour l'heure, n'a toujours pas été développé par la ministre.

Ouverture de la plateforme nationale d'appel le 28 novembre 2016

Afin de répondre à l’urgence des professionnels de santé rendus vulnérables, l’association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) met en place une plateforme d’appel - via la société indépendante Pros-Consulte qui a créé la première plateforme de consultation de psychologues diplômés, visibles en temps réel et accessibles 24H sur 24 - nationale, interprofessionnelle, indépendante, tenue au secret médical, offrant écoute psychologique, aide et orientation. Cette plateforme est opérationnelle au 0805 23 23 36, numéro vert accessible 24H sur 24. Les appelants pourront aussi accéder au site de la plateforme et aux applications mobiles afin de pouvoir choisir et rappeler le même professionnel. La plateforme permet, pour commencer, un accueil de premier niveau d’écoute, débouchant vers une orientation adaptée (pour un cas simple) ou un rappel immédiat par un cadre de la plateforme (pour une demande plus spécifique). Elle vise également à engager une prise en charge psychologique immédiate des soignants soumis à un choc émotionnel, par des psychologues spécialisés et expérimentés. C’est une première étape pour répondre aux urgences. La plateforme va progressivement se structurer scientifiquement en 2017 sur la base d’un cahier des charges précis avec une coordination globale des initiatives régionales existantes. Les écoutants formés pourront orienter les professionnels nécessitant une hospitalisation vers les différents dispositifs : structures régionales existantes, services dédiés ou unités de prise en charge.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern

Notes

  1. L’association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) a pour origine le rassemblement d’un groupe d’experts souhaitant partager et défendre la santé des professionnels de santé vulnérables. Son objectif est de susciter une véritable prise de conscience et de proposer des actions concrètes.
  2. L'enquête a été menée sur internet du 19 septembre au 10 octobre 2016 et 4019 professionnels de santé y ont répondu - kinésithérapeutes, médecins, orthophonistes, infirmiers (12% ; moyenne d'âge 45 ans ; 45% en exercice hospitalier ; 52 % en exercice libéral ; 3% en exercice mixte), podologues, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, orthoptistes, aides-soignants, bilogistes, autres -  Les trois quarts des répondants exercent en secteur libéral.
  3. Cette enquête, menée en novembre 2015, visait à évaluer la souffrance psycholgique des professionnels de santé, en particulier les addictions à l'alcool, aux anxyolitiques et psychotropes. Enquête réalisée gracieusement par Stethos via Internet, avec l’implication du Centre National des Professions Libérales de Santé (CPNS) et des syndicats de professionnels de santé qui ont activement sollicité leurs adhérents. Enquête totalement anonymisée par Karapace, une société “tiers de confiance”.

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Source : infirmiers.com