L’épuisement professionnel et le burn out font couler beaucoup d’encre en ce moment et les professionnels de santé sont particulièrement à risque. Une étude américaine récente se penche sur l’état de santé des infirmiers aux Etats-Unis. Fatigue, absentéisme, signes de burn out, faible performance au travail, les chercheurs ont essayé d’estimer le nombre de soignants atteints et de trouver des corrélations entre tous ces éléments.
Apparemment un infirmier sur trois exerçant aux Etats-Unis présenterait des symptômes associés au burn out d’après une étude américaine qui vient d’être publiée sur BMC Nurse. Sans surprise, d’après les analyses statistiques, cela diviserait par deux le taux de performance au travail. De même, un soignant sur six aurait été absent dans le mois précédent les travaux suite à un congé maladie. Les chercheurs estiment que, au vu de ces chiffres très alarmants, il est nécessaire et urgent d’évaluer quels sont les facteurs de stress responsables de la mauvaise santé des professionnels du soin.
Une charge de travail excessive, des conflits de valeurs, une valorisation inadéquate et un environnement de travail médiocre figurent parmi les facteurs de risque clairement identifiés.
Un sentiment d’épuisement et de détachement vis-à-vis de son travail
Le burn out est un syndrome caractérisé par une sensation d'épuisement, de cynisme lié à son travail et une impression d’être moins efficace qui découle du stress chronique associé à son exercice professionnel. Une charge de travail excessive, des conflits de valeurs, une valorisation inadéquate et un environnement de travail médiocre figurent parmi les facteurs de risque clairement identifiés. On peut citer aussi par exemple : une autonomie insuffisante, un manque de soutien administratif, voire des relations compliquées dans le duo médecin/infirmier.
Des études antérieures avaient suggéré des taux allant de 35% à 45% d’infirmiers atteints par le burn out, ce qui dépasse l’entendement ! C’est pourquoi une équipe de chercheurs de la clinique Mayo (Rochester, Minnesota) a tenté d’évaluer le nombre de personnels infirmiers en situation d’épuisement professionnel, ainsi que leur taux d’absentéisme et leur performance au travail en cherchant d’éventuelles corrélations entre ces différents paramètres. Ils ont pour cela mené une enquête nationale auprès de ces soignants.
Un questionnaire anonyme a donc été envoyé à 3098 infirmiers. Sur cet échantillon, seuls 26% des soignants ont répondu, ce qui, selon les spécialistes, est assez conforme aux résultats des enquêtes nationales basées sur le volontariat. Sans surprise, la plupart des participants étaient des femmes (environ 95%), âgées de 52 ans en moyenne. Le nombre médian d’années d’exercice était aux alentours de 26 ans et le nombre moyen d’heures hebdomadaires travaillées proche de 41. Les questions portaient également sur des critères permettant d’établir des signes de burn out. Cette évaluation se basait avant tout sur le sentiment personnel d’épuisement psychique, de dépersonnalisation et de manque d’accomplissement personnel. La fatigue éprouvée et les jours d’absence étaient également demandés. De même, les répondants étaient interrogés sur leur performance au travail
. Plus précisément, ils étaient invités à évaluer les performances habituelles de la plupart des collègues ayant un emploi similaire au leur. Ensuite, on leur demandait de juger leur propre rendement au cours des deux dernières années puis leur efficacité globale au cours des 4 dernières semaines.
Une étude internationale, portant sur 6000 infirmiers dans 7 pays, a démontré que la prévalence de l’absentéisme sur trois mois allait de 10% pour la Corée du Sud à 74% pour l’Islande.
20% des infirmiers reconnaissent un haut niveau de dépersonnalisation !
Les résultats sont sans appel : 30,5% des soignants présentent un haut niveau d’épuisement émotionnel et 20% un taux important de dépersonnalisation . De même, 19% montraient peu d’accomplissement personnel. Ainsi, 35% des participants présentaient au moins un symptôme typique de burn out . Des données qui en confirment d’autres établies lors d’une étude néerlandaise. Plus inquiétant encore : 30,7% des infirmiers ayant répondu montreraient également des signes de dépression. En revanche, point positif : 60% des soignants déclarent avoir suffisamment de temps libre pour profiter de leur vie familiale.
En ce qui concerne l’absentéisme, près de 17% des participants ont été absent dans le mois précédent l’enquête, dont la moitié a manqué plus d’une journée. A titre de comparaison, une étude internationale, portant sur 6000 infirmiers dans 7 pays, a démontré que la prévalence de l’absentéisme sur trois mois allait de 10% pour la Corée du Sud à 74% pour l’Islande. En revanche, les données américaines évaluaient cette prévalence à 56% pour les soignants exerçant aux Etats-Unis. Des statistiques qui peuvent paraitre contradictoires mais si l’on y regarde de plus près, l’étude internationale avait démontré que les infirmiers avec de nombreuses années d’exercice présentaient un taux d’absentéisme plus faible. Or, l’échantillon, dans ce cas précis, est largement composé de soignants particulièrement expérimentés (26 ans d’exercice en moyenne).
En parallèle, 56,2% des infirmiers se sont jugés des travailleurs très performants, 28,2% s’estimaient moyennement performants et 15,6% peu performants.
Plus la sensation d’être performant au travail augmente, plus celle de burn out et d’épuisement professionnel diminue
De manière générale, les personnes présentant des symptômes de burn out ou de fatigue s’évaluent moins performantes que les autres. Or, si cela est véridique, cela peut engendrer des risques pour le patient, car contrairement à l’absentéisme, même peu opérationnels, les soignants ne sont pas remplacés. Cette situation peut avoir des conséquences encore plus coûteuses pour les établissements que les arrêts maladies
, argumentent les auteurs.
En ce qui concerne l’absentéisme, les travaux ne montrent pas d’association significative avec les signes de burn out. Cependant, la méthodologie rend les données concernant les absences peu solides et ne permet pas d’exclure une association potentielle entre l’épuisement professionnel et les congés maladie
. D’ailleurs une étude européenne avait suggéré que le burn out prédit l’absentéisme ultérieur chez les infirmiers. En outre, l'épuisement et les mauvaises performances au travail se sont révélés être un prédicteur d'absences professionnelles futures dans les études longitudinales chez les employés non soignants.
Les auteurs concluent donc qu’il est plus que nécessaire d’investir dans des stratégies visant à réduire l’épuisement chez les soignants et, si elles réussissent, elles sont susceptibles d'avoir un retour sur investissement positif. De telles mesures devraient viser l'environnement dans lequel les infirmiers exercent et les facteurs de stress liés au travail, plutôt que de se concentrer uniquement sur des méthodes individuelles pour gérer le stress
.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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