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INFOS ET ACTUALITES

Un goût de sang amer dans la bouche...

Publié le 16/12/2014
tache de sang sur le sol

tache de sang sur le sol

Il y a des jours où les soignants ont un goût de sang amer dans la bouche... Elles s’appellent Jeannine, Audrey, Marie ou Martine, mais elles pourraient s’appeler comme vous. Elles travaillent à Rennes, Montpellier, Nantes ou Toulouse et elles pourraient travailler près de chez vous. Elles sont infirmières...

Montpellier, fin octobre 2014 :

Elle me traîne dehors puis me tape la tête contre le mur.

Il y a des jours où les soignants ont un goût de sang amer dans la bouche...

Ces infirmières pourraient être celles qui viennent à votre domicile pour refaire votre pansement, ou prélever votre bilan sang. Cette blouse blanche pourrait être celle qui vous accueille aux urgences, vous demandant gentiment de bien vouloir patienter, en espérant que les sourires suffiront à tirer de vous une certaine indulgence. Cette infirmière pourrait être votre femme, votre fille, votre amie, votre collègue. Celle sur qui vous pourrez compter. La collègue qui se retournera peut-être vers vous, affolée, pour vous dire : « Il m’a frappé… ». Cette infirmière finalement, ce pourrait être vous.

Nantes, décembre 2014 :

Estimant que le personnel soignant ne s’occupait pas assez vite de son cas "en raison de son origine", la jeune femme a commencé à insulter le personnel soignant avant de s’en prendre violemment à une infirmière, lui déchirant sa blouse et la rouant de coups avec l’aide de sa mère.

Travailler pour l'autre, soigner dans l'intimité des corps et des êtres, en pansant les maux et en calmant les peines, nous confronte à l'humain dans ce qu'il représente de plus extrême. Insultes, agressivité, perversion ne sont pas des mots étrangers pour les professionnels de santé. Nous sommes trop régulièrement exposés à la facette la plus sombre de l'homme et parfois, soigner nous fait basculer dans l'horreur.

2014 n'aura pas fait exception pour nos collègues libérales ou de service... Molestées, volées, frappées, étranglées, jetées à terre. Les agressions violentes se sont succédé tout au long de cette année.

Maubeuge, juillet 2014 :

Lorsque les portes s’ouvrent, deux individus cagoulés l'attendent de chaque côté. Un véritable guet-apens au cours duquel les agresseurs vont s’en prendre physiquement à l’infirmière, secouée dans tous les sens. L’un des assaillants agrippe le collier en or qu’elle porte autour du cou afin de l’arracher. Mais le bijou est solide. « Il tirait très fort sur mon collier, j’étais en train de m’étrangler ».

Mais qu'en est-il des autres ? De celle qui n'auront jamais leur nom dans les journaux et qui n'intéresseront pas les médias ? De ces soignantes anonymes dont l'idée du "bien soigné" est entaché par la "mauvaise rencontre du mauvais moment"? Que ferons-nous pour celles qui gardent le silence, pour celles qui s'en voudront d'avoir cru qu'elles pourraient anticiper la bêtise, pour celle qui continuerons d'excuser l'humain devant son incommensurable cruauté ?

Enfin, que ferons nous pour elle, qui ne pourra plus jamais soigner ? Pour celle dont le temps s'est arrêté avec les deux détonations du fusil que celui qu'elle soignait avait pointé vers elle.

Strasbourg 21 juillet 2014 :

"La victime a été froidement assassinée. Ce n'est pas un homicide, c'est un assassinat", a-t-on indiqué au parquet. "La victime n'avait pas donné suite aux avances"[…] le septuagénaire était semble-t-il tombé amoureux de l'infirmière -sentiment qui n'était pas réciproque, indique le parquet- et n'aurait pas supporté de la voir parler avec un autre patient hébergé dans la résidence.

Elle s'appelait Mireille. Elle était infirmière libérale à Strasbourg. Le 20 juillet 2014, son dernier soin s'est achevé au quatrième étage d'un foyer d'insertion par deux balles venues se loger dans sa poitrine.

Nous aurions pu lire dans les journaux les réactions immédiates et indignées de nos représentants de santé. Nous aurions espérer l'apaisement par de simples condoléances adressées à la famille, aux proches et collègues de Mireille. Nous aurions pu entendre les mots désolés de ceux qui nous gouvernent pour nos collègues agressées. Nous aurions pu apprécier la reconnaissance de nos hautes instances pour notre profession. De paroles, nous n'avons eu que des silences. De reconnaissance nous n'avons eu que de l'indifférence. Combien d'agressions de soignants passeront encore sous silence ? Combien de récits de collègues violentées devront nous encore lire pour réveiller les consciences ? C'est à se demander quel degré de violence fera enfin réagir notre Ministre qui ne daigne même pas dire un mot pour montrer son soutien aux familles en deuil et aux collègues en souffrance.

Il y a des jours où l'on se demande pourquoi des politiques ont été élus si ce n'est pour ne pas écouter simplement la tristesse d'une profession pleurant la mort de leur collègue et déplorant les agressions de plus en plus courantes. Il y a des jours où l'on se dit qu'il n'est pas possible de ne pas voir sans entendre, qu'il n'est pas possible d'entendre sans parler. Qu'attendent-ils donc...

NDLR - Dernier faits en date, le 14 décembre, à Reims, une infirmière libérale est prise à partie dans un ascenseur par deux individus qui menacent de la brûler... :

Reims 14 décembre 2014 :

Furieux, ils l’ont rattrapée dans l’ascenseur puis plaquée contre la porte en menaçant de mettre le feu à sa doudoune, flamme du briquet allumée qu’ils ont fait passer à proximité de son visage et des poils synthétiques du manteau.

Cet article "Il y a des jours où les soignants ont un goût de sang amer dans la bouche" a été publié le vendredi 12 décembre 2014 sur le blog de "C'est l'infirmière - Brèves et chroniques d'une infirmière rurale". Merci pour ce texte qu'il faut partager pour ne pas banaliser et taire ces violences. http://cestlinfirmiere.blogspot.fr


Source : infirmiers.com