Environ un demi-milliard d'euros ont été investis depuis 2005 dans le dossier médical personnel (DMP), le dossier patient informatisé dans les établissements de santé, ainsi que dans des dispositifs à vocation similaire, estime la Cour des comptes dans un rapport non rendu public établi à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Ce rapport révélé par Le Monde, dont APM et TICsanté ont eu connaissance, critique sévèrement une "absence particulièrement anormale et préjudiciable de stratégie" ainsi qu'un "grave défaut de continuité de méthode" dans la mise en œuvre du DMP. La cour émet une série de recommandations pour redresser le pilotage.
Alors que les pouvoirs publics avaient annoncé en 2007 un financement à hauteur d'un milliard d'euros pour 2007-2012, puis 900 millions d'euros sur trois ans en 2009 à l'occasion de la relance du projet, la Cour constate que le montant du budget d'investissement du DMP entre 2005 et 2011 s'établit en réalité à 210 millions d'euros, dont 146,9 millions provenant du GIP.
Sur ce montant, environ 90 millions d'euros ont été dépensés par le GIP entre 2005 et 2009 dans une phase de recherche et d'expérimentations, puis 60 millions d'euros depuis la mise en place du dispositif entre 2010 et 2011.
La Cour évalue à 17 millions d'euros supplémentaires les "autres ressources" mobilisées par d'autres acteurs nationaux ayant contribué à la mise en place du DMP: l'Agence nationale d'appui à la performance (Anap, 3,5 millions d'euros), le GIE Sesam-Vitale (1 million), la Caisse des dépôts (CDC, 3,5 millions), l'Institut national du cancer (Inca, 8 millions d'euros) au titre du dossier communicant de cancérologie (DCC) et des apports de l’État (1,3 million).
Le rapport révèle ainsi pour la première fois des éléments sur le projet avorté de portail d'accès unique au DMP demandé par le ministère en 2006 à la CDC. Pour l'instant, le GIP a payé à la CDC 3,5 millions d'euros pour un portail jamais utilisé. Si l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (Asip santé) souhaitait le mettre en place d'ici 2015, elle devrait verser 3,5 millions d'euros supplémentaires.
La cour évalue, sous de multiples réserves, à 44 millions d'euros le montant des ressources complémentaires mobilisées en région pour des opérations "se rattachant au DMP", pour l'essentiel versées par l'assurance maladie et par des acteurs locaux (27 millions d'euros).
A ces 210 millions, la Cour souhaite ajouter "plusieurs centaines de millions d'euros" investis dans sur la même période "pour des systèmes de dossiers patients hospitaliers", ou d'autres services de télésanté (dossier pharmaceutique, historique des remboursements, etc.) ce qui représente au total "probablement beaucoup plus de 500 millions d'euros consacrés au total à l'informatisation des dossiers médicaux individuels".
"L'essentiel des dépenses a consisté en prestations de services et en frais de personnel", souligne la cour, qui renvoie à un tableau recensant les 17 premiers fournisseurs de services informatiques ou juridiques impliqués depuis 2005.
Elle relève notamment que le plus important, Santéos (20,2 millions d'euros, devant le cabinet de conseil en communication Ligaris, 11,2 millions), a aussi été choisi par l'Ordre des pharmaciens pour l'hébergement du DP.
Le DMP sous-financé ?
Si pour l'Asip santé, citée dans le rapport, les ressources du GIP ont été "calibrées de façon manifestement empirique voire aléatoire", la Cour des comptes observe que cette appréciation "n'est pas démentie par les faits, en l'absence de tout contrat d'objectifs et de moyens" conclu avec l’État.
Le rapport souligne que, depuis 2009, l'Asip n'affecte plus au DMP la totalité des ressources débloquées par l'assurance maladie et qu'elle réduit "paradoxalement" depuis 2010 les ressources humaines impliquées, "au moment où le DMP est au début d'un déploiement maintes fois reporté".
Il relève ainsi qu'entre 2005 et 2011, 31 des 181,6 millions d'euros versés par le Faqsv/Fiqcs ont financé des "actions nouvelles que l’État a confié à l'Asip par simples lettres de mission, sans programmation formelle, sans fléchage du financement et sans contribuer significativement à leur financement ni apporter d'autres ressources (plans grippes, "détenus", accident vasculaire cérébral, défibrillateurs, Samu, etc.)".
"Le risque est que ces redéploiements inorganisés et improvisés vers d'autres activités obèrent le calendrier et l'ampleur de la mise en place du DMP, ainsi que l'Asip santé le souligne", notent les magistrats qui considèrent qu'un "financement plus élevé permettrait un déploiement plus rapide, se traduirait par un rapport coût/efficience du dispositif susceptible de progresser plus vite, et une estimation réaliste des coûts unitaires pourrait être entreprise".
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