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Tribune de soignants : "même désarroi et même inquiétude pour l’avenir" de l'hôpital

Publié le 15/04/2019

Des infirmiers, des médecins et des salariés des hôpitaux parisiens (AP-HP) ont publié une tribune intitulée Ecoutons les soignants avant que la résignation ne l'emporte dans le JDD.fr ce dimanche 14 avril, en marge du Grand Débat National. Les signataires lancent un appel au "changement" alors qu'un mouvement de grève agite quatre services d'urgence parisiens depuis ce dimanche. Le premier constat unanimement partagé est le manque de temps et de personnels menant à la déshumanisation, écrivent-ils, les actes techniques sont valorisés mais le temps d'échange auprès ou autour du patient disparaît. Voici cette tribune, que nous reproduisons ici mot pour mot.

Les soignants demandent des "conditions de travail sereines et décentes".

L’hôpital public, ignoré dans les questions du grand débat national, a été évoqué largement lors des réunions publiques. A l’initiative du personnel, 7 débats ont été organisés dans 7 sites de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris*, accompagnés par quatre garants d’origines diverses**. Soignants, médecins, administratifs, patients et citoyens ont pu s’exprimer et apporter des propositions. Au total, 614 personnes ont participé. La restitution de ces débats aura lieu le 15 avril, et bien que la ministre de la Santé ait décliné notre invitation, il nous semble important de faire connaitre les conclusions de ces réunions.

Sans surprise, il est apparu que l’hôpital est une communauté, où on ne vient pas travailler par hasard : toutes et tous ont manifesté avec force l’attachement à leur métier et au service public. Mais de l’aide-soignante au chef de pôle, du brancardier à la diététicienne, du kiné à l’infirmière, tous ont exprimé les mêmes constats, le même désarroi, et la même inquiétude pour l’avenir. L’aspiration au changement est générale.

Les personnels des hôpitaux, soignants ou administratifs, ne veulent plus s’entendre dire qu’il suffirait de mieux s’organiser et que leur malaise n’est pas lié au manque de moyens humains ou matériels...

Le premier constat unanimement partagé est le manque de temps et de personnels menant à la déshumanisation. Les actes techniques sont valorisés mais le temps d’échange auprès ou autour du patient disparait. Les sous-effectifs en personnel dans les services cliniques et techniques (radiologie, laboratoires...) entraînent une dégradation de la qualité de vie au travail et en conséquence, de la qualité et sécurité des soins. Pour bien faire son travail, il faut du temps et le temps c’est des humains. L’intensification du travail, la course à l’activité pour être 'rentable', conduit à une perte de sens : Nous considérons que la médecine publique ne doit pas forcément être rentable, ce qui ne veut pas dire qu’elle doit perdre de l’argent, mais elle doit rendre service au public. Les soignants n’en peuvent plus de faire les frais des restrictions budgétaires, de constater, année après année, que des postes sont supprimés. 'Des économies ne pourraient-elles pas être faites ailleurs que sur le dos des équipes ? Les personnels des hôpitaux, soignants ou administratifs, ne veulent plus s’entendre dire qu’il suffirait de mieux s’organiser et que leur malaise n’est pas lié au manque de moyens humains ou matériels...

Les soignants (médecins ou paramédicaux) de même que les personnels administratifs, constatent l’absence de prise en compte des difficultés rencontrées au quotidien (faire toujours plus avec de moins en moins) et regrettent l’absence de concertation et que leurs propositions d’amélioration ne soient pas entendues. A l’hôpital, ceux qui font ne discutent pas de l’organisation de leur travail avec ceux qui prennent les décisions. Quel meilleur expert du travail que celui qui le réalise? Ainsi la transition numérique, qui devait dégager du temps, s’est accompagnée d’un glissement de tâches administratives vers les soignants, intensifiant davantage un travail déjà soumis à des contraintes d’activité toujours croissante.

Le salaire d’une infirmière est passé en 20 ans de 1,7 fois le SMIC à 1,3 fois le SMIC avec des loyers qui ont explosés durant la même période, comment voulez-vous qu’on s’en sorte ?

Le trop faible niveau de rémunération des paramédicaux, et la précarité pour certains métiers ne sont plus tolérables. Le salaire d’une infirmière est passé en 20 ans de 1,7 fois le SMIC à 1,3 fois le SMIC avec des loyers qui ont explosés durant la même période, comment voulez-vous qu’on s’en sorte ?

Des pistes d’amélioration et propositions ont été avancées. Les soignants veulent participer aux décisions qui les concernent. Ils veulent retrouver leur fonction première : soigner et préserver la qualité des soins qu’ils prodiguent, mais ils veulent le faire avec des conditions de travail sereines et décentes. Il faut renforcer les moyens en personnels, afin d’éviter les remplacements de personnels sans tenir compte des spécificités de chaque service. Une revalorisation salariale globale des soignants paramédicaux est indispensable. Elle doit être spécifique pour les personnels ayant acquis de nouvelles compétences telles que les pratiques avancées. La richesse des échanges au cours de ces débats a été unanimement appréciée. Il faut recommencer, réunir régulièrement les professionnels de l’hôpital et les citoyens usagers pour améliorer l’organisation du travail.

Redonnons aux soignants et aux administratifs le plaisir de travailler ensemble. Faisons-le avant que la résignation ou l’abandon ne l’emporte.

Références

Les Organisateurs des débats publics à l’AP-HP : S Crozier Médecin, Hôpital La Pitié, N De Castro Médecin, Hôpital Saint Louis, A Gervais Médecin, Hôpital Louis Mourier, O Hentic Médecin, Hôpital Beaujon, T Morvan Infirmière, Hôpital Saint Louis, N Muller Médecin, Hôpital Beaujon, I Nègre Médecin, Hôpital Kremlin Bicêtre, P Pelloux Médecin, Hôpital Necker, R Salomon Médecin Necker, C Trivalle Médecin, Hôpital Paul Brousse.

* Hôpital Beaujon le 15/2/2019 ; Hôpital Paul Brousse le 18/2/2019 ; Hôpital de la Pitié-Salpêtrière le 19/02/2019 ; Hôpital Louis Mourier le 20/02/2019 ; Hôpital Saint-Louis le 20/02/ 2019 ; Hôpital du Kremlin-Bicêtre le 25/02/2019 ; Hôpital Necker-Enfants Malades le 28/02/2019.

** Jacques Archimbaud, ancien vice-président de la commission nationale du débat public, Marie Citrini représentante des usagers au conseil de surveillance de l’APHP, Béatrice Crickx, PUPH de dermatologie retraitée, ancienne présidente de CCM de Bichat, Claire Hédon présidente d’ATQ quart monde, journaliste.


Source : infirmiers.com