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GRANDS DOSSIERS

Transformer la profession infirmière « à vif » en une profession vive !

Publié le 18/12/2017
patrick chamboredon président ONI 2017

patrick chamboredon président ONI 2017

Rencontre avec Patrick Chamboredon, Président de l'Ordre national des infirmiers , élu le 11 décembre 2017. Un Président qui souhaite rester l'homme de terrain qu'il est, engagé pour ses pairs, afin de donner plus de corps à l'instance ordinale. Faire rayonner la profession infirmière, ici et ailleurs, comme elle le mérite, tel est son défi.

© D. R. - Infirmier de terrain âgé de 50 ans, élu ordinal de la première heure, Patrick Chamboredon, est le nouveau président de l'Ordre national des infirmiers.

Bernadette Fabregas – Une fois encore, un homme élu Président de l'Ordre national des infirmiers, certains vont encore s'en étonner pour une profession féminine à plus de 85 %. Les infirmières ne souhaitent donc pas s'engager dans une telle mission ?

Patrick Chamboredon – Oui, c'est vrai, on peut dire encore un homme, le 3e après David Vasseur et Didier Borniche . Mais n’oublions pas Dominique Leboeuf, première Présidente de l’Ordre en 2009… Cependant, on observe que les femmes sont de plus en plus présentes dans les conseils, d'autant depuis que la parité est parfaitement respectée. La constitution du bureau national en atteste avec 6 femmes sur les 12 conseillers qui ont et ont eu des responsabilités dans les départements et les régions , et donc sur le terrain. Alors, oui, pour cette élection 2017 du président - ce sont les 56 nouveaux titulaires du Conseil national de l'ONI, les « grands électeurs » qui ont  voté - seuls trois hommes se sont présentés, pas de candidate, mais pas de conclusion hâtive en terme de manque d'engagement, cela viendra nécessairement, sans doute après moi ! Une chose est sûre, homme ou femme, il faut bien s'y préparer, connaître parfaitement les rouages de l'institution et  surtout en avoir l'envie profonde car c'est une immense responsabilité, un devoir à assumer que de représenter ses pairs, mais également une grande fierté que d'imaginer pouvoir y parvenir.

Je suis infirmier en hémodialyse à l'AP-HM de Marseille, à temps plein. L'organisation de ma présidence est encore en question car je suis très attaché à ma pratique professionnelle.

B. F. - Cet engagement envers la profession, envers vos pairs, vous le revendiquez, mais qu'est-ce qui fait qu'un jour on se dit « cette fois j'y vais, c'est peut-être mon tour » ?

P. C. - Je suis un élu de la première heure, Président du Conseil Interrégional de l’Ordre des Infirmiers de PACA - Corse depuis 2009. J'ai souhaité d'abord rester en région, car c'est bien là, sur le terrain que l'on fait ses armes, que l'on construit également un réseau, et surtout que l'on initie des actions concrètes qui servent la communauté infirmière. Engagé au sein de ma profession, je l'ai toujours été et aujourd'hui, plus encore, avec mes nouvelles responsabilités, cet engagement va être décuplé. En phase et en appui avec mon équipe - une équipe renouvelée - il sera question de rassembler très largement et de fédérer tous les professionnels venus de terrains d'exercice très différents autour de cette idée qu'est l'ordre. Le défi sera de parler d'une seule voix en pariant sur la proximité qui enrichira la confiance. Nous avons évidemment une responsabilité envers l’équipe précédente et nous devrons nous nourrir du passé et de tout ce qui a déjà été accompli, ce qui a permis à l'ordre de survivre dans un premier temps, puis de vivre et d'exister vraiment dans le paysage professionnel et politique. Parce que l'ordre n'est pas une institution virtuelle, nous devons lui donner plus de corps pour affirmer son existence et, au-delà, son rôle indispensable pour la profession.

Je suis un homme de terrain, un professionnel engagé pour ses pairs, et j'entends bien le rester en ne cédant pas à la technocratie qui peut survenir lors de l'exercice du pouvoir...

B. F. L’Ordre ne fait toujours pas l’unanimité auprès de la profession avec 240 000 inscrits au tableau sur plus de 600 000 infirmiers en exercice. Alors pour fédérer, rassembler, affirmer la légitimité de l’instance, il semble y avoir encore un long chemin à parcourir. Comment vous y engagez-vous ?

P. C. – Je vous l’ai dit, je suis un homme de terrain et j’entends bien le rester, au plus près des besoins de mes pairs. C’est bien là que l’on assied sa légitimité. Notre profession porte aujourd’hui de très fortes attentes et je suis loin de les ignorer car, en tant qu’infirmier en exercice, je les vis ! Conditions de travail difficiles, moyens insuffisants pour assumer nos missions auprès de nos patients, souffrance et mal-être exprimés , compétences qui devraient être élargies et ainsi mieux reconnues, formation initiale en attente d’universitarisation avec la création d’un cursus complet en sciences infirmières… les chantiers sont nombreux et l’ordre a un rôle déterminant à jouer pour chacun d’entre eux. Les paroles et les discours, les plus beaux soient-ils, ne suffiront pas, j’en suis conscient. Rester soi-même, habité par ses propres idéaux, est une chose, porter un message « au nom de » constitue un défi de taille que j’entends bien relever avec mon équipe ; une équipe très représentative de ce qu’est le métier infirmier aujourd’hui, issue de toutes les régions de France et des différents modes d’exercice. La technocratie de l’exercice ordinal, je n’en veux pas. Les élus sont au service des infirmiers, ils se doivent de travailler en confiance avec eux - la fameuse démocratie participative - et d’améliorer le service rendu. Parce que la profession attend du concret, les maîtres mots de mon mandat seront proximité et dialogue. Le maillage ordinal nous permet de précieuses remontées du terrain, c’est cela qui nous permettra de rester en lien avec la profession et d’accroître notre rôle en le rendant incontournable.

Didier Borniche a remis l'institution en ordre de marche, il nous faut poursuivre dans cette voie, toujours plus à l’écoute et au plus près des attentes de nos pairs sur le terrain.

B. F. – Pouvez-vous nous dire quelle sera la ligne politique de ce nouveau Conseil national, quels seront les axes prioritaires de votre mandat ?  

P. C. – Il est encore trop tôt. La priorité du moment est d’assurer la transition avec l’équipe sortante qui nous transmettra le « savoir » dont nous avons besoin pour aller vers l’avenir. En toute humilité, même si l’on croit s’y être préparé mentalement, il n’est pas évident de se retrouver aux responsabilités et de plonger ainsi, du jour au lendemain, dans le concret d’un mandat. Dans les prochaines semaines - notre premier conseil national n’aura lieu que le 17 janvier  prochain - nous devrons établir en effet notre ligne politique, l’affiner, définir nos chantiers prioritaires et nous donner les moyens nécessaires pour y parvenir. Je vais m’appliquer à impulser une nouvelle dynamique, à dire haut et fort que chaque fois qu’il y a une place à prendre pour un infirmier, à quelque niveau soit-il, il faut la prendre. La profession infirmière doit faire entendre sa voix, une voix qui compte et qui comptera plus encore dans les années à venir. Si j’utilise la métaphore du bateau, l’ordre infirmier n’est plus aujourd’hui le frêle esquif qu’il a pu être, attaqué  de toutes parts, abordé, voire sabordé parfois, c’est plutôt un navire, solide, qui vogue plus sereinement avec une ligne d’horizon claire et mieux définie. Mais embarquer 600 000 personnes à bord, et les conduire à bon port, n’est pas un mince défi ! Pour ce faire, tous ceux qui nous voient encore comme des rivaux doivent changer de regard et adapter un mode partenarial et ce, au bénéfice de la profession. Nous devons grandir tous ensemble. De nouvelles synergies doivent donc se créer, laissant de côté corporatismes et luttes de pouvoir. Ordre, syndicats, associations professionnelles, Anfiide, Conseil infirmier français (CIF) , Cefiec, Fnesi , universitaires… nous sommes nombreux et forts à œuvrer chacun à notre niveau pour que la profession infirmière rayonne. Nous saurons également compter sur la voix politique de nos consoeurs et confrères, nouveaux députés - et c’est une première - à l'Assemblée nationale. Un peu de lobbying politique ne peut-être que bénéfique pour la profession jusque-là peu habituée à cet exercice ! Nous devons donc parier sur l’appui du plus grand nombre et, bien au-delà d’un seul organe de régulation, devenir l’ordre de tous les infirmiers où chacun se reconnaîtra parce que représenté et défendu au plus juste de son cœur de métier. Bien évidemment, notre dialogue avec les tutelles doit se poursuivre et s’intensifier. Nous devons continuer à être audités, consultés sur les grandes questions qui occupent la profession et plus largement sur toutes celles qui concernent la santé où la place des infirmiers, virage ambulatoire oblige, va nécessairement se bonifier.

Mon métier, c’est mes racines. Président de l’ONI, je saurai m’en nourrir et puiser en elles la force pour faire éclore de nouvelles synergies, de nouveaux espoirs et des actions concrètes pour ma profession.

B. F. –  Croire en son métier, en ses perspectives, se bonifier, rayonner, être dans une dynamique positive… oui, mais vous savez combien la profession infirmière affiche aujourd’hui sa souffrance lorsqu’elle s’exprime. Alors, comment faire pour inverser la tendance, redonner espoir et croire en des lendemains plus heureux ?  

P. C. – C’est vrai, notre profession est aujourd’hui « à vif ». Mon souhait est qu’elle retrouve ses forces, couleurs et envies, qu’elle devienne ou redevienne une profession « vive ». Je ne le sais que trop, ce n’est pas facile de s’extraire du quotidien, de lever le nez de son ouvrage pour poser son regard plus largement, plus objectivement sur son environnement de travail et donc l’appréhender autrement. Les infirmiers doivent multiplier les échanges avec leurs pairs, écouter également ceux qui cherchent et théorisent et ne pas leur reprocher parfois de panser avec un E… Il faut savoir penser le soin pour mieux le dispenser et ainsi ouvrir le champ des possibles. Nous devons en être sûrs, l’avenir pour la profession infirmière va se jouer dans de multiples espaces. Notre métier va changer et nous devons en être les acteurs. C’est à mon sens un formidable espoir car riche de nouvelles missions et perspectives de tous ordres au plus près des patients. Car si la profession monte en compétences, elle sera davantage reconnue et par voie de conséquence elle ira mieux. L’ONI se doit bien évidemment d’être là, puissant, fédérateur, pour l’accompagner vers plus de rayonnement. 600 000 infirmiers, ça compte dans le paysage sanitaire français, il nous faut donc parler d'une seule voix. Alors pourquoi ne pas adopter la « leader attitude » ? Proposer et ne pas imposer, se nourrir des expériences passées, avancer, innover, accompagner la profession infirmière vers des jours plus heureux, l’ONI doit continuer à se déployer au bénéfice de la profession et je compte bien en être un des moteurs principaux.

Je vais m’appliquer à impulser une nouvelle dynamique, à dire haut et fort que chaque fois qu’il y a une place à prendre pour un infirmier, à quelque niveau soit-il, il faut la prendre !

Voici, en images, la synthèse de son propos !

Un article partagé par notre rédaction "amie" de nurse24.it que l'on remercie chaleureusement !

Propos recueillis par Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com