Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

PORTRAIT / TEMOIGNAGE

Témoignage d’une infirmière… 3 ans après !

Publié le 30/06/2015
infirmière plage bord de mer

infirmière plage bord de mer

Il y a trois ans, je vous racontais le début de mon parcours professionnel dans un témoignage jugé par certains trop parfait, idéalisé, loin de la réalité… C'était pourtant le mien : l'euphorie des débuts, l’image que j’avais envie de montrer malgré les jours difficiles et la charge de travail importante. Trois ans après, qu'en reste-t-il ? Je vous l'explique.

Trois années d'exercice infirmier déjà bien lourdes à porter…

Trois ans se sont écoulés, trois ans donc que je suis infirmière diplômée d’état. Trois ans que j’habite dans le sud de la France, au bord de la mer méditerranée, de son soleil et de son vent. Trois ans, c’est le bon moment pour faire un bilan, non ?

Des fictions bien loin de la réalité

Les séries fleurissent à tour de bras centrées tour à tour sur les infirmières, les médecins ou sur la vie d’un service comprenant tous les corps de métier. Tous ces feuilletons sont bien loin de la réalité du terrain, de notre métier d’infirmière. Non, je ne passe pas mon temps à prendre le café, à me balader dans les couloirs de service en service ou à affronter les médecins (Nina, si tu m'entends ! ) Mon but n’est pas non plus d’honorer le fantasme du médecin et de son infirmière. Mais ce que je trouve regrettable, c’est de « punir » une infirmière en lui faisant faire du travail d’aide-soignante. Celui-ci n’a pourtant rien de dégradant, il s’agit même du rôle propre de l’infirmière… Quant à la charge de travail, je n’ai rarement eu en service de médecine que deux patients à prendre en charge. Je n’ai d’ailleurs plus vu ça depuis mes années d’études. Je n’ai parfois pas le temps d’aller aux toilettes, ni de boire ou de manger. Je me demande bien comment je ferai pour aller manger au self de l’hôpital ou au café du coin pendant mes heures de travail ! Vous l'avez bien perçu comme moi, ces feuilletons manquent cruellement de crédibilité et restent des fictions remplies de stéréotypes bien loin de notre réalité. Espérons que le gouvernement ne voit pas l’hôpital à travers l’œil des scénaristes ! De plus, à l’heure actuelle, le mouvement social qui secoue l’AP-HP fait écho dans de très nombreux hôpitaux de France et des collègues l'expriment fort bien.   Serons-nous bientôt écoutés et compris ?

Espérons que le gouvernement ne voit pas l’hôpital à travers l’œil des scénaristes !

Une réalité bien différente de la fiction...

A l'hôpital, le manque de personnel est notre lot quotidien. Nous nous auto-remplaçons comme nous pouvons, quand les plannings le permettent. Nous tournons régulièrement avec une infirmière en moins avec le même nombre de patients et la même charge de travail. Aller à l’essentiel ? C’est impossible, tous les soins sont importants, nous ne pouvons pas choisir un soin plutôt qu’un autre. Les patients sont et doivent être prioritaires car ils sont au cœur du soin. Les plannings souvent n’arrivent pas avant le 15 de chaque mois et ne sont que prévisionnels. Un prévisionnel qui veut dire que des modifications vont avoir lieu, puisqu’il y a un poste vacant et un arrêt non remplacé. Nous ne pouvons rien prévoir, à croire que notre vie tourne autour de l’hôpital. Nous ne sommes que rarement prévenus des modifications de planning même si c’est un changement d’horaire ou un jour de repos qui s’annule. Nos heures supplémentaires de l’an passé se rajoutent à celles de cette année. Nous n’arrivons ni à les prendre, ni à nous les faire payer. Que vont-elles devenir ? Vont-elles aller dans des comptes épargnes temps que nous ne pourrons utiliser ? Concernant le droit de grève, chacun d'entre nous, en France, en dispose. Pourtant, nous sommes assignés pour qu’un service minimum soit tenu. Sommes-nous entendus de cette façon ? Lors des grèves , en service de soins nous sommes solidaires des grévistes mais cela n’ampute en rien notre travail. Souvent les patients ne se rendent même pas compte que nous sommes en grève, en dehors de la retransmission médiatique des manifestations.

Souvent aussi nous ne partons pas à l’heure car, entre collègues, il existe une solidarité, une entraide, un travail d’équipe qui fait en même temps notre force.

Les plannings souvent n’arrivent pas avant le 15 de chaque mois et ne sont que  prévisionnels. Nous ne pouvons rien prévoir, à croire que notre vie tourne autour de l’hôpital.

Ce que je peux en dire vraiment…

Comme partout, ici ou ailleurs, il y a un manque de personnels, des arrêts maladie ou de maternité non remplacés, des repos qui sautent, des changements de plannings incessants, des appels tôt le matin pour venir travailler au pied levé ou tard le soir pour le lendemain. Mon rythme de travail a changé depuis 18 mois, je travaille en 12h. Sur le papier, c’est génial, un week-end de travail toutes les trois semaines et jamais de série de trois jours consécutives de travail. Entre chaque série, il y a deux jours de repos. Au début, il manquait une infirmière lors des week-end car la semaine la charge de travail y est plus lourde. Pourtant nous avons le même nombre de patients le week-end. Maintenant, il nous manque aussi régulièrement une infirmière la semaine, toujours avec le même nombre de patients et la même charge de travail. Le travail en 12h avec une charge de travail importante est fatiguant tant psychologiquement que physiquement. Il faut être vigilant, concentré et attentif à tout ce se passe autour de nous. Après le travail, la journée n’est pas finie et la vie personnelle arrive. De plus, avec l’arrivée de l’informatique, depuis 2 ans, toutes les prescriptions et toutes les transmissions doivent se faire sur ordinateur. Entre la lenteur du réseau et les plantages réguliers du logiciel, nous perdons un temps fou au détriment du patient. C’est une belle avancée, oui,  mais quand cela fonctionne correctement ! Enfin, en trois ans d’exercice, je n’ai eu l’occasion de faire qu’une seule formation d’une journée et ce n’est pas faute de demander. Des formations existent pourtant au sein de mon hôpital mais impossible d’y aller faute de pouvoir être remplacée ce jour-là.

Entre la lenteur du réseau et les plantages réguliers du logiciel, nous perdons un temps fou au détriment du patient.

Je l'affirme, ce métier je l’aime et je continue à apprendre de jour en jour. Mais je supporte de moins en moins ces conditions de travail qui nous poussent dangereusement vers une erreur ou, tôt ou tard, pour les moins armés d'entre nous, vers le burn-out. Pourtant, cela ne fait que trois ans que je suis infirmière…

Julie  Infirmière diplômée d’état depuis 3 ans


Source : infirmiers.com