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Télésoin : "c’est dommage de ne pas recourir aux infirmiers qui sont déjà sur le terrain"

Publié le 12/04/2019
Télésoin :

Télésoin :

La télémédecine restée jusqu’alors à l’état embryonnaire en France commence à se faire doucement une place dans notre système de santé. Vues comme une alternative pour pallier les déserts médicaux, notamment dans les territoires ruraux, ou comme une déshumanisation des soins, certaines expérimentations récentes ont apporté des résultats encourageants, et les infirmiers n’y sont pas étrangers.

"On n’a pas besoin d’inventer une usine à gaz, tout ce qu’il faut faire c’est reconnaître le travail des infirmiers".

L’Assurance maladie vise 500 000 actes de téléconsultation en 2019 et 1 million en 2020, un objectif très ambitieux qui semble inatteignable sans la collaboration des infirmiers. D’autant plus que, pour l’instant, la réalité est tout autre : 8000 actes ont été comptabilisés sur les six derniers mois, toujours d’après la CNAM. Si le projet de loi Ma santé 2022 avait parmi ses objectifs de donner un coup d’accélérateur au développement de la télémédecine, au vu de ce constat, pas sûr que cela suffise. Même si, certains acteurs de terrain sont déjà très engagés dans ce domaine. Certains d’entre eux ont d’ailleurs récemment fait part de leur retour d’expérience lors d’un focus sur la santé numérique de demain organisé fin mars par le Groupe Profession Santé (dont le site infirmiers.com fait partie).

Parmi eux, le député du Loiret et professionnel de santé Jean-Pierre Door qui a mis en place une Association de télémédecine dans sa circonscription pour pallier le manque important de médecins généralistes (son canton faisant partie des zones les plus sous-dotées). On est passé d’une centaine de médecins à 55 sur un territoire de 140 000 habitants. On est passé de 15 000 appels aux services d’urgence il y a 8 ans à 60 000 aujourd’hui. De plus, 57% des personnes qui arrivent aux urgences n’ont pas de motif réel médical pour s’y rendre. Ils y vont pour de la bobologie ou un simple conseil, relate le député. Au vu de la situation, le parlementaire a décidé de créer une association de télémédecine avec des élus locaux. Dans les trois mois qui viennent, cette association réunira une dizaine de commune, la région ayant financé le matériel nécessaire au projet :  doppler, webcam, électrocardiogramme portatif, laryngoscope…

Néanmoins, les patients veulent quand même être reçu en téléconsultation par une "blouse blanche"  et cette blouse blanche nous l’avons trouvée chez les infirmiers, souligne Jean-Pierre Door. Il y a 130 infirmiers sur le territoire, et sur la base du volontariat 5 ou 6 infirmiers libéraux ont fait le choix, en plus de leur travail, de se former en pratique avancée  pour ensuite pratiquer dans ces cabinets de téléconsultation. Ces soignants sont, d’autre part, formés tous les mois via des réunions organisées à la mairie entre le médecin formateur et les paramédicaux. Il y est notamment question de l’interrogatoire du patient ou du DMP (dossier médical partagé) . Le député ajoute que, en parallèle de la loi santé, il a demandé à ce que soit défini un acte de téléconsultation pour les infirmiers . Jusqu’à maintenant, c’était pris en compte sous la forme de vacations. Ce qui représente, je l’avoue, des indemnités très faibles pour le travail qu’ils font. Apparemment, les négociations conventionnelles ont porté leurs fruits sur ce point car des revalorisations sont prévues à l’horizon 2020 .

Les infirmiers libéraux quadrillent l’ensemble du territoire. C’est dommage de ne pas recourir à une solution simple qui existe déjà !

Les infirmiers libéraux bientôt au cœur de la téléconsultation ?

Laïla Hamdouni, infirmière connectée comme elle se proclame elle-même : je préfère ce terme à infirmière augmenté car, pour ce qui est d’être augmenté on peut toujours rêver, ce n’est pas près d’arriver ! Elle s’estime toutefois satisfaite face au député dont le discours milite pour une reconnaissance des soins infirmiers. Quand un patient rentre à son domicile, c’est l’infirmier ou l’infirmière qui répond présent. On parle des déserts médicaux, personnellement j’habite dans une commune de 400 habitants, les médecins ne viennent pas. On construit des maisons de santé et personne ne vient ! C’est le constat actuel. Titulaire d’un diplôme universitaire à Paris-Diderot sur la Santé connecté, et actuellement infirmière hospitalière en Bourgogne-Franche-Comté, elle a été mandatée par l’ARS pour déployer un projet de télémédecine en ambulatoire dans sa région.

Je vois simplement ce qui est pratique et ce qui va servir au patient. Aujourd’hui on veut faire de plus en plus d’ambulatoire. Un cinquième de la population a plus de 60 ans, ce pourcentage s’élèvera à un tiers dans quelques années, ce n’est pas négligeable. Après c’est bien aussi de pouvoir vieillir chez soi. Mais quand on a un problème de santé, quand on a été opéré ou qu’on est suivi pour une maladie chronique, on a besoin d’un accompagnement humain à domicile. La solution : c’est les infirmiers. La soignante se permet à ce sujet une petite critique vis-à-vis des pharmaciens : On ne vous parle pas des pharmaciens qui vous ouvrent une cabine où vous mettez votre bras pour prendre la tension. Là on parle de soignants qui viennent à domicile, qui vous connaissent qui vous ont déjà suivi pour d’autres soins. On n’a pas besoin d’inventer une usine à gaz ! Tout ce qu’il faut faire c’est reconnaitre le travail des infirmiers. La collaboration infirmier-médecin-pharmacien, elle existe déjà, précise-t-elle. L’infirmier il est là au quotidien. Le socle est là. On met en place avec l’ARS les actes qu’il va pouvoir faire. On peut aller du dépistage, à l’éducation thérapeutique, ou au suivi des patients. Vous avez une pose de stent. Vous pouvez rester chez vous, le soignant passe vous faire un ECG via un appareil portatif, tout cela avec un coût très faible. C’est envoyé au cardiologue et on n’en parle plus. Pour un diabétique, on va demander à l’infirmier de passer pour vérifier votre taux de glycémie .

Face au côté déshumanisant reproché à la téléconsultation, l’infirmière n’est pas non plus dépourvue d’arguments. Quand j’entends dire des médecins qu'il leur faut toucher le patient, le voir en vrai… Laissez-moi vous dire qu’à l’hôpital les médecins "touchent" rarement les patients dans la journée, il n’y a pas de contact tactile avec eux. L’infirmière prend les constantes le matin, le midi, le soir, alerte et alarme les médecins qui vont recueillir les informations et les transmettre. Autre point mis en avant : la réduction potentielle des coûts. Quand on voit le prix des dispositifs, parce que c’est ce qui intéresse les ARS et l’Etat, ce n’est rien comparé à une journée d’hôpital. Il est important de se rendre compte de ce que l’on va pourvoir économiser. Avant de parler d’intelligence artificielle, commençons par parler d’intelligence humaine et collective.

Je fais cela en tant que bénévole comme les infirmiers en France qui vont chercher les médicaments, ou voir la petite mamie qui habite seule pour être sûr qu’elle va bien. C’est de la conscience professionnelle.

En Ehpad, la télémédecine fédérerait les équipes

De son côté, le Dr Isabelle Hauger, médecin coordonnateur en Ehpad en Gironde, a expérimenté la télémédecine dans 55 maisons de retraite avec l’appui de l’ARS de Nouvelle Aquitaine . Son bilan reste positif même si elle avoue ramer un peu. Elle souligne notamment que contrairement aux idées reçues la téléconsultation permet de fédérer davantage les équipes autour du parcours de soins des résidents. Elle a également remarqué que le fait de passer par un écran permet aux patients de s’exprimer plus sereinement : les résidents osent parler de leur pathologie au médecin, plus qu’en consultation présentielle, car ils n’ont pas peur de l’hospitalisation. Au début, la télémédecine était employée pour la prise en charge de plaies ou de troubles comportementaux mais, très vite, elle s’est généralisée pour toute sorte de problème de santé des plus anodins au plus sérieux, par exemple soins bucco-dentaires, troubles psychologique, affections de médecine générale, de cardiologie, soins palliatifs. La contribution de l’ensemble des personnels favoriserait les bonnes pratiques, la prévention et aussi la montée en compétences. Il y a des vrais échanges entre les soignants que ce soient les médecins, les spécialistes, les infirmiers, les aides-soignants, insiste-t-elle.

Cependant, tous les établissements ne se sont pas appropriés cette manière de faire, le nombre de téléconsultations passant de 0 à 80 en fonction de la maison de retraite. Et pour cause, cela nécessite une organisation et du temps. Or les professionnels de santé n’en ont que trop peu, surtout en Ehpad. Le Dr Hauger note le rôle important d’un coordonnateur de projet sur place pour impliquer davantage les personnels.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com