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AU COEUR DU METIER

Sursis parlementaire pour l’Ordre infirmier

Publié le 23/05/2011

Le député Yves Bur a déposé un amendement à la loi HPST pour la suppression de la cotisation des infirmiers salariés à l’Ordre. Il a été rejeté après un débat instructif, auquel a participé Xavier Bertrand et dont nous vous proposons quelques extraits choisis.

Extraits de la séance parlementaire du 18 mai 2011

Yves Bur (UMP) : La création de cet ordre repose sur un véritable malentendu entre le Parlement et les infirmiers et infirmières.

L’idée avait été avancée que la cotisation pourrait être uniquement symbolique : il avait été question de dix ou quinze euros dans les débats.

Or, il s’est avéré impossible de faire fonctionner a minima un ordre regroupant 500 000 personnes avec une si faible cotisation.

Aujourd’hui, il est donc en grande difficulté financière. Qui va payer ce passif ?
 

Nous avons deux possibilités :

  • soit, nous rendre à l’évidence et constater que les infirmières et infirmiers ne souhaitent pas réellement cet ordre – il faudra alors en tirer toutes les conséquences
  • soit, nous en remettre aux créanciers, qui se chargeront peut-être de faire un sort définitif à cet ordre.


Parallèlement, il s’est créé un Haut conseil des professions paramédicales. Ce haut conseil a mis du temps à émerger dans le paysage des professions paramédicales mais, aujourd’hui, il remplit parfaitement les missions pour lesquelles il a été créé : c’est un lieu de débat, de concertation, entre l’ensemble des professions paramédicales. Les décrets d’application de la loi HPST ont ainsi été débattus dans ce cadre à la satisfaction de tous.

Je vous propose de tirer les conséquences de cette inconséquence et de supprimer l’obligation pour les salariés d’adhérer à l’ordre infirmier.

M. Michel Issindou (groupe socialiste). (Les infirmières salariées) qui travaillent en hôpital public ont des règles de déontologie, des règles hiérarchiques à respecter et n’ont pas besoin d’un ordre. Elles sont déjà dans un contexte qui leur impose hiérarchiquement d’accomplir correctement leur mission.

Quand une mesure est à ce point impopulaire auprès de 500 000 personnes, c’est qu’il y a un problème. La preuve, c’est que les cotisations ne rentrent pas. Avec une cotisation de 75 euros, ce qui était considérable, la présidente de l’ordre estimait pouvoir encaisser 38 millions d’euros par an. C’était énorme et on lui avait demandé ce qu’elle allait en faire.

Que s’est-il passé pour ceux qui n’ont pas payé ? Ont-ils été interdits d’exercer leur métier, puisque c’était la menace ? Je n’imagine pas que celle-ci soit mise en œuvre. On a donc d’un côté une opposition forte, de l’autre côté un ordre qui n’est pas respecté parce qu’il a voulu imposer des choses.

M. Xavier Bertrand (ministre). il fallait tout simplement respecter l’esprit de la loi. Cela n’a pas été fait. La cotisation n’est pas le seul problème. La profession a droit, dans sa reconnaissance, au rôle spécifique que peut jouer un ordre.
Des maladresses ont été commises. On bâtit un budget en fonction non pas de sa vision ou de ses prévisions, mais de ce que l’on a et de ce que l’on reçoit.

Depuis ma nomination, nous avons régulièrement des contacts avec la présidente de l’ordre notamment et nous avons été très clairs : soit les choses sont rectifiées, on a de la visibilité et vous revoyez la cotisation, soit le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement Bur.

Je pense que c’est une profession qui mérite un ordre, qui a besoin de la structuration permise par celui-ci, et que ce n’est pas parce que cela s’est mal passé depuis le départ qu’il faut aujourd’hui rejeter en bloc cette instance. Si on peut sauver l’ordre, je pense que cela en vaut la peine.

M. Jean-Pierre Door (UMP). Si l’on fait une différence entre salariés et libéraux, pourquoi ne pas la faire dans les autres ordres nationaux, ceux des médecins, des vétérinaires, des pharmaciens, des dentistes, des notaires et autres ? Posons donc clairement la question : sommes-nous pour ou contre les ordres professionnels ?

M. Jean-Luc Préel (Nouveau Centre). Le principe d’un ordre, c’est de réunir à la fois les libéraux et les salariés, qui ont les mêmes problèmes de déontologie, d’éthique, de formation. Sinon, l’ordre n’a plus aucun sens. S’il est réservé aux libéraux, alors il est plus logique de le supprimer.

Mme Catherine Lemorton (groupe socialiste). C’est un débat qu’il faut ouvrir : les ordres professionnels sont-ils pertinents ? Cela vaut pour les avocats, les notaires, les architectes. Va-t-on obliger un salarié architecte à cotiser même s’il ne veut plus de son ordre alors que l’infirmière salariée ne sera pas obligée de le faire ? Ce n’est pas raisonnable.

M. Richard Mallié (UMP). S’agissant de la suppression des ordres, que ne l’avez-vous votée entre 1981 et 1986, entre 1988 et 1993, entre 1997 et 2002 ? Si vous ne l’avez pas fait, c’est que vous saviez très bien que cela n’était pas possible. En effet, l’ordre c’est le ciment d’une profession, qu’il s’agisse des infirmiers, des podologues, des masseurs-kinésithérapeutes, des pharmaciens, parce que c’est le garant de la déontologie, de la discipline.

Tout comme M. le ministre, sur la demande du président Méhaignerie, avec Bérengère Poletti, nous avons participé à une mission de médiation, mais ce n’était pas du tout évident car les élus ordinaux au niveau national de cet ordre étaient un peu dans leur bulle. C’était aux mois de mai, juin 2010
le conseil national de l’ordre a enfin compris le problème et que l’on va se tourner vers une cotisation annuelle plus conforme à ce que nous avions évoqué en 2006.
Il faut attendre car les choses vont se dénouer dans les semaines qui viennent.

M. Yves Bur. Je ne vois pas où est la démocratie dans le fait d’imposer à 500 000 infirmières un ordre qu’elles n’ont jamais souhaité !
Par ailleurs, je ne crois pas un instant qu’un ordre auquel l’on cotise pour quinze euros soit viable.

Soit nous attendons que les créanciers se manifestent – ce qui arrivera nécessairement avec des cotisations à quinze euros – et que l’ordre se retourne alors vers les pouvoirs publics pour demander de l’aide ; soit cet ordre parviendra à prospérer grâce à l’adhésion des personnels salariés ; soit enfin, il aura recours aux voies judiciaires pour obtenir les adhésions, comme le fait, non sans problèmes d’ailleurs, l’ordre des kinésithérapeutes.
Aujourd’hui, dans les hôpitaux, les préoccupations des infirmières sont tout autres, et il existe des enjeux bien plus importants que l’adhésion à un ordre dont personne ne veut.

M. Xavier Bertrand. Rien n’est sûr pour l’heure. Il faut aller au bout de la démarche engagée avec le conseil national.


Serge CANNASSE
Rédacteur en chef Infirmiers.com
serge.cannasse@izeos.com


Source : infirmiers.com