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Soignants : quelle qualité de vie au travail ?

Publié le 20/05/2014
soignants pause salle de repos

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La Haute autorité de santé (HAS) a publié sur son site internet les conclusions des travaux qu'elle mène depuis 2010 avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) sur la qualité de vie au travail dans les établissements de santé.

Repartir de l'organisation elle-même et de la capacité qu'a l'ensemble des acteurs à discuter du travail

Ce travail de longue haleine, commencé en 2010 et achevé en 2013, est résumé dans cinq documents. L'un retrace la démarche globale, et les autres résument les conclusions de trois groupes de travail (établissements de santé, experts-visiteurs de la HAS et organisations syndicales de salariés) et celles d'un séminaire conclusif qui a eu lieu en juillet 2013. La démarche de la HAS et de l'Anact sur la qualité de vie au travail a été participative, et s'est appuyée sur des espaces de travail croisés afin de conduire une démarche pluri-acteurs d'introduction des enjeux de la qualité de vie au travail dans la certification des établissements de santé, résume la note du groupe de travail établissements. La méthode de travail est au moins aussi importante que les résultats, et vise à construire au fur et à mesure, et à positionner tout le monde ensemble en conditions d'apprentissage, a expliqué vendredi Véronique Ghadi, chef de projet au service développement de la certification de la HAS, lors d'un entretien à l'APM.

Ce travail sur la qualité de vie au travail a nécessité de modifier la manière dont les conditions de travail sont souvent appréhendées. Quand on est sur une approche concernant les risques psycho-sociaux [RPS], on va être axé sur les risques individuels, et à partir d'une situation difficile, trouver des axes d'amélioration [...] avec un effet secondaire ou indésirable [qui consiste] parfois à chercher des boucs émissaires, a estimé Véronique Ghadi. Là, on repart de l'organisation elle-même et de la capacité qu'a l'ensemble des acteurs à discuter du travail. Notre hypothèse, c'est qu'à partir du moment où on met les acteurs autour de cette question du travail et du 'bien-travailler', on va avoir un effet positif sur la santé au travail et sur la prévention des risques psycho-sociaux, a précisé la chef de projet. Notre angle d'attaque est vraiment le travail, et de se dire qu'il faut qu'on se réintéresse au contenu du travail lui-même et à ses conditions de réalisation.

Le pari de la HAS est ambitieux, affirme dans le document retraçant l'ensemble de la démarche. Il s'agit de faire en sorte que la certification puisse aider les dynamiques locales de construction de la qualité, soutenir le développement d'une culture de la discussion sur le travail et sur la qualité du travail à tous les niveaux, avec la volonté d'articuler qualité des soins, bientraitance des patients et qualité de la vie au travail. Dans la nouvelle procédure de certification des établissements de santé, dite V2014, le compte qualité devra traduire les efforts des établissements de santé en la matière, mais sans établir de normes précises. Interrogée sur le fait que des hôpitaux déjà fortement sous contrainte, avec parfois un dialogue social difficile, et devant rendre des comptes sur de multiples indicateurs, n'auraient peut-être ni le temps ni les outils pour se pencher sur cette question, Véronique Ghadi répond qu'au contraire, s'ils ne le font pas, ils vont dans une impasse. Ce qu'on défend avec l'Anact, c'est que c'est justement parce qu'il y a ces contraintes aujourd'hui qu'il devient urgent d'aborder ces sujets-là. Sinon on va épuiser les professionnels, les directions, les établissements. C'est une manière de pouvoir prendre du recul.

A partir du moment où on met les acteurs autour de cette question du travail et du "bien-travailler", on va avoir un effet positif sur la santé au travail et sur la prévention des risques psycho-sociaux...

Un enjeu en matière de dialogue social

Lors des travaux, au vu du contexte, les organisations syndicales [disaient être] dans une impasse parce que les négociations salariales n'existent plus et parce qu'on est sur des approches 'souffrance'. Et quand on parle de souffrance, tout le monde se raidit. Il y a un véritable enjeu à aller rediscuter du travail lui-même, a assuré Véronique Ghadi. Selon elle, ce constat est partagé par les fédérations d'établissements avec lesquelles la HAS a commencé à travailler sur le sujet et qui se disent qu'elles sentent bien que les établissements ne vont pas pouvoir proposer des conditions de salaires ou des évolutions de carrière extraordinaires et qu'il va falloir soigner cette qualité du travail.Il faut parvenir à recréer du dialogue social. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, ni d'un coup de baguette magique, mais il faut trouver des endroits où on arrive à trouver d'autres manières d'échanger entre organisations syndicales et directions, a estimé la chef de projet.

Les travaux de la HAS et de l'Anact ont aussi mis en lumière la difficulté de mobiliser les médecins sur le sujet. Véronique Ghadi y voit trois raisons :

  • ces praticiens ont plutôt été formés en vue d'un exercice individuel de leur profession "donc ils ont toujours une difficulté à entrer dans des apports plus collectifs";
  • ils ont "parfois une appréhension insuffisante de l'impact de leur propre travail sur le travail des autres" ;
  • enfin ils "font souvent preuve d'une grande pudeur sur leurs propres difficultés".

Des syndicats de médecins ont cependant participé aux travaux, notamment le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof), Samu-Urgences de France et le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHAR-E). "Ils ont dit à quel point ces sujets-là étaient centraux pour leurs organisations", a noté la responsable. Le groupe de travail qui a réunit, de mars 212 à avril 2013, 11 établissements de santé, résume ainsi la finalité des travaux : L'hypothèse fondatrice renvoie à l'idée qu'à un sentiment de travail "bien fait" correspond un sentiment de qualité de vie au travail. C'est à l'inverse le sentiment de perte de reconnaissance du travail ou du sens au travail qui est problématique et dangereux pour la qualité des soins.

La qualité de vie au travail s'intéresse au travail lui-même, à ses conditions de réalisation...

Dans sa note, le groupe propose quelques préalables. Ainsi, "la qualité de vie au travail :

  • a pour objectif de redonner de la cohérence dans les projets de l'établissement, en visant le bien-être des salariés et la qualité des soins (sens du travail)
  • n'est pas l'apanage d'une direction ou d'un service mais est transversale à l'ensemble des projets et actions développés au sein des établissements de santé
  • s'appuie sur une participation de l'ensemble des professionnels, prenant en compte l'aspiration et les contraintes de chacun
  • nécessite un dialogue social régulier
  • s'intéresse au travail lui-même, à ses conditions de réalisation
  • repose sur une confiance accordée à chacun pour effectuer au mieux les tâches qui lui incombent et organiser son travail
  • se construit dans un séquencement: court terme, moyen terme, long terme".

Cette première phase du travail commun entre HAS et Anact s'achève avec la publication de ces travaux, et une deuxième phase s'ouvre. Nous devons élargir le portage politique sur ce sujet, et le donner à voir. Nous sommes en lien avec la DGOS [direction générale de l'offre de soins], les fédérations d'établissements, la direction générale de la fonction publique, et nous aimerions commencer à tisser des liens plus étroits avec les ARS [agences régionales de santé], ne serait-ce que pour aller tous dans le même sens, a précisé à l'APM Véronique Ghadi. Elle a insisté également sur le travail très spécifique mené avec les fédérations d'établissements pour construire du matériau qui les aide, elles, à accompagner les établissements et leur donner du concret : Nous voudrions arriver à raconter des histoires, à donner à voir des expériences concrètes qui se sont déroulées dans des établissements, pour donner envie et permettre à d'autres de s'en saisir.


Source : infirmiers.com