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GRANDS DOSSIERS

Sécurité des soignants : prévenir, former, équiper...

Publié le 27/05/2013
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La Directive européenne visant à renforcer la sécurité des soignants devait être transposée dans chaque Etat membre au plus tard le 11 mai 2013. Elle scelle les obligations des employeurs du domaine de la santé vis-à-vis de leurs salariés exposés aux blessures par objets piquants, potentiellement contaminés par divers pathogènes dont le VIH et l'Hépatite C. Rappels des points clés à retenir suite à un symposium organisé sur le sujet par BD (Becton, Dickinson & Company) le 18 avril dernier.

Publi-information du laboratoire BD (Becton, Dickinson & Compagny) – 27 mai 2013

Accident d'exposition au sang pour le personnel soignant

Ce symposium d'information intitulée « Sécurité des personnels soignants » 1 a réuni une centaine de personnes, principalement des professionnels du secteur hospitalier public en charge des questions de sécurité, d'hygiène, de médecine du travail et de la gestion des dispositifs médicaux (DM). L’occasion de rappeler que les facteurs clés de réussite d'une stratégie de prévention sont le choix du matériel adapté, l'adhésion du personnel, la formation périodique et l'implication de tous les acteurs concernés dans l'établissement.

Les enjeux de la Directive européenne

Trois ans : c'est le délai dont disposaient les Etats membres de l'Union Européenne, dont la France, pour transposer en droit national la Directive 2010/32/UE du 10 mai 2010 portant sur l'application de l'accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire. Trois ans pour mettre en œuvre des stratégies de prévention des risques et diffuser une « culture de la sécurité » partagée par les personnels soignants et leurs employeurs.

Les Etats-Unis ont une législation de ce type depuis 12 ans, a expliqué Fiona Garin, responsable Europe du programme Sécurité Soignant de BD. Si certains pays n'ont pas attendu pour introduire dans leur code du travail et leur législation des exigences fortes en la matière, cette nouvelle directive apporte un référentiel commun en matière de sécurité au travail des personnels de santé. Surtout elle précise et renforce les dispositions minimales destinées à combattre et prévenir les Accidents Exposants au Sang (AES), un problème de santé publique, encore minimisé et auquel les personnels infirmiers sont les premiers exposés. L'Union Européenne estime que les piqûres d'aiguilles accidentelles sont à l'origine de plus d'un million de blessures chaque année en Europe2. En France, ce sont 100 à 300 AES3 qui se produisent chaque jour. Le risque de se blesser apparaît encore trop souvent normal, comme un banal « risque du métier ». Pourtant comment garantir des soins sûrs aux patients si la sécurité des soignants elle-même n'est pas assurée ?

Cette nouvelle directive apporte un référentiel commun en matière de sécurité au travail des personnels de santé.

Des situations variées selon les pays

Au 11 mai, les 27 pays membres de l'UE doivent avoir une législation locale ayant au minimum le même contenu que la Directive, rappelle Fiona Garin. Obligation de mener une évaluation des risques, utilisation de dispositifs médicaux sécurisés et interdiction du recapuchonnage font partie de ce tronc commun. Les établissements doivent réduire au maximum le nombre d'accidents, même s'ils ne provoquent pas d'infection. Cette obligation de résultat, pouvant s'assortir de sanctions dans certains pays en cas de non-respect, est une avancée considérable pour la sécurité des soignants en Europe, même si elle arrive tard.Qui, dans le bâtiment, imaginerait encore de travailler sans casque ? Les rythmes de mise en conformité avec la Directive varient cependant d'un pays à l'autre, comme l'a exposé Fiona Garin lors d'un état des lieux de la transposition dans les pays de l'UE. Une loi plus stricte que la Directive existait déjà en Espagne et en Allemagne, ainsi qu'aux Pays-Bas depuis un peu plus d'un an. En Autriche, en Suède et au Royaume-Uni, la loi résultant de la transposition de la Directive a déjà été publiée, pour une entrée en vigueur au 11 mai et prévoyant l'obligation d'utiliser des DM sécurisés. Dans les autres pays, le projet de transposition a été publié, à l'exception notable de l'Italie et de la France. Les taux de conversion aux dispositifs médicaux sécurisés diffèrent aussi sensiblement selon les pays. Plus de 40 % des établissements de santé européens utilisent des DM de sécurité pour le prélèvement et l'infusion, mais avec des variations importantes, les grands pays ayant des taux de conversion nettement plus élevés. L'Allemagne et l'Espagne sont les plus convertis, le Benelux et le Royaume-Uni les moins convertis. Les pays d'Europe Centrale restent en retard. La France se situe quant à elle à mi-chemin, avec toutefois une conversion plus élevée dans le secteur public que dans le privé. Elle est l’un des plus mauvais élèves de l’Europe pour l’injection - avec un taux d’utilisation des DM sécurisés d’environ 2 % seulement 4 - et le prélèvement sanguin dans les laboratoires de biologie médicale privés (moins de 10%) 5.

L'injection constitue pour Fiona Garin un sujet de préoccupation majeur. La prise de conscience du risque lié à cet acte est faible, alors qu'un accident sur trois découle d'une piqûre d'injection, dont une sur six contaminée avec du sang. L'accident n'est déclaré que dans un cas sur deux lorsque la blessure est causée par une aiguille d’injection 6alors qu'une goutte suffit pour transmettre une infection ». « Ce qui compte est donc de pouvoir obtenir et mesurer une baisse effective du nombre d'accidents dans les établissements au cours des années à venir, conclut Fiona Garin.

C'est précisément le défi que s'est lancé le Dr Mazon Cuadradao, Responsable du département Santé au travail de l'Hôpital Universitaire de Fuenlabrada, Madrid (Espagne). Comment mettre en place et appliquer des indicateurs fiables de suivi et de prévention des AES ? Il recommande une gestion des risques par processus,car les politiques de qualité actuelles en matière de gestion hospitalière passent par des processus.De 2007 à 2010 il a étudié le nombre d'accidents biologiques par spécialité, identifiant ainsi les unités où avaient lieu 80 % de ces accidents. Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas aux urgences qu'une majorité d'entre eux se produisaient, les services les plus touchés étant l'obstétrique-gynécologie, la médecine interne, la chirurgie générale et digestive, suivies de la médecine intensive et des urgences.

Comment mettre en place et appliquer des indicateurs fiables de suivi et de prévention des AES ?

Une diminution notable des AES en 5 ans

Une fois déterminés les lieux où se produisent le plus fréquemment les AES et les personnels touchés, il s'est efforcé de mesurer l'impact de l'introduction des dispositifs médicaux sécurisés, en analysant le taux d'accidents pour 100 lits et le taux d'accidents pour 100 personnels soignants. Les données issues de ces deux indicateurs, cohérentes, ont montré une réduction notable des taux d'AES aussi bien percutanés que mucocutanés entre 2006 et 2011, suite à l'implantation des DM sécurisés7.

Mais comment s'assurer du retour sur investissement généré par ces nouveaux matériels ? Un paramètre statistique a permis de le mesurer. Pour la première fois, les chiffres ont permis de montrer la réduction des accidents : 1 accident percutané évité pour 22 soignants et 1 accident mucocutané évité pour 88 soignants. Avec ces études, nous savions désormais que les dispositifs sécurisés étaient efficaces, nous savions où et comment avaient lieu les accidents et quel matériel était impliqué. Pour aller plus loin, à savoir éviter que les accidents ne se produisent, le Dr Mazon Cuadradao a mis en place un essai, avec le soutien de BD et d'une compagnie d'assurances. Un exemple concret de gestion des risques par processus - ce dernier étant défini par une union séquentielle de décisions et de tâches faites par un ensemble de personnes. L'essai portait sur l'utilisation d'un cathéter veineux périphérique (CVP) sécurisé. Les personnels disposaient d'une carte de process, décrivant l'utilisation du CVP, les lieux de l'hôpital concernés, l'opérateur, etc. ainsi que d'une matrice de risque (du plus au moins fréquent, du plus au moins acceptable). L'étude a montré le contrôle satisfaisant du risque lié à l'utilisation d'objets tranchants à l'hôpital Fuenlabrada. L'utilisation généralisée de dispositifs sécurisés y assure un faible niveau de risque aux professionnels de santé.

Des freins restent souvent à lever : au niveau de la direction de l'hôpital, ou des achats par exemple, préoccupés par le coût de ces nouveaux matériels, comme au niveau des personnels soignants, parfois réticents au changement. Si le prix d'achat du matériel est plus élevé au départ - il est cependant passé de 3 fois à 1,5 fois plus cher en moyenne selon le Dr Mazon Cuadradao -, l'investissement est rentabilisé par la diminution des AES et des coûts associés : coûts des examens biologiques, des traitements et des arrêts de travail, sans parler de l'impact émotionnel, impossible à chiffrer... Ainsi la conversion peut même aboutir à une économie selon Fiona Garin, qui appelle à une « vision globale » sur la question des coûts.

Des freins restent souvent à lever : coût des nouveaux matériels, réticences au changement des personnels soignants...

Impliquer le personnel dans le choix du matériel

Certes la « culture de la sécurité » pousse davantage d'infirmiers et de médecins à déclarer, ce qui peut donner au départ le sentiment d'une augmentation des AES. Aujourd'hui, dans mon hôpital, 90 % des accidents sont déclarés, témoigne le Dr Mazon Cuadradao. Il faut précisément le voir comme un progrès, le signe d'une prise de conscience accrue et d'une meilleure maîtrise du risque. L'impulsion du management est fondamentale pour la conduite du changement, d'autant que la conversion aux DM sécurisés ne peut être graduelle, elle doit se faire en bloc avec un délai défini. La participation des salariés au choix des nouveaux matériels est également un facteur clé de succès car « cela génère de l'adhésion », conclut-il.

L'acceptation et la bonne utilisation des dispositifs sont aussi et surtout conditionnées par la formation. Sans formation, on peut avoir le meilleur produit au monde, le risque subsiste toujours, résume le Dr Kenneth Strauss, Directeur médical de BD Diabetes Care. Si les dispositifs médicaux non sécurisés sont une source majeure d’accidents, tous les dispositifs médicaux sécurisés ne se valent pas. Il faut notamment s'assurer qu'ils protègent à la fois des accidents percutanés et mucocutanés. De même, toutes les formations ne sont pas équivalentes. Elles doivent revêtir une bonne qualité théorique et pratique mais aussi viser l'ensemble des personnels concernés, y compris le personnel d'entretien, exposé lors du remplacement des conteneurs d'aiguilles par exemple. Elles doivent enfin s'inscrire dans la durée, pour entretenir le niveau de connaissance et d'adhésion et lever les réticences de certains.

Véronique Barre, Conseillère prévention des risques professionnels à l'Hôpital Antoine Béclère (AP-HP), a ainsi organisé dans cet établissement la formation de 1500 personnes entre 2007 et 2011. A l'introduction d'un nouveau DM, la formation gagne à être effectuée par l'entreprise fabricante car elle est extérieure à l'établissement et a un discours standardisé. Elle sait comment le produit a été pensé et doit être utilisé.Suite à l'implémentation de la seringue prémontée avec aiguille sécurisée BD Eclipse, Véronique Barre n'a plus relevé d'AES pour les gaz du sang ni la glycémie capillaire. Elle note l'avantage des aiguilles sécurisées de nouvelle génération par rapport aux anciennes, les nouvelles pouvant être recouvertes à une seule main et non deux. Le problème de la sous-déclaration des AES reste en revanche important surtout chez les médecins, pourtant exposés aux blessures par aiguilles de suture ou bistouri.

L'acceptation et la bonne utilisation des dispositifs sont aussi et surtout conditionnées par la formation.

Conduite d'un essai de nouveau DM

Comment tester un nouveau matériel et le comparer à l'existant ? C'est l'objet d'un essai comme celui mené par Cyril Béranger, pharmacien à l'hôpital militaire de Sainte-Anne à Toulon. Il faut d'abord choisir la pharmacie adaptée à la conduite des essais et trouver les bons partenaires pour l'implémentation et le suivi. Nous faisons des tests de deux à trois semaines avec chaque matériel étudié dans le cadre de l'appel d'offres. Dans tous les essais, nous impliquons les industriels qui délivrent une très bonne formation théorique et pratique, explique-t-il. Le test se termine par une réévaluation du produit de référence. Depuis son évaluation initiale, une pratique peut avoir évolué, rendant utile cette mise à jour et permettant une comparaison optimale avec le nouveau matériel. Le rapport d'essai est « très attendu », non seulement des industriels mais aussi des médecins impliqués ou non dans les tests.

La procédure d'achat pour le Service de Santé des Armées obéit à des règles spécifiques, expliquées par Mme Caire-Maurisier, pharmacien au DAPSA Orléans (Direction des Approvisionnements en Produits de Santé des Armées). Responsable de l'achat des dispositifs médicaux, elle dispose d'un interlocuteur dans chaque établissement, qu'elle rencontre chaque trimestre. Un consultant national est également chargé d'arbitrer les décisions d'achats. De 2010 à 2011, Mme Caire-Maurisier a travaillé au renouvellement des CVP sécurisés, un besoin important correspondant à 370 000 unités par an, pour 9 Hôpitaux d'Instruction des Armées et les opérations extérieures. Etablir les rôles du prescripteur et de l'acheteur est important pour programmer et anticiper les achats. Il faut aussi bien connaître le marché fournisseurs, indique-t-elle. Si les personnels soignants intervenant pour l'armée lors d'opérations extérieures sont souvent sensibilisés aux AES, du fait de leur exposition à des populations sensibles, c'est loin d'être le cas de tous les professionnels de santé. Certains actes de soins, pourtant à risque, restent plus banalisés que d'autres.

Dans tous les essais, nous impliquons les industriels qui délivrent une très bonne formation théorique et pratique.

Injection d'insuline : une infirmière sur trois s'est déjà piquée

Le cas le plus flagrant est sans doute celui de l'injection d'insuline. La petite taille de l'aiguille et le fait que les personnes diabétiques ne sont pas particulièrement considérées comme à risque font partie des raisons de cette banalisation, d'après le Dr Kenneth Strauss, Directeur médical de BD Diabetes Care. Sur 30 millions d'injections d'insuline en Europe tous les jours, 3 millions sont réalisées en milieu hospitalier. Selon une étude réalisée auprès de 634 infirmières (37 en France) dans 13 pays d'Europe occidentale et en Russie 8, une infirmière sur trois s'est piquée accidentellement lors d'une injection d'insuline à l’hôpital (43 % en France) et une sur dix s'est piquée avec l'aiguille côté cartouche. L'incidence des AES parmi les soignants pratiquant des injections chez les patients diabétiques est aussi importante, voire supérieure à celle d'autres services. De plus les pratiques à risque persistent. Ainsi lors du remplacement de l'aiguille du stylo injecteur, 57,3 % la dévissent avec les doigts. Dans 29,5 % des cas, c'est en recapuchonnant l'aiguille que les infirmières se sont piquées accidentellement, un geste que la nouvelle Directive proscrit. Or, après l'injection d'insuline, on trouve la présence de matériel biologique dans l'aiguille, non seulement de cellules d'épiderme9 mais aussi de cellules sanguines dans 4,1 % des aiguilles usagées10 lesquelles peuvent être contaminantes. De plus, comme l'a montré l'étude, la prévalence des pathogènes transmis par le sang chez les patients diabétiques est égale ou supérieure à celle retrouvée chez les individus sains ou ceux atteints d'autres pathologies. Ces données, accompagnées d'une revue de la littérature, ont servi de support à 34 recommandations, discutées par 57 experts de 14 pays lors de l'atelier WISE11 à Bruxelles en octobre 2011. Ces recommandations sur la sécurité des injections lors du traitement du diabète en milieu hospitalier ont été publiées dans Diabetes & Metabolism et présentées lors de la 22e journée annuelle du GERES en décembre 2012 à Paris.

Les experts à l'origine de ce travail recommandent l'usage d'aiguilles courtes, de 4 et 5 mm, et sécurisées. Ils ont établi les caractéristiques du « dispositif sécurisé idéal » pour les injections dans le traitement du diabète. Ils se sont enfin intéressés à la question du coût. Selon eux,des études coût-efficacité suggèrent que les économies réalisées grâce aux réductions d'AES suite à l'utilisation de dispositifs sécurisés, peuvent compenser les coûts additionnels dus à l'achat de ces dispositifs. Toutefois, si les technologies appliquées aux DM jouent un rôle important dans la sécurité des professionnels de santé, elles sont insuffisantes si elles ne sont pas associées à une « culture de la sécurité », entretenue par des formations renouvelées périodiquement. Ce qu'a confirmé l'une des participantes au symposium BD, travaillant dans un hôpital public parisien : Nous avons 10 à 30 AES par an, la fourchette basse étant atteinte quand l'effort de formation et d'éducation est plus important. Depuis la conversion aux dispositifs sécurisés, nous n'avons plus d'AES liés aux stylos à insuline, ajoute-t-elle.

Pour conclure

Si la transposition de la Directive est l'occasion de rappeler que ces accidents sont évitables, elle implique aussi de passer des paroles aux actes, en prenant dans les établissements de santé toutes les mesures ayant démontré leur efficacité dans la réduction des AES et en diffusant les bonnes pratiques auprès de l'ensemble des professionnels de santé.

BD (Becton, Dickinson Compagny) http://www.bd.com/fr/


Source : infirmiers.com