Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

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ETHIQUE

Replacer l’humanité au cœur du soin

Publié le 27/03/2014

Qu’en est-il aujourd’hui de ce que l’on nomme parfois « vocation », ou ce que l’on ressent plus communément comme cette force, cette disposition à faire du bien autour de soi ? Où est ce moteur qui, loin de faire de nous des héros (ou des bonnes sœurs), nous donne l’envie d’illuminer la journée de personnes en difficulté, alors même qu’elles sont au crépuscule de leur vie ?

Les moyens donnés au soignant

Pour tout soignant, le prendre soin est une disposition constante. C’est d’abord une intention.

Certes ce désir d'aider l'autre, de le soigner, est en chacun de nous, soignants. Mais en milieu hospitalier n’est-il pas réduit, bien souvent recroquevillé dans un coin de notre esprit, assailli par des conditions de travail de plus en plus difficiles ? Il semble évident qu’un rythme de travail soutenu, avec des contraintes de temps, accompagné de responsabilités croissantes et de tâches administratives exigeantes, est générateur de stress et d’épuisement chez le soignant et donc peu favorable à l’épanouissement de notre humanité la plus profonde. 

Aussi, pouvons-nous directement attribuer les limites des soins relationnels à la conjoncture économique. Les contraintes de rendement et d’efficacité sont en effet en contradiction avec le soin relationnel qui impose du temps, de l’écoute, des échanges... Le soin relationnel est alors "technicisé", utilisé comme un simple "outil" facilitateur du soin.

De plus, la profession infirmière n’a cessé d’évoluer. En effet si elle a gagné beaucoup d’avantages en termes de responsabilité, d’indépendance, de prise de décision, de reconnaissance, elle a également évolué de pair avec la société, à présent plus individualiste, avec moins de lien social. Cependant, gardons-nous bien de faire des généralités hâtives car chaque soignant réagit individuellement de manière bien différente.

Les contraintes de rendement et d’efficacité sont en effet en contradiction avec le soin relationnel qui impose du temps, de l’écoute, des échanges...

La volonté individuelle du soignant

En effet, alors que certains soignants vont ressentir un tel écart entre leur idéal d’exercice professionnel et la réalité du terrain qu’ils vont se trouver en épuisement professionnel, d’autres vont se protéger à l’extrême et ainsi déshumaniser leurs soins.

Il n’est pas question ici d’avoir une vision manichéenne de la profession, chacun vit tout cela, de même que nous avons tous nos propres qualités et défauts, et que la formation infirmière ne fait que nous inculquer les valeurs soignantes propres à la profession. Cela dit, chacun peut choisir de développer, ou non, ses qualités humaines (dans la mesure où les conditions le lui permettent). Et heureusement, beaucoup le choisissent. Cependant, dans certains cas, le prendre soin n’est-il pas choisi ? N’y a-t-il pas inconsciemment le choix du patient qui en bénéficiera ? Il y aurait alors décision de celui qui mérite - ou non - d’avantage d’attention, selon qu’il éveille en nous des émotions, ou peu, voire pas du tout. Ainsi est-ce que par affinité personnelle (pas répréhensible en soi, nous sommes humains !) d’après l’âge, la similitude avec la situation d’un de nos proches, ou encore le comportement du patient (cette fois en contradiction avec notre éthique) nous étions plus ou moins humains ?

Chacun peut choisir de développer, ou non, ses qualités humaines. Et heureusement, beaucoup le choisissent.

Une question au-delà d'un tabou...

Pour revenir sur ce dernier point, le comportement du patient n’est pas toujours analysé, et la catégorisation est un écueil dans lequel il est déconseillé de tomber. Prenons l’exemple du patient « demandeur » ou « râleur ». Des conflits mal désamorcés, on ne le sait que trop, prennent vite dégénérer. Des situations qui mériteraient des discussions éthiques sont expédiées. Des comportements non compris peuvent même conduire au rejet du soignant. Prenons l’exemple de la colère d’un patient. Ne peut-elle pas être analysée et comprise ? (à ne pas comprendre comme accepter de la violence à son égard).  Après réflexion sur la cause d’un refus de soin ou d’une agressivité, ne peut-on pas comprendre une étape dans le processus de deuil, et ainsi aider le patient à la dépasser ? Le soignant fait preuve d’une réelle humanité lorsqu’il tente de comprendre une situation qu’il n’a jamais vécue. Et c’est son rôle primordial. Dès lors, il est de notre devoir de ne pas juger celui qui « mérite » ou non notre attention.

Le soignant fait preuve d’une réelle humanité lorsqu’il tente de comprendre une situation qu’il n’a jamais vécue.

Le prendre soin en équipe

Le prendre soin est une disposition constante. C’est d’abord une intention. En milieu hospitalier, c’est aussi prendre soin de ses collègues. Mêler vie professionnelle et vie personnelle peut avoir des avantages comme la cohésion de l’équipe, en revanche si cela créé des affinités, cela peut aussi être source de rejets. Le jugement de valeur et le non dit peuvent être source de souffrance pour certains. Dans les services, c’est aussi prendre soin des étudiants en soins infirmiers. Cela se manifeste par la volonté de les aider dans leur progression, et non par un comportement agressif et non constructif. C’est par notre attitude que nous devons servir d’exemple et transmettrons à notre relève les valeurs qui nous sont chères.   

Pour conclure...

Côtoyer la souffrance, la fin de vie et la mort, ne nous donne-il pas une vision différente de la réalité, nous permettant alors de discerner ce qui est réellement important de ce qui ne l’est pas ? N’est-ce pas, avec détermination et optimisme, replacer l’humanité au cœur du soin ?

Agnès Le QUANG  Infirmière


Source : infirmiers.com