L'application du dispositif licence-master-doctorat (LMD) aux professions paramédicales et aux sages-femmes est légitime mais serait "coûteuse pour les finances publiques et sociales", selon un rapport commun de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale de l'administration, de l'enseignement supérieur et de la recherche (IGAENR) rendu public mardi.
L'Igas, l'IGAENR et deux conseillers généraux des établissements de santé, Dominique Acker et Dominique Noiré avaient été chargés en septembre 2007 d'une analyse exhaustive des conséquences d'une adaptation du cursus LMD aux études et à la formation des paramédicaux mais leur rapport était attendu pour fin janvier 2008 afin d'engager le mouvement de réforme dans la foulée, rappelle la lettre de mission annexée au rapport, signée par Roselyne Bachelot, Valérie Pécresse, Eric Woerth et André Santini.
Dans leur synthèse, les auteurs du rapport considèrent que cette démarche, prévue au niveau européen dans le processus de Bologne engagé en 1999, répond à une attente forte des étudiants et des professionnels concernés et qu'elle "constitue une perspective positive, légitime et fructueuse".
Ils recommandent de la mettre en oeuvre graduellement, en proposant un calendrier étalé sur cinq ans, selon trois orientations: faire le choix d'une universitarisation maîtrisée, tout en respectant les spécificités des différentes professions concernées et en conduisant une "nécessaire clarification avec l'échelon régional".
Le coût total de sa mise en oeuvre pourrait avoisiner 3,058 milliards d'euros sur cinq ans, ce à quoi il faudrait ajouter un surcoût de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 90 millions d'euros par an.
La mission souligne que le périmètre de la réforme est large, puisqu'il concerne (hors formation des sages-femmes), les deux certificats de capacité d'orthophoniste et d'orthoptiste, et les sept diplômes d'Etat d'audioprothésiste, d'infirmier, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue, d'ergothérapeute, de psychomotricien et de manipulateur d'électroradiologie médicale.
Elle note en effet que pour les autres professions paramédicales (opticiens-lunetiers, prothésistes et orthésistes et diététiciens), le diplôme concerné (BTS ou DUT) est déjà intégré au dispositif LMD tandis que pour les techniciens de laboratoire d'analyse de biologie médicale (LABM), le BTS constitue déjà la voie principale de recrutement.
SORTIR LA FRANCE DE SON ISOLEMENT EUROPEEN
D'emblée, la mission observe que la France serait "de plus en isolée si elle se maintenait dans un système sans aucun lien avec l'université et le dispositif LMD", alors que de nombreux pays se sont engagés dans cette voie conformément au processus de Bologne, en permettant aux étudiants de poursuivre leur cursus dans un autre Etat membre de l'Union européenne, comme la Suède, la Norvège, mais aussi la Pologne, la Bulgarie, l'Espagne et l'Italie.
Elle souligne la légitimité de l'inscription des professions paramédicales et de la profession de sage-femme dans le cadre du dispositif LMD, d'abord en raison du symbole fort de la reconnaissance du niveau licence (bac+3) aux diplômes paramédicaux, et des avancées du dispositif en termes de possibilités de réorientation professionnelle (passerelles), de reprise des études et de spécialisation, de mobilité en cours de formation initiale ou ultérieure sur le territoire de l'Union, et de qualité dans la transmission des connaissances.
Par ailleurs, une telle réforme pourrait permettre de "revisiter" le contenu et les méthodes de formation des professions de santé concernées, selon la mission, qui entrevoit une série d'améliorations possibles, dont le partage d'un tronc commun d'enseignement en économie, éthique et sciences humaines, l'instauration de passerelles entre les filières d'études médicales et paramédicales, la conception de formations supérieures (masters 1 ou 2) et d'un doctorat permettant le développement de la recherche clinique.
PRESERVATION DU CARACTERE PROFESSIONNEL
La mission recommande ainsi d'instaurer des passerelles entre les formations médicales et paramédicales, et de constituer des unités d'enseignement mutualisées assurant des formations communes.
Elle pose plusieurs conditions à l'universitarisation des études paramédicales, dont "la préservation impérative d'un contenu et d'une finalité professionnelles à ces formations".
S'agissant des infirmiers et infirmières, la mission rappelle que le niveau actuel de recrutement (pour l'essentiel le bac professionnel ou aides-soignantes en formation professionnelle) doit "conduire à écarter toute formule qui ferait courir le risque d'une formation élitiste ou trop abstraite" et assurer le maintien de la promotion interne, tout en faisant "toute sa place" à la validation des acquis par l'expérience (VAE).
Pour ces raisons, la mission conseille pour cette profession de réserver l'admission en master à un nombre limité de personnes et de restreindre l'accès au grade de docteur.
NEGOCIATIONS A PREVOIR DANS LE PUBLIC ET LE PRIVE
Le rapport détaille des "répercussions financières en cascade aboutissant à un coût substantiel pour les finances publiques".
Le coût de la mise en oeuvre, calculé sur cinq ans, est estimé à 2,6 milliards d'euros pour la fonction publique hospitalière (FPH), à 58,8 millions d'euros pour la fonction publique d'Etat et les collectivités territoriales et à 400 millions d'euros pour le secteur médico-social privé.
La mission envisage notamment l'impact du passage en catégorie A des professionnels concernés, en particulier pour la FPH, et l'évolution des honoraires des paramédicaux libéraux, qui pourrait représenter un surcoût annuel pour l'Ondam de 90 millions d'euros.
Elle recommande la tenue d'une concertation avec les organisations syndicales pour déterminer notamment le champ des bénéficiaires de la réforme (soignants en poste quel que soit la date d'obtention du diplôme, étudiants en cours de formation, diplômés relevant du nouveau schéma LMD), et le niveau de revalorisation des rémunérations.
Une négociation devrait également intervenir dans le secteur privé ambulatoire, portant notamment sur la réduction du volume d'actes, un "nouvel engagement fort" sur la répartition des professionnels sur le territoire, la délégation de tâches et "un engagement de formation supplémentaire continue avant d'accéder à la revalorisation tarifaire".
Evaluation de l’impact du dispositif LMD sur les formations et le statut des professions paramédicales (817.4 ko)
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