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Réforme de la psychiatrie : Les soignants lancent deux pétitions

Publié le 16/12/2008

Par ailleurs, quatorze organisations représentant les psychiatres, les soignants, les établissements hospitaliers, les patients et les familles ont publié vendredi un communiqué pour formuler les cinq axes d'un futur projet de loi de réforme de la psychiatrie.

Un Collectif de soignants en psychiatrie, regroupant trente-neuf psychiatres, infirmiers, psychologues et travailleurs sociaux, s'oppose, dans leur pétition lancée dimanche, à "une relance de la politique de la peur" et "des mesures sécuritaires inacceptables" justifiées "en amalgamant la folie à une pure dangerosité sociale" et en "assimilant d'une façon calculée la maladie mentale à la délinquance".

"Il aura suffi d'un fait divers dramatique pour relancer une politique de la peur dont le projet de centres de rétention de sûreté tout comme les soins sans consentement en ambulatoire sont le parachèvement".

"Alors que les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l'inégalité croissante de l'accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d'innovation, une seule réponse leur a été opposée : attention danger, sécurisez, enfermez, obligez, et surtout n'oubliez pas que votre responsabilité sera engagée en cas de 'dérapage'".

Les signataires soulignent que les personnes atteintes de troubles psychiques sont davantage victimes de violences qu'elles n'en commettent.

"Le rapport de la commission 'Violence et santé mentale' dénombre qu'en 2005, sur 51.411 mis en examen dans des affaires pénales (crime ou délit) 212 ont bénéficié d'un non-lieu pour irresponsabilité mentale, c'est à dire 0,4 % des crimes et délits ! Mais en revanche, la prévalence des crimes violents contre les patients psychiatriques est 11,8 fois plus importante que par rapport à la population générale. La proportion des vols à leur encontre est 140 fois plus importante !".

Ils affirment leur refus de "trahir [leur"> responsabilité citoyenne et [leur"> éthique des soins dans des compromissions indignes et inacceptables", "de voir la question des soins psychiques réduite à un pur contrôle sécuritaire criminalisant outrageusement la maladie mentale" et "d'être instrumentalisés dans une logique de surveillance et de séquestration".

Dans un point de vue publié dans l'édition datée de samedi du quotidien Le Monde, vingt-cinq personnalités, psychiatres, infirmiers, élus et chercheurs dénoncent également "la politique de la peur" et proposent d'élaborer "un manifeste constituant un front du refus".

LES AXES DE REFLEXION DE QUATORZE ORGANISATIONS POUR "GARDER LA RAISON"

Quatorze organisations (intersyndicale de psychiatres publics Idepp et Casp, conférence des psychiatres CME-CHS, fédérations FHF et Fehap, association des établissements Adesm, associations de patients Fnapsy et de familles Unafam notamment) adoptent un ton plus mesuré, sans méconnaître l'émotion suscitée par le discours du président de la République.

Elles regrettent "la focalisation excessive sur les seules questions d'ordre public et de sécurité", qui a "beaucoup surpris l'assistance" à Antony.

Elles citent aussi le rapport d'Anne Lovell sur violence et santé mentale pour souligner que "l'immense majorité des 1.500.000 personnes qui chaque année ont recours aux services de psychiatrie ne présente aucun danger, vivent dans la cité et sont avant tout des citoyens qui souffrent de leur pathologie".

Se voulant "constructifs", les signataires formulent des axes de réflexion pour un futur projet de loi qui devrait constituer "une explicitation de la politique en psychiatrie et santé mentale" dans "une approche globale" comprenant les travaux de la commission Couty sur l'organisation ses soins -qui doit rendre ses conclusions d'ici la fin 2008 à la ministre de la santé, Roselyne Bachelot- et une réforme sanitaire de la loi du 27 juin 1990.

Ils demandent "la poursuite de l'humanisation des hôpitaux psychiatriques en matière de réhabilitation des locaux et des infrastructures", en soulignant que "les moyens de sécurité matériels ne remplaceront jamais un personnel compétent en nombre suffisant", une spécialisation des personnels infirmiers pour assurer "la transmission du savoir faire infirmier en psychiatrie", des "mesures spécifiques" sur la démographie médicale et un "soutien effectif des familles et des proches aidant les personnes malades".

PETITION POUR UN DEUXIEME PLAN DE SANTE MENTALE

Une deuxième pétition, lancée le 7 décembre par des psychiatres et des soignants de Seine-Saint-Denis et baptisée "nouvel appel de Bondy", demande un nouveau plan de santé mentale en quinze points "intégrant dans un seul ensemble la psychiatrie et les continuateurs de son action que sont l'action sociale et médico-sociale (les soins et la vie sociale de la personne étant ainsi intégrés dans son contexte de vie)".

Ces demandes s'adressent particulièrement à la commission Couty.

L'hospitalisation sous contrainte doit être "rare et de courte durée" (dix jours maximum), en supprimant toute référence à la dangerosité dans la loi.

Les signataires proposent de "reconvertir dans les 5 ans tous les grands hôpitaux psychiatriques (...) `en soins diversifiés en ville', dont 20 lits par secteur dans des 'cliniques de service public' où seront réunis les lits de 2 à 3 secteurs, chacun disposant d'une équipe mobile d'accueil, assurant ainsi les urgences", de contractualiser avec des psychiatres libéraux et de revaloriser le statut des psychiatres du service public.

Ils demandent la création d'une "Agence régionale de santé mentale" regroupant psychiatrie, action sociale, et médico-sociale et la création d'établissements publics locaux de santé mentale, avec un responsable administratif délégué à chaque secteur pouvant gérer les activités sanitaires, sociales et médico-sociales.

Ils demandent aussi la création d'une spécialisation des infirmiers en psychiatrie, des formations conjointes et la création sans délai d'un "Institut de recherche sur le bilan de 48 ans de la psychiatrie de secteur dans ses liens avec l'action sociale"

Il faut installer des conseils locaux de santé mentale réunissant les acteurs de la cité, soignants, travailleurs sociaux, élus locaux, usagers et familles.

Ce groupe de soignants avait lancé une première pétition en avril 2006, "l'appel de Bondy contre la destruction de la psychiatrie publique et de secteur".


Source : infirmiers.com