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Recherche : « Mourir à domicile : de gré ou de force? »

Publié le 14/04/2016

Dans le cadre de son Diplôme Universitaire « Éthique et pratiques de la santé et des soins », Laure Praud, infirmière libérale depuis une dizaine d'années, a mené un travail de recherche sur le thème « Mourir à domicile : de gré ou de force? ». Elle souhaite aujourd'hui le partager avec la communauté d'Infirmiers.com et nous l'en remercions..

Fin de vie : comment respecter le choix du patient ?

Laure débute ainsi son travail de recherche : « Le choix du malade concernant le lieu de sa fin de vie ne reste souvent qu’un souhait. Que ce souhait soit de mourir à domicile ou à l’hôpital, cette interrogation est généralement posée en amont de toute maladie et de tout questionnement sur le sujet. Or, il paraît évident que pour tout un chacun en bonne santé, nous souhaiterions majoritairement, si la question nous était posée, passer nos derniers instants chez nous, dans notre univers familier, entourés de nos proches, plutôt que dans une chambre banale d’un établissement de santé, entourés d’anonymes. Sans expérience réelle de la maladie, seule la projection que nous en faisons dans notre imaginaire nous aide à faire ce choix.

L’étude de l’INED (Institut national d’études démographiques) réalisée en 2010 indique que près de 7 personnes sur 10 décèdent dans un établissement de santé. En revanche, l’étude IFOP (Institut français d’opinion publique) réalisée la même année, atteste que 81% des Français souhaiteraient passer leurs derniers instants chez eux. Aussi est-il permis de s’interroger sur les motifs et les difficultés qui expliquent ce fossé entre le souhait réel du malade et les chiffres factuels.

Au vrai, nous ignorons si ce choix demeure ou s’inverse face aux conséquences de la maladie et à l’approche de la fin de vie. Car c’est bel et bien la connaissance du souhait des malades en fin de vie qui nous intéresse afin de pouvoir le comparer avec l’état actuel des choses. Connaître le choix des malades en fin de vie et le comparer avec les chiffres effectifs nous donnerait un réel indicateur sur le respect du choix du patient. À défaut, puisqu’une telle entreprise est difficilement réalisable (et encore que… il s’agirait là d’aborder le sujet de la fin de vie avec celui qui y est confronté), nous ne pouvons qu’analyser et faire l’amer constat que, trop souvent, le choix du malade concernant le lieu de sa fin de vie n’est pas respecté. La pratique des soins palliatifs est en effet très révélatrice de cette réalité. Ceci amène alors à s’interroger sur les raisons qui sont à même de rendre difficile le respect du choix du patient.

En quoi le respect du choix du malade concernant son lieu de fin de vie est rendu difficile ?

Tout d’abord, le respect du choix du malade concernant son lieu de fin de vie est rendu difficile par son inconstance. En effet, au cours de la maladie et des difficultés qui y sont liées, ce choix n’est pas sans se modifier. La maladie amène son lot d’incertitudes, de sentiment d’insécurité et rend le malade versatile dans ses désirs. Autrement dit, il n’y a pas de souhait défini de manière absolue. Il faudrait se permettre d’aborder la question à de nombreuses reprises au cours de la maladie, et aussi se donner les moyens d’écouter. Ensuite, les exigences économiques des établissements de santé, notamment en unité de soins palliatifs, contraignent le personnel de santé à renoncer aux souhaits des patients désirant passer leur fin de vie à l’hôpital. Car il ne faut pas perdre de vue que si pour certains, l’hôpital est synonyme de lieu étranger, inhospitalier et déshumanisé, pour beaucoup d’autres, notamment les personnes isolées, mais pas seulement, les personnes fragilisées que la maladie a rendues vulnérables, les établissements de soins peuvent alors être synonymes de réassurance face à leur solitude et leurs angoisses, et également synonyme de proximité avec le soin (première partie).

Enfin, le souhait du malade n’est pas non plus celui de ses proches. Or, on imagine à quel point la collaboration de l’entourage et son investissement sont nécessaires et indispensables afin d’assurer une fin de vie sereine à domicile. Très souvent, j’ai rencontré des patients désireux de rentrer au domicile et un entourage totalement réfractaire à cette idée. L’entourage se sent dépassé, voire incapable d’assumer la fin de vie d’un proche au domicile. Le manque d’accompagnement des aidants naturels favorise ce fossé entre les prises en charge palliatives à domicile et celles des établissements de santé. Parfois, il y a également une sorte de déresponsabilisation de l’entourage qui s’en remet au personnel soignant, se persuadant que ce dernier est plus à même de mener à bien cet accompagnement de fin de vie. On ressent bien ici la difficulté de pouvoir concilier le souhait du malade avec celui de son entourage car si celui-ci n’est pas en mesure d’assumer l’accompagnement de la fin de vie de son proche, on peut aisément deviner les difficultés que cela peut poser sur la qualité du maintien à domicile (deuxième partie).

De ces difficultés, nous n’analyserons pas celle liée et imbriquée à la maladie elle-même, à savoir l’inconstance du souhait du malade. Il paraît difficile de pouvoir interagir au cœur de cette inconstance puisqu’elle résulte inexorablement des conséquences de la maladie elle-même. Néanmoins, elle est implicitement liée aux deux autres difficultés et sera donc traitée indirectement, en ce sens qu’elle demande une attention de tous les instants de la part des proches et des soignants. De même qu’il n’existe pas de souhait absolu et inconditionnel, il n’existe pas non plus de souhait unanime et identique pour tous les malades. Bien au contraire, il existe une avalanche de souhaits et de désirs, qui s’opposent et qui évoluent au fil de la maladie en tentant de s’accorder et de s’harmoniser au mieux ».

Lire le mémoire « Éthique et pratiques de la santé et des soins »

Aurélie TRENTESSE  Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com  @ATrentesse


Source : infirmiers.com