Le ministère des Solidarités et de la Santé a publié une "fiche ARS" dévoilant les préconisations à suivre pour organiser au mieux les services de réanimation en cas d’une potentielle seconde vague de l’épidémie de coronavirus. Pour ce travail, il s’est majoritairement appuyé sur les principaux constats effectués lors de la première vague en mars-avril. Le texte regroupe les hypothèses d’évolution possibles et la marche à suivre en fonction de celles-ci.
Depuis la fin du pic épidémique d’avril 2020, des capacités suffisantes doivent être maintenues sur tout le territoire pour répondre aux appels dans les SAMU-centre 15, soigner les patients et prévenir une augmentation rapide du nombre de personnes à prendre en charge.
C’est pourquoi le ministère des Solidarités et de la Santé vient de publier une fiche technique énonçant les principales recommandations pour organiser au mieux les services de réanimation en cas de rebond épidémique. Le texte détaille la préparation attendue de la part des ARS et des établissements de santé autorisés à la réanimation pour y faire face.
Les préconisations reposent sur trois hypothèses distinctes dépendant de l’ampleur de l’épidémie : l’une prévoit une faible activité virale et un besoin de 5 000 lits de réanimation au niveau national soit l’équivalent de 12 100 admissions, une autre dite intermédiaire
chiffre le besoin à 8 500 lits soit 20 650 admissions estimées, et la dernière (qui table sur des conditions similaires à celles d’avril 2020) évalue le nombre de lits nécessaires à 12 000 ce qui représente 29 143 admissions.
Ainsi, afin d’anticiper une seconde vague qui pourrait être potentiellement couplée avec les épidémies hivernales (notamment de grippe), le document explique que les ARS se sont dotées de stratégies s’organisant le plus souvent en 3 palier (image ci-dessous). Ces différents niveaux varient du quasi-normal
à la situation de crise
telle que celle rencontrée en avril 2020. L’important reste de parvenir à concilier le nombre de lits de réserve ou réversibles
nécessaire en cas d’afflux massifs de nouveaux patients, la mise en place de site exceptionnellement autorisés à la réanimation et aussi le besoin de maintenir une activité en dehors des cas de Covid-19. Cette dernière devrait être d’autant plus forte qu’elle doit pourvoir aux déprogrammations de mars à avril dernier et gérer également les exigences liées aux épidémies hivernales.
Pour le ministère, un des enjeux en cas de rebond épidémique sera de conserver tout de même un accès suffisant pour les patients non-covid. Pour cela, les établissements devront recourir à des services modulaires pouvant se "transformer" rapidement en unités de réanimation.
CP : ministère de la Santé
L’évaluation du besoin s’appuie sur les modélisations mises en place et sur le suivi des indicateurs d’activité.
Organiser des espaces de "réanimations éphémères"
Selon la fiche, la situation décrite lors de la première vague ne doit pas se reproduire. En effet, le recours aux salles opératoires et aux SSPI pour l’accueil de patients covid ne peut constituer une solution systématique
mais être un des derniers recours. D’après le document, chaque ARS et chaque établissement devraient réfléchir à la mise en place de dispositifs de réanimations éphémères
.
Plus précisément, il s’agirait de prévoir en amont la création de nouvelles unités spatiales de réanimation en fonction des scenarii envisagés. Il faudra également articuler l’ouverture de ces unités avec une déprogrammation progressive
.
Déploiement du personnel
Les retours d’expérience de la première vague démontrent que les rotations rapides des soignants d’une unité à l’autre doivent être évitées car elles empêchent l’émergence d’équipes stables et fonctionnelles. A l’inverse, le texte conseille d’instaurer une formation préalable dans les futurs locaux d’exercice si c’est possible. Les lieux en question doivent être adaptés et regroupés pour une configuration optimale. De même, la note conseille de mixer les équipes issues de réanimations pérennes avec les personnels en renfort au début de la crise afin de constituer un pool unique dévolu au soin critique. En outre, il parait primordial d’instituer des ratios d’infirmiers et d’aides-soignants plus favorable pour le temps de la montée en charge
et d’organiser des équipes de suppléance infirmiers en soins critiques.
En parallèle, afin de renforcer les effectifs des établissements de manière efficace quand le besoin est acté, le ministère met l’accent sur la mise en place d’une réserve régionale. Il rappelle que si, lors de la première vague, cela a été organisé via la réserve sanitaire et via des appels au volontariat, les dispositifs peuvent être améliorés. Les ARS ont donc pour beaucoup déjà identifié des professionnels volontaires pour venir en appui à la gestion de crise au niveau de leur région
. Les établissements doivent ainsi mettre à jour des listings opérationnels des personnels soignants pour venir renforcer les services du territoire. Sur ces listes figurent notamment les professionnels ayant quitté les services de réanimation récemment, les étudiants IADE de 1ère et 2ème année, quasi exclusivement issus des services de réanimation, les ESI de 2ème et de 3ème année qui ont réalisé des stages en service de réanimation ou encore les retraités. Pour le ministère, l’important est de pouvoir fiabiliser les listes de volontaires au moyen de fichiers de recensement et d’optimiser le dispositif de la réserve sanitaire notamment en y ajoutant un volet dédié aux soins critiques.
Nombre de soignants nécessaires à apporter en renfort en fonction de la situation (source : le ministère de la Santé)
Pour éviter à nouveaux des pénuries de matériel, des stocks d’Etat ont été constitués. Cela concerne les respirateurs comme les pousses seringues, les pompes à nutrition ou certains dispositifs médicaux. En ce qui concerne ces derniers, une régulation de leur distribution par les fabricants a été mise en œuvre. D’autres part, pour certains dispositifs médicaux jugés critiques
une plateforme de suivi des stocks a été réalisée dans les hôpitaux.
CP : Ministère de la Santé
Quoi qu’il en soit, en cas de résurgence de la pandémie, il sera essentiel de revenir à des remontées rapides d’information sur l’occupation des lits en réanimation et l’évaluation des capacités d’accueils disponibles. Par conséquent, un suivi épidémiologique et un suivi capacitaire concernant le nombre de lits installés en réanimation s’avèrent plus qu’essentiels.
Les dix propositions des CNP de réanimation
Pour rédiger ces préconisations, le ministère s’est appuyé sur le bilan de la première vague mais pas seulement. Il a également pris en compte les dix propositions émises par les collèges nationaux professionnels (CNP) de médecine intensive et d'anesthésie-réanimation. Parmi elles, ceux-ci proposaient l’ouverture de tous les lits de réanimation actuellement fermés faute de personnel soignant (estimation environ 550/600 lits), argumentant que cela permettrait d’arriver à une capacité d’environ 5600 lits. Les CNP préconisaient également d’accroître le ratio de soignants, estimant que celui-ci devait passer d’un infirmier pour 2,5 lits de réanimation à un IDE pour 2 lits avec une montée en charge dès le mois de septembre
. Ce renforcement impliquerait le recrutement de 3000 à 3500 IDE préalablement formés selon le référentiel des compétences. Enfin, ils avaient aussi suggéré un recensement dans chaque établissement de personnels compétents exerçant en réanimation et d’optimiser l’accès à des formations complémentaires.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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