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PSYCHIATRIE

Quid de la prise en charge des patients en soins sans consentement à l'IPPP ?

Publié le 24/02/2017
Couloir d

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Le rapport de la mission de l'Assemblée nationale d'évaluation de la loi de 2013 sur les soins psychiatriques, rendu public le 15 février 2017, dévoile les dessous de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (IPPP), qui accueille des patients en soins sans consentement alors qu'elle n'a pas le statut d'établissement de santé.

Un rapport dévoile les dessous de l'infirmerie psychiatrie de la préfecture de police de Paris (IPPP).

L'IPPP a été créée en 1872 après la Commune de Paris, et est situé à proximité du centre hospitalier (CH) Sainte-Anne. A Paris, ce n'est pas le maire, mais le commissaire de police, qui est habilité à prendre des mesures de soins psychiatriques sans consentement provisoires, sous l'autorité de la ville de Paris représentée par le préfet de police, rappelle-t-on. L'IPPP, qui dépend donc directement de la préfecture de police de Paris et dont le personnel médical et soignant est salarié de la préfecture, fait régulièrement débat.

La loi de santé du 26 janvier 2016 prévoyait que, dans un délai de six mois, le gouvernement présente au Parlement un rapport sur l'évolution de l'organisation de l'IPPP pour sa mise en conformité avec le régime de protection des personnes présentant des troubles psychiques et relevant de soins psychiatriques sans consentement. Ce rapport est toujours attendu. La mission de l'Assemblée nationale d'évaluation de la loi de 2013 sur les soins psychiatriques , rapportée par Denys Robiliard (socialiste, Loir-et-Cher) et Denis Jacquat (Les Républicains, Moselle), qui a rendu son travail le 15 février, a cherché à lire ce document, a précisé à APMnews Denys Robiliard, en marge de la conférence de presse de présentation du rapport. Mais, comme les députés l'écrivent à l'issue de leur mission, à défaut de transmettre à l'Assemblée ledit rapport en bonne et due forme, le gouvernement a fourni aux rapporteurs un document, transmis au ministère de l'intérieur par la préfecture de police en juin 2016, intitulé 'Éléments pour le rapport au Parlement relatif à l'évolution de l'organisation de l'infirmerie psychiatrique près la préfecture de police de Paris. Les députés, qui ont par ailleurs visité l'IPPP dans le cadre de leur mission, diffusent de très larges extraits de ce document, qui justifie l'existence et la légalité de l'infirmerie.

Jusqu'à 16 personnes simultanément

L'IPPP a reçu 1 800 personnes en 2016, parmi lesquelles un tiers de personnes en état de grande précarité, écrivent les députés. Les patients lui sont adressés par un commissaire de police qui s'appuie soit sur un avis médical d'un service d'urgence hospitalier (SAU), soit sur un certificat médical des urgences médico-judiciaires (UMJ) établi à l'occasion des cas de gardes à vues.

L'unité fonctionne en permanence et peut accueillir jusqu'à 16 personnes simultanément. Sa direction médicale est assurée par un médecin-chef, assisté d'un médecin-chef adjoint, tous les deux psychiatres. L'équipe médicale est par ailleurs composée de quatre internes (trois spécialisés en psychiatrie et un interne spécialisé en médecine légale), d'une équipe de médecins de garde et de cinq médecins seniors titulaires, tous vacataires, détaillent les députés. Une permanence est assurée en continu par un médecin certificateur afin de s'entretenir avec les patients reçus. Le personnel de l'IPPP est par ailleurs composé de cadres de santé , d'infirmiers , de personnels surveillants chargés d'assurer la sécurité ainsi que d'un régisseur, ajoutent-ils.

Les députés expliquent qu'à leur arrivée, les personnes font l'objet d'un examen somatique, prennent une douche et sont placées en chambre de sûreté dépourvue de sanitaires. Le patient est pris en charge pour un examen médical et une observation d'une durée de 24 heures. Durant ce laps de temps, il est examiné par un médecin de garde et fait l'objet d'un nouvel entretien. A l'issue de l'entretien, le patient peut, selon son état de santé, sortir (45% des cas).

Dans les trois quarts de ces situations, il est réentendu par un officier de police judiciaire, la sortie libre ne concernant que le quart restant. Le patient peut aussi faire l'objet d'une admission sur décision du représentant de l'État, précisent-ils. En 2016, 491 admissions ont été prononcées, ce chiffre étant en constante diminution depuis 2011 (690), notent-ils. Ils précisent aussi que l'IPPP a  formalisé sa coopération avec le centre psychiatrique d'orientation et d'accueil (CPOA) du centre hospitalier Sainte-Anne dans le cadre d'une convention signée le 17 juillet 2015 avec l'AP-HP [Assistance publique-hôpitaux de Paris].

"Les mêmes droits et garanties que dans les établissements de santé"

Citant le document de la préfecture de police, les députés rapportent que les personnes conduites à l'IPPP y bénéficient des mêmes droits et garanties que dans les établissements de santé spécialisés en psychiatrie. Ainsi, dès leur arrivée, elles sont informées de leurs droits via notamment la charte d'accueil et de prise en charge des personnes conduites à l'infirmerie psychiatrique, qui est systématiquement distribuée, et qui existe en six langues, et également en version audio.

Par ailleurs, l'information des patients admis à l'IPPP s'agissant de leur état de santé est toujours effectuée de manière appropriée à cet état, et leurs observations sur les modalités de soins sont systématiquement sollicitées et prises en considération dans la mesure du possible […].

La famille des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne peuvent également avoir une place centrale dans l'exercice de ces droits, puisqu'ils peuvent être exercés à leur demande, est-il souligné dans le document.

L'infirmerie psychiatrique a évolué ces dernières années pour venir faciliter l'exercice des droits des personnes admises, en améliorant la qualité d'accueil et les conditions matérielles de prise en charge des personnes, de leur famille, et de leurs avocats ou médecins, fait également valoir le document.

L'existence d'un registre isolement/contentions

Le document de la préfecture de police détaille aussi que des registres sont tenus au sein de l'IPPP pour permettre de contrôler les conditions dans lesquelles est garanti l'exercice des droits et libertés des personnes qui y sont conduites. Il évoque l'existence d'un registre mentionnant les droits que les présumés malades ont demandé à exercer [qui] permet d'établir la traçabilité de ces demandes, un autre qui permet aux présumés malades ou à leurs proches de noter leurs réclamations et leurs observations et un registre des contentions.

Lors de leur déplacement à l'infirmerie, les députés ont pu constater l'existence de ce dernier registre, relatent-ils dans leur rapport. Ils indiquent qu'il précise le nom du médecin prescripteur, les motifs et les modalités de la mesure (durée, évaluation régulière de l'état du patient, traitement associé -étant précisé que, selon le Dr Eric Mairesse, médecin-chef de l'IPPP, seuls 10% des traitements administrés dans cette infirmerie sont parentéraux). Ils expliquent aussi, suite à leur visite, que la contention est presque systématiquement pratiquée à l'IPPP, pendant une quinzaine de minutes à l'arrivée des patients en raison de leur agitation. Si leur état médical le justifie, de nouvelles mesures de contention peuvent être décidées, pour une durée maximale de six heures, conformément au projet de recommandations de la HAS en la matière -étant précisé qu'elles sont évaluées toutes les deux ou trois heures.

Ils écrivent également que le recours à l'isolement est systématique, l'infirmerie ne disposant que de chambres fermées, afin d'éviter toute fugue. Les patients sont placés dans une chambre d'isolement dotée d'un bouton d'appel et pouvant comporter un ou deux lits -étant précisé que les mineurs sont toujours seuls dans leur chambre. Les patients sont toujours accompagnés par au moins deux personnes pour se rendre aux sanitaires, poursuivent-ils.

Lors de leur visite également, il [leur] a été expliqué que les patients revêtaient systématiquement un pyjama à leur arrivée, à la fois par souci de sécurité (pour vérifier s'ils ne détiennent pas d'objet dangereux) et par souci de santé (leur mise à nu pouvant permettre de diagnostiquer des lésions, ecchymoses ou dermatoses).


Source : infirmiers.com