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IDEL

Quid de la clause de non concurrence dans les contrats de collaboration

Publié le 19/03/2015
infirmière libérale voiture

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Se créer une clientèle lorsqu'on est infirmier(e) libéral(e) est un travail long et difficile.
 C’est pourquoi de nombreux contrats de collaboration prévoient une clause de concurrence. L’objectif de la clause est d’éviter que le collaborateur détourne à son profit une clientèle durement acquise lorsqu’il quittera le cabinet de l’infirmier(e) titulaire. Explications.

La clause de non concurrence doit être rédigée avec tact et mesure pour protéger les intérêts de l’infirmier(e) 
titulaire tout en permettant au collaborateur de s’installer librement.

En général ces clauses de non concurrence visent un lieu plus ou moins vaste et une durée plus ou moins longue. Mais que valent-elles alors que dans le même temps la loi du 2 août 2005 dite "Loi Jacob", en faveur des petites et moyennes entreprises, indique que le collaborateur doit pouvoir développer une clientèle personnelle. En effet, comment peut-on articuler le droit dont dispose tout collaborateur de développer une clientèle personnelle avec le droit légitime d’un(e) infirmier(e) titulaire de protéger sa propre clientèle ?

Si l’on s’en tient aux recommandations de l’Ordre national des infirmiers (ONI), la clause de non concurrence n’a pas sa place dans les contrats de collaboration, elle n’y figure même pas ! La raison invoquée est que le Code de Santé Publique interdit le détournement de clientèle (article 4312-42 du code de santé publique). Cela suffirait donc à garantir les droits de l’infirmier(e) titulaire. Pour autant, en inclure une dans le contrat de collaboration serait-il contraire à la loi ?

Dans une affaire opposant deux infirmières libérales (cf Cass civ 1ère 16 octobre 2013) (1), l’infirmière libérale titulaire avait conclu avec une infirmière collaboratrice deux contrats de collaboration dont le dernier en date du 13 mai 2009 comportait une clause interdisant l’exercice de l’activité dans la commune où était situé le cabinet et dans un rayon de dix kilomètres alentour et ce pendant une durée de 5 ans. La Cour de cassation sanctionne la clause non pas dans son principe mais dans son étendue. En effet , pour la Cour de cassation la clause insérée dans le contrat en date du 13 mai 2009 bien que justifiée par un motif légitime, était prévue pour 5 ans, délai supérieur aux usages de la profession; que compte tenu de l’obligation faite à l’infirmière libérale par l’article 4312-42 du code de la santé publique de ne pas démarcher la clientèle de l’infirmière libérale, elle a pu en déduire que cette clause par sa durée était susceptible de porter une atteinte grave au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et que dès lors sa licéité n’apparaissait pas caractérisée. La clause de non concurrence n’est donc pas sanctionnée en tant que telle mais bien parce que trop longue et non conforme aux usages. Mais les usages, quels sont-ils ?

Un usage peut se définir comme une pratique professionnelle répétée constituant une habitude. L'usage est une source potentielle de droit. Pour que l'usage soit source de droit il faut qu'il soit ancien, constant, notoire et général. La jurisprudence les reconnaît ; ainsi les usages loyaux et constants d'une profession s'imposent à un professionnel de cette profession (cf : Cass.com. 13 mai 2003) (2). Faut-il alors considérer que le contrat type proposé par l’ONI est créateur d’usage et qu’en conséquence aucune clause de non concurrence ne peut être insérée dans un contrat de collaboration ? Rien n’est moins sur !

L'ONI rappelle en préambule de son modèle de contrat que la « la liberté contractuelle est un principe fondamental en droit civil français. Ainsi les parties qui envisagent de signer un contrat sont libres des engagements qu’elles y font figurer dès lors que notamment, le consentement des parties qui s’obligent est avéré et sous réserve du respect des dispositions légales et réglementaires ». Par conséquent, dès lors que les deux parties y consentent librement, que le collaborateur est toujours en mesure de continuer à assurer les soins de sa propre patientèle (le plus souvent au domicile des patients), et que rien dans la loi n’interdit d’inclure dans le contrat une clause de non concurrence, cette clause peut continuer à figurer dans les contrats de collaboration pour autant qu’elle n’empêche pas le collaborateur de travailler et de continuer à développer sa propre patientèle.

La plus grande prudence doit donc être de mise dans la rédaction de cette clause si l’infirmier(e) titulaire veut pouvoir l’invoquer, étant entendu que lorsque la clause est licite, elle est en général d’interprétation stricte. L’enjeu est important pour l’infirmier(e) titulaire qui souhaite protéger sa clientèle car en cas de détournement de clientèle (sanctionné par le Code de la Santé Publique), la preuve de ce détournement sera à la charge de l’infirmier(e) titulaire, preuve qui n’est pas forcément facile à rapporter.

Il peut donc être parfois plus facile de faire respecter une clause de non concurrence, même restreinte, plutôt que de devoir faire appel à des enquêteurs pour s’assurer qu’il n’y pas de détournement de clientèle, d’autant plus que le libre choix du patient peut être opposée par le collaborateur. La clause de non concurrence n’est pas la solution parfaite pour empêcher un détournement de clientèle mais devrait permettre d’en limiter les possibilités.

Ce qu’il faut retenir

  • La clause de non concurrence est toujours valable dans les contrats de collaboration, 
mais ne peut pas être imposée au collaborateur qui peut la refuser.
  • Elle doit être rédigée avec tact et mesure pour protéger les intérêts de l’infirmier(e) 
titulaire tout en permettant au collaborateur de s’installer librement.

Notes

  1. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 octobre 2013, 12-23.333, Inédit
  2. Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 13 mai 2003, 00-21.555, Publié au bulletin

Maître Christelle CHOLLET  Avocat au barreau de Pariswww.cchollet-avocat.com


Source : infirmiers.com