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IDEL

Quand l’hygiène laisse à désirer…

Publié le 28/06/2016

Règle d’or de l’exercice infirmier, le respect de l’hygiène des soins se transforme parfois en véritable casse-tête pour les infirmiers libéraux quand l’hygiène du patient et de son environnement de vie n’est pas au rendez-vous. Un véritable défi qu’ils savent relever grâce à leur capacité d’adaptation, mais face auquel ils doivent aussi parfois savoir dire non. Merci à la revue Avenir & Santé de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) pour ce partage.

Une réalité qui dépasse parfois l’entendement

La démarche d’éducation à l'hygiène de base exige à la fois du temps et de la négociation pour emporter l’adhésion du patient.

Les conditions de travail des IDEL sont parfois compliquées par le manque d’hygiène à domicile. En débutant l’exercice libéral il y a 10 ans, explique Marie Reine Pasut, IDEL à Villeneuve-sur- Lot, je ne m’imaginais pas faire des soins à des patients qui ne se sont pas lavés depuis des jours, dont les vêtements "tiennent debout" et sentent l’urine, au milieu des ordures, sans pouvoir me laver les mains parce que l’évier est rempli de vaisselle sale et le torchon intouchable et sans un endroit propre où poser ma mallette ou ma veste. Pourtant j’ai dû me rendre à l’évidence que le manque d’hygiène n’est pas si rare et n’est pas forcément lié à l’âge ou au manque de moyens financiers. Ces cas, bien que rares, existent réellement et ne sont pas l’apanage des personnes isolées, atteintes dans leur mobilité ou leurs sens, le défaut d’hygiène s’observe aussi chez des personnes financièrement à l’aise ou chez des jeunes dans un contexte d’addiction, de désœuvrement et de chômage. Des situations face auxquelles les IDEL ne manquent pas de faire intervenir les services médico-sociaux avec des résultats plus ou moins probants. En l’espace de 5 ans, sur notre secteur, on a vraiment observé une dégradation du comportement des jeunes, confirme l’infirmière. Non seulement ils sont en perte totale de repères concernant l’hygiène élémentaire, mais souvent le dialogue est impossible ce qui n’arrange rien… A nous de nous débrouiller comme on peut.

Pourtant j’ai dû me rendre à l’évidence que le manque d’hygiène n’est pas si rare et n’est pas forcément lié à l’âge ou au manque de moyens financiers

Négocier ou s’adapter

De fait, lorsqu’on leur demande s’il leur arrive de rebrousser chemin à un environnement souillé ou une attitude réfractaire, rares sont les IDEL qui baissent les bras, préférant entreprendre des démarches d’éducation à l’hygiène et de correction de l’hygiène déficitaire, même si cela se transforme parfois en aveu d’impuissance. Je n’ai jamais refusé de faire des soins malgré l’inconfort et le stress associés à la réalisation de gestes techniques nécessitant une parfaite asepsie dans un environnement et/ou sur un patient sales, commente Caroline Abadie, IDEL dans l’Hérault. En revanche, j’essaie toujours de faire en sorte que les patients acceptent de prendre au moins une douche par semaine, d’aérer la maison, de changer de vêtements ou de réserver un espace « propre » pour réaliser les soins et poser mon matériel…. Cette démarche d’éducation exige à la fois du temps et de la négociation pour emporter l’adhésion du patient. En général, j’évite d’aborder ouvertement le sujet de l’hygiène, précise Marie Reine Pasut, J’explique que la douche ou le lavage des plaies est un prérequis indispensable aux soins et lorsque les patients entendent et acceptent mes arguments, je commence par les laver pour qu’ils retrouvent un semblant de dignité humaine. Cette démarche permet parfois de redonner le goût du propre et de réenclencher des réflexes d’hygiène (se laver, mettre des vêtements propre, ranger la cuisine, nettoyer l’évier…) chez certains patients, qui peuvent ensuite s’inscrire dans la durée grâce à l’intervention des autres acteurs médico-sociaux. Cela dit, « apprivoiser » les patients n’est pas toujours possible et il n’est pas rare que ce soit eux qui imposent leurs conditions aux soignants, comme ce malade en fin de vie qui refusait de faire sortir ses chiens pendant que l’infirmière branchait l’alimentation sur sa chambre implantable.

Je n’ai jamais refusé de faire des soins malgré l’inconfort et le stress associés à la réalisation de gestes techniques nécessitant une parfaite asepsie dans un environnement et/ou sur un patient sales.

Ne pas composer à tout prix

Le patient a beaucoup de droit, y compris celui de ne pas se soigner, explique Anne Raimbault, IDEL à Quintin (22) et membre d’un groupe pluridisciplinaire travaillant sur la prévention des infections associées aux soins à domicile auprès du Ministère de la santé. Dans le contexte particulier de la fin de vie, l’attitude et l’intransigeance de ce patient vis-à-vis des chiens (situation extrême et heureusement rare), nécessitait une approche holistique du soin. Une situation compliquée à gérer pour l’IDEL qui n’est pas « formaté » pour  accéder à une telle demande car elle signifie une prise de risque et une perte de chance pour le patient. Lorsqu’un patient refuse les conditions d’hygiène imposées par la réalisation sécurisée des soins, surtout lorsqu’il s’agit de soins nécessitant une asepsie rigoureuse, l’IDEL a aussi le droit de refuser de composer, commente Anne Raimbault. S’adapter coûte que coûte n’est pas forcément la solution, car l’IDEL ne doit pas perdre de vue qu’en cas de complication infectieuse il pourra lui être reproché d’avoir mal fait son travail.

Aller à l’essentiel

Dans ce cas, ils doivent redoubler de vigilance et faire preuve d’une parfaite maîtrise des gestes. A ce titre, ils peuvent se référer aux recommandations de la SF2H1. Dans de telles circonstances, il faut se focaliser sur l’essentiel pour réaliser le soin vite et bien en mettant toutes les chances de notre côté, commentent Marie Reine Pasut, qui en accord avec sa collègue Moutia a pris la décision de composer avec les chiens pour privilégier la volonté du patient et sa qualité de vie dans ce contexte particulier de la fin de vie. Dès lors, le patient a accepté de tenir ses chiens en respect pendant que les IDEL appliquaient le protocole de soin requis par le risque septique. Nous avons procédé ainsi pendant 3 mois sans complication infectieuse, et avons permis à ce patient de bénéficier des soins le plus longtemps possible, témoignent les IDEL. Sale ou pas sale, hygiène précaire ou non, les IDEL sont unanimes sur le fait qu’un patient est avant tout un malade face auquel elles doivent savoir, en fonction du contexte, apporter une réponse soignante adaptée. Une réponse qui nécessite, dans certains cas, une capacité à mettre en œuvre des réflexes préventifs pour remplir leur mission sans prendre de risques et une disponibilité totale, car un soin de 15 minutes peut très vite se transformer en plus d’une heure de présence.   

J'ai pris la décision de « composer avec les chiens » pour privilégier la volonté du patient et sa qualité de vie dans ce contexte particulier de la fin de vie.

Coter le temps passé malgré tout

De façon très pragmatique, comment l’IDEL peut-il être dédommagé de ce temps passé et de ce soin non prévu par la prescription initiale ? Si j’ai une prescription pour un pansement et que je dois passer plus de temps pour laver ou faire prendre une douche au patient, explique Marie Reine Pasut, je le fais spontanément sans me poser de questions. Pour autant, il me paraît légitime dans un deuxième temps, de coter si possible le soin que je viens de réaliser. Dans ce contexte, s’agissant d’actes relevant de leur rôle propre, les IDEL ont la possibilité de faire un diagnostic et d’élaborer une DSI qui permet de mettre en place les cotations relatives aux soins d’hygiène. Il suffit de demander une prescription de DSI au médecin du patient, de remplir le dossier (diagnostic, besoins du patient, soins infirmiers préconisés…) et de l’adresser avec la prescription au médecin conseil de la CPAM du patient. Même si elles ne sont pas représentatives de ce que l’on fait réellement, ces cotations nous permettent d’avoir le sentiment de ne pas travailler pour rien conclut l’infirmière. Dans un avenir proche, la mise en place effective du BSI (bilan de soins infirmiers) permettra de mieux rémunérer la séance de soins grâce à des critères de majoration tels que l’insalubrité du logement, la présence de sanitaire non adaptés, ou l’impossibilité d’utiliser le matériel d’aide aux soins…

Note

  1. Recommandations -Bonnes pratiques essentielles en hygiène à l’usage des professionnels de santé en soins de ville - Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H), nov 2015. Un guide technique dans lequel les IDEL trouveront les bases nécessaires pour appliquer les mesures de prévention du risque infectieux associé aux soins à domicile. Disponibles sur le site de la SF2H

Marion DUVERNEY

Cet article est paru dans le journal de la FNI Avenir & Santé n°444 (p. 36-37) que nous remercions pour ce partage.


Source : infirmiers.com