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Quand la capacité d'écoute n'est plus là...

Publié le 28/11/2017
Qui Quoi

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écoute, oreille, sculpture

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« Et c'est là que je me suis rendu compte que je n'étais plus capable d'accueillir la parole du patient. Je suis partie.... » raconte l'infirmière à la patiente, qui, de son côté, vient de subir un jugement qui la blesse…

Nous sommes en novembre 2017. Je viens de vivre une séance de dialyse éprouvante. Je suis très fatiguée suite à un oedème du poumon. Les dialyses se passent et ne se ressemblent pas. J'ai été très affectée par une transmission sur mon comportement - « Non observance thérapeutique »  - suite à mon refus de bilan sanguin déjà effectué la veille.

On ne s'en rend pas forcément compte, mais le soignant qui lit cela peut adopter une posture qui intègre cette transmission parfois mal ciblée. Et c'est le cas ! L'infirmière à qui j'en parle est adorable. Elle comprend bien que ça puisse m'affecter qu'on me mette dans une case, « psy » qui plus est. Elle me dit qu'elle doit parfois faire des transmissions ciblées sur le comportement d'un patient, mais qu'elle échange toujours avec lui à ce propos.

Elle est très à l'écoute. Nous avons beaucoup discuté durant cette séance de dialyse où je me suis sentie mal. Mal, parce que je subis beaucoup depuis mon enfance. Tout s'ajoute et rien ne s'efface. Arrive enfin le moment du débranchement à l'issue de ma séance du jour. L'infirmière et moi discutons de son parcours : la réanimation, les urgences et la dialyse. Elle me parle des urgences. De la difficulté de subir beaucoup d'agressivité pour tout : la douleur, l'impatience, l'anxiété et ce, en plus de tout le reste, et de devoir réagir vite et bien. Elle m'explique à quel point il est parfois difficile d'avoir de l'empathie dans ces conditions. Du fait aussi que, parfois, les patients « viennent pour rien ». Ou ce que l'on croit être rien. 

De la difficulté, parfois, pour les soignants de garder l'oreille attentive et empathique...

Elle me raconte, qu'un jour, une patiente enceinte arrive pour des petits saignements. L'infirmière qu'elle est a eu une rude journée. Elle arrive dans le box de la patiente et la questionne. Et voilà qu'elle la gronde franchement. On ne dérange pas un service d'urgence pour un petit saignement. A ce moment-là de cette histoire, je la coupe et je la regarde. Je lui demande combien la patiente en question a eu de fausses couches auparavant. Elle me sourit. Elle sait que je connais la fin de l'histoire mais continue son témoignage.

L'interne arrive. L'infirmière reste dans le box. Il pose des questions à la jeune femme. Lors de l'interrogatoire, la jeune femme lui dit qu'elle a fait plusieurs fausses couches et qu'elle a accouché d'un bébé mort né. L'infirmière me regarde et me dit : et c'est là que je me suis rendu compte que je n'étais plus capable d'accueillir la parole du patient. Je suis partie.

Je devais partir moi aussi après ma séance, mais j'aurais aimé prendre cette infirmière dans mes bras.

Ce texte a été publié sur le blog d'une Patiente impatiente le 19 novembre 2017. Merci de ce partage.


Source : infirmiers.com