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Quand hôpital rime avec absentéisme

Publié le 06/06/2013

Sept chercheurs en gestion et un ergonome ont mené un projet de recherche-intervention sur l'absentéisme dans 10 établissements hospitaliers publics de la région Pays-de-la-Loire, entre 2009 et 2012.

L'hôpital, secteur le plus touché par l'absentéisme

Les résultats de ce projet Phares (Projet hospitalier ligérien sur l'absentéisme, recherche, intervention, efficience et organisation, santé au travail) ont été présentés le jeudi 30 mai 2013 par Frédéric Kletz, maître-assistant à l'Ecole des mines de Paris, lors d'une conférence aux salons de la santé et de l'autonomie. Ils seront publiés dans les prochaines semaines sur les sites de la Fédération hospitalière de France (FHF) et de l'Agence régionale de santé (ARS) Pays-de-la-Loire. "L'hôpital est le secteur le plus touché par l'absentéisme qui est deux à quatre fois supérieur à celui des autres secteurs", a rappelé Frédéric Kletz. "Contrairement au secteur industriel, où il stagne, il continue à augmenter à l'hôpital", a-t-il ajouté.

Ce projet Phares a été mené entre 2009 et 2012 dans 10 établissements ligériens par une équipe de sept chercheurs en gestion (Ecoles des mines de Paris et de Nantes, Universités de Nantes et Rouen) et un ergonome (cellule Acort). Il s'agissait de caractériser l'absentéisme hospitalier à partir de diagnostics locaux et de mettre en évidence des outils de correction et de prévention. 

La méthodologie de l'enquête a privilégié les entretiens individuels et collectifs. Plus de 500 entretiens ont été menés. "Tout le monde est convaincu du problème de l'absentéisme, mais il n'existe pas d'outils de pilotage", a relevé Frédéric Kletz. Il note que les instruments de mesure et de suivi de l'absentéisme sont faiblement développés. Et lorsqu'ils existent, ils sont très différents d'un établissement à un autre, ce qui rend les comparaisons impossibles. "On ne peut pas comparer les chiffres d'un établissement qui compte les congés de formation dans son absentéisme avec ceux d'un établissement qui ne le fait pas", a-t-il donné pour exemple. Les entretiens ont mis en évidence plusieurs paradoxes. "Le premier est que personne n'a cité les troubles musculosquelettiques (TMS) ou la pénibilité comme une cause d'absentéisme", souligne Frédéric Kletz. Les déterminants organisationnels ont un poids plus important, assure-t-il.

Ainsi, l'absentéisme peut s'autoalimenter. Le remplacement d'un absent par une personne non adaptée (venant d'un autre service, par exemple) est une "très mauvaise idée". Cette solution "épuise le personnel" : le remplaçant, soumis à un stress, et ceux qui l'accueillent et doivent le former. L'éloignement des cadres, considérés comme "perpétuellement en réunion", est aussi dénoncé par le personnel paramédical, qui doit "se débrouiller". "Les cadres eux-mêmes souhaitent revenir sur le terrain", signale le maître-assistant. La moindre implication des médecins et de la direction des établissements est aussi un facteur d'absentéisme du personnel moins qualifié, relève l'étude.

Des actions spécifiques à chaque établissement

Des comités de pilotage ont été mis en place dans les établissements pilotes pour réduire l'absentéisme, en fonction du diagnostic local. Pour réduire ce phénomène, des actions spécifiques ont été menées dans chaque établissement. Deux ont adopté une "charte de l'absentéisme". Elle détaille un ensemble de règles pour le personnel et l'établissement sur la gestion des remplacements et fixe des limites dans la sollicitation du personnel. Un troisième hôpital a élaboré des principes de gestion de la mobilité des agents dans les différents services en fonction de leurs compétences. D'autres établissements ont mis en place des entretiens de retour à l'emploi. Ils permettent au personnel de reprendre pied dans le travail. Anonymisés, ils aident l'établissement à identifier les raisons des absences et à travailler sur les perturbations dans le travail des soignants. Des nouvelles modalités de gestion des remplacements (mise en place d'un pool, arrêt du remplacement "un pour un"...) ainsi que des tableaux de bord de suivi des remplacements ont été développés.

L'exemple du CHU de Rouen

Le plan d'action mené au CHU de Rouen a ensuite été abordé durant cette conférence. Après une hausse importante de son taux d'absentéisme entre 2003 et 2011, l'établissement a réussi à inverser la courbe depuis un an. "Nous avons mené en 2010 un gros audit, financé par un Clact (contrat local d'amélioration des conditions de travail), après une demande pressante du CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail)", a expliqué Asmahane Khelfat, directrice adjointe chargée des ressources humaines. Cet audit, d'un coût de 70.000 euros, a été pris en charge à hauteur de 50.000 euros par l'ARS Haute-Normandie. Il a montré que le coût des salaires des agents absents s'élevait à 24 millions d'euros par an. "Ça a été un choc, alors que nous étions engagés dans un plan de retour à l'équilibre de 7 millions d'euros", a témoigné Asmahane Khelfat.

Un comité de pilotage mis en place en juillet 2011 a défini un plan d'action, qui a débuté en novembre de la même année. Il comprenait des principes généraux, dont celui "d'intégrer les conditions de travail dans tous les actes de gestion, au même titre que la démarche qualité et la T2A (tarification à l'activité)" et des actions concrètes. Le plan comportait des actions sur la sûreté des salariés (prévention des incivilités, sûreté des travailleurs isolés...), les ressources humaines (favoriser le maintien dans l'emploi, réduire les délais de passage en comité médical, agir sur la gestion des plannings...), l'organisation et le management (organisation hôtelière sur les sites et pôles, circuit du linge...) et les conditions matérielles de travail. Au pôle tête et cou (225 lits et places, 435 ETP), l'absentéisme était passé de 12,9% à 16,74% entre 2009 et 2011. En 2012, il est descendu à 14,92%. Les accidents du travail ont aussi été réduits : 15 au premier trimestre 2012, huit en 2013.

Le plan d'action du pôle comprenait une actualisation du document unique, un plan de prévention des risques professionnels, une analyse des accidents du travail et la mise en place d'une commission de maintien dans l'emploi de pôle. Un engagement systématique de maintien à l'emploi pour les agents revenant d'un arrêt de maladie supérieur à six mois a été signé. "Cela évite que certains services envoient leurs agents 'abîmés' ailleurs, et les incite à améliorer les conditions de travail et résoudre les difficultés des agents", a déclaré Colette Mauger, cadre supérieur de santé au pôle tête et cou.


Source : infirmiers.com